Google va finalement permettre le partage d'identifiants publicitaires

Google va finalement permettre le partage d'identifiants publicitaires Les éditeurs pourront transmettre à leurs acheteurs des identifiants cross-sites favorisant le ciblage publicitaire. Mais les technologies d'achat de Google ne les liront pas.

C'est peu dire que Google avait jeté un froid sur le marché publicitaire en annonçant, début avril, qu'il ne souscrirait pas aux identifiants partagés à des fins de ciblage publicitaire. Le marché voit dans cette pratique un substitut aux cookies tiers, dont Chrome a annoncé la disparition d'ici 2023. Mais il parait difficile de lui imaginer un avenir sans le soutien du géant de la publicité. Son outil d'achat programmatique, DV 360, aiguille plus de 50% des investissements programmatiques alors que sa technologie de monétisation, Google Ad Manager (GAM), équipe la grande majorité des éditeurs français.

Un déploiement espéré pour début 2022

Six mois plus tard, l'Américain a, semble-t-il, mis un peu d'eau dans son vin. Google teste ainsi une fonctionnalité baptisée Encrypted signals, qui permettra aux éditeurs équipés de GAM ou utilisant son wrapper Open Bidding de transmettre à leurs acheteurs des signaux cryptés, dont des identifiants publicitaires, pour les aider à cibler les audiences. Les technologies de Google situées buyside, DV 360 et Google Adex, ne liront pas ces informations mais leurs concurrents, SSP et DSP, pourront eux le faire. La fonctionnalité n'est pour l'instant disponible qu'en alpha alors que des tests sont menés avec quatre SSP, Magnite, Pubmatic, Open X et Index Exchange, pour vérifier que les branchements fonctionnent. Google veut, selon nos informations, ensuite tester le dispositif avec des solutions d'identification comme ID5 ou Identity Link de Liveramp. L'Américain table sur un déploiement généralisé début 2022.

"Nous nous engageons à aider les éditeurs de toutes tailles à prospérer dans l'environnement actuel axé sur une plus forte protection de la vie privée en ligne et nous expérimentons actuellement de nouvelles fonctionnalités pour aider les éditeurs et les annonceurs qui souhaitent se connecter directement", justifie un porte-parole interrogé par le JDN.

"Google voit que c'est contre-productif d'interdire au marché de recourir à des identifiants de tracking cross-site dès lors que ces derniers ne contreviennent pas à la règlementation."

Le géant de la publicité dément tout changement de cap dès lors qu'il ne crée pas d'identifiant alternatif pour suivre les individus lors de leur navigation sur le Web, pas plus qu'il n'en utilise pour ses produits. "C'est compliqué pour Google de revenir sur les annonces d'il y a quelques mois mais la réalité, c'est que sa position a bel et bien évolué, observe Mathieu Roche, le fondateur d'ID5. Google voit que c'est contre-productif d'interdire au marché de recourir à des identifiants de tracking cross-site dès lors que ces derniers ne contreviennent pas à la règlementation." D'où le nouveau discours tenu par le géant de la publicité, que l'on pourrait résumer à l'assertion suivante "Nous, on ne le fera pas mais si vous tenez absolument à le faire, faite-le."

On peut voir dans ce revirement les conséquences de la pression très forte que subit le géant de la publicité, de la part des régulateurs. Sous le coup de plusieurs enquêtes des autorités de la concurrence, que ce soit au Royaume-Uni, pour Privacy Sandbox ou en France, pour ses pratiques publicitaires, Google doit montrer patte blanche. "Google ne peut plus se permettre d'imposer ses vues au marché", estime Mathieu Roche.

Mais quelles seront les conséquences de cette annonce ? D'abord, qu'elle a, à ce stade, des conséquences limitées sur le business des éditeurs. La plupart réalisent jusqu'à 50% de leur chiffre d'affaires publicitaire digital avec DV 360 et Google Adx, deux technologies qui ne liront toujours pas les identifiants partagés. Et une bonne partie des 50% restant transite généralement via prebid.js, un wrapper open source qui agit en toute indépendance de GAM et permet donc l'envoi d'identifiants publicitaires dans les bid requests. "C'est à peu près 25% de mon chiffre d'affaires programmatique qui est concerné par cette annonce, soit les revenus que je tire du programmatique garanti, des preferred deals et d'Open bidding", résume un patron de régie.

Il est aussi étonnant de noter l'absence d'Unified ID 2.0, projet d'identifiant partagé qui fédère une grande partie de l'adtech. Le projet est, selon nos informations, à l'arrêt depuis que The Trade Desk en a confié la gouvernance à l'IAB Tech Lab. Impossible donc pour Google de l'inclure dans ses tests. Enfin, on peut s'interroger sur les conséquences de cette annonce pour le business de Google. Les DSP concurrents de son outil (DV 360, The Trade Desk et Xandr en tête), pourraient regagner en compétitivité sur l'open Web, le recours aux ID partagés leur permettant de cibler plus finement que DV 360 qui passera, lui, par Privacy Sandbox sur cet environnement. Les acheteurs pourraient alors être tentés de basculer une partie des investissements qui transitaient via DV 360 vers d'autres sièges DSP. La part de marché de son ad-exchange, Google Adx, autre gros apporteur de business des éditeurs français, pourrait de la même manière être impactée…