Marion Cardona (Impact+) "Il est possible de diminuer de 80% les émissions liées aux campagnes en publicité numérique"
La cofondatrice de la société qui accompagne des marques comme Axa, Danone ou L'Oréal France sur le sujet de la mesure et de la réduction des émissions liées à leurs campagnes numériques fait le point sur la maturité du secteur.
JDN. Où en est aujourd'hui le marché de la publicité numérique sur la question environnementale ?
Marion Cardona. Le sujet commence à être pris au sérieux. Les agences s'équipent de calculettes carbone, l'interprofession lance des missions dédiées… Ce n'est pas évident pour tout le monde, il y a encore des annonceurs qui font l'impasse sur le sujet car dans un contexte de pandémie, la priorité, c'est de rationaliser les investissements et donc d'optimiser le ROI des campagnes médias. Heureusement, on peut agir sur un KPI environnemental sans aller contre la performance media. Chez Impact+, on pense qu'il est possible de diminuer de 80% les émissions liées aux campagnes en publicité numérique dans les prochaines années.
Comment ?
Ça varie fortement d'une campagne média à l'autre, selon qu'il s'agisse d'une campagne display ou vidéo, mais aussi du choix des technologies de diffusion. L'enjeu, c'est d'analyser la performance carbone des acteurs sur chacun des leviers et de faire des arbitrages en fonction de ses enjeux marketing. On ne va pas dire à un annonceur qui a besoin de la vidéo pour travailler sa notoriété ou sa considération de ne plus y recourir. On va plutôt lui conseiller, par exemple, de regarder les taux de complétion et de décider, pour les supports où ceux-ci ne sont pas bons, de réduire la durée de la création ou de privilégier le display. On peut faire d'importantes économies en arrêtant de gâcher des impressions non rentables d'un point de vue environnemental. On a, par exemple, réussi à réduire le coût carbone d'une campagne média de 45% simplement en adaptant le médiaplanning à l'intensité carbone des jours de diffusion. On choisissait les jours où l'électricité générait le moins de CO2.
Où en est-on de l'éco-conception des assets ?
On peut évidemment adapter la résolution proposée à la technologie de diffusion choisie. Proposer une création moins lourde sur mobile que sur TV connectée. Ça n'a aucun sens d'avoir de la 4K sur le premier. Mais les agences créas vont, sur ce point, dépendre des specs tech du partenaire. Cela doit venir de la régie qui diffuse les contenus et c'est encore la preuve que ce sujet est l'affaire de tous. Raison pour laquelle, après nous être concentré sur le buyside, nous lançons également une offre à destination des régies.
Quid de la compensation carbone ?
La compensation, ça dépend à quel moment elle arrive. C'est évidemment un levier intéressant mais il faut qu'elle arrive en bout de chaîne, après que l'annonceur a fait les efforts de réduire son empreinte. C'est comme pour le plastique, ce n'est pas parce qu'on peut le recycler qu'il ne faut pas penser au moyen de réduire son utilisation, voire de lui trouver des alternatives. La compensation à elle seule n'est pas une solution.
Le Shift Project parle dans son rapport sur la sobriété numérique de data minimization, soit le fait de réduire le volume de datas utilisées dans le cadre des campagnes médias. Ça parait difficilement compatible avec le fonctionnement de l'open auction…
Il faut savoir déjà que la data a un impact marginal dans l'enveloppe carbone. En réduire l'utilisation est vertueux dès lors que cela s'accompagne d'une volonté de mieux cibler les campagnes médias. Car, comme toujours sur ce sujet, il faut faire attention aux effets rebond. Certes en arrêtant d'utiliser la donnée, on limite l'empreinte environnementale d'une impression… mais si c'est pour en acheter plus parce qu'on balaie plus large, fautes de données, ce n'est pas vertueux.
Cet article est également publié dans Adtech News, supplément papier du magazine CB News, dédié à l'adtech et au martech. Dans l'édition d'avril , un dossier sur la publicité numérique et l'écologie, une interview de La Redoute sur son repositionnement, une analyse de sellers json, un focus sur Retail Shake et le baromètre du programmatique.