Anthony Katsur (IAB Tech Lab) "L'IAB Tech Lab va lancer une plateforme de gestion de la privacy début 2022"
Privacy, lutte contre la fraude et CTV… Le président de l'institution qui définit les standards de la publicité digitale revient sur ses principaux chantiers.
Cette interview a été réalisée dans le cadre du partenariat entre le JDN et l'Ad&Tech Forum, événement organisé les 1er et 2 décembre par l'IAB France et la MMA France. L'IAB Tech Lab, l'institution chargée de définir les standards mondiaux de la publicité, profitera de l'événement pour dévoiler les enjeux qui l'attendent en 2022.
JDN. 2021 est bientôt derrière nous. Quel bilan l'IAB Tech Lab tire-t-il de cette année mouvementée ?
Anthony Katsur (IAB Tech Lab). L'année a été chargée. Il a beaucoup été question de privacy et d'identification évidemment. Nous avons accueilli l'annonce du report de la disparition des cookies tiers de Chrome avec soulagement car elle nous donne plus de temps pour trouver une solution qui préserve les intérêts de chacun : les utilisateurs, dont il faut protéger la vie privée, les marques, auxquelles il faut permettre de continuer à faire de la publicité ciblée.
L'un de nos principaux chantiers cette année a d'ailleurs été le développement d'une plateforme globale de gestion de la privacy, compatible avec les différentes régulations en vigueur, qu'il s'agisse du RGPD en Europe ou du CCPA en Californie, par exemple. Cette plateforme sera lancée officiellement début 2022. Nous nous réjouissons également de l'adoption croissance de notre Open Measurement SDK, un ensemble d'outils conçus pour faciliter la mesure de la visibilité et la vérification des publicités dans les environnements d'applications mobiles et web video. Une centaine de SDK ont déjà obtenu leur certification. Cela peut sembler peu mais, ramené au nombre d'applications concernées, cela représente des millions d'applications dans le monde.
Où en êtes-vous du projet Rearc, cette initiative visant à faciliter et sécuriser la transmission des données des annonceurs et des éditeurs entre les acteurs de la chaîne programmatique ?
Le projet suit son cours. Le lancement de la plateforme globale de gestion de la privacy s'inscrit dans ce cadre-là. Nous allons recruter très prochainement un collaborateur qui va nous accompagner sur ces sujets d'identité et vie privée.
The Trade Desk doit également vous confier la gouvernance du projet d'identifiant partagé, Unified ID 2.0, qu'il avait initié. Où en est-on ?
Nous en sommes encore au stade des discussions pour identifier la meilleure manière d'opérer cette transition, de façon à transférer la gestion du code source et des key administration servers au Tech Lab. Nous espérons arriver à une solution d'ici la fin de l'année et opérer la bascule au cours du premier trimestre 2022.
Toujours concernant ce sujet de l'identification, vous venez de dévoiler id-sources.json, une fonctionnalité qui permet aux éditeurs, agences et marques de déclarer les services d'identité avec lesquels ils travaillent. Pourquoi ?
Nous pensons qu'il est indispensable d'apporter de la transparence concernant l'utilisation qui est faite des données des utilisateurs. Avec id-sources.json, un acheteur peut voir d'un coup d'œil les partenaires d'identification de l'éditeur avec lequel il veut travailler et inversement. Rien de mieux que la transparence et la capacité de remonter à l'origine d'une information pour combattre la fraude. C'est ce qui avait motivé le lancement d'ads.txt, qui permet à un éditeur de communiquer la liste des partenaires technologiques qu'il autorise à vendre son inventaire, ou de sellers.json, qui permet à ces partenaires de mentionner les éditeurs avec lesquels ils collaborent. Et cela vaut pour id-sources.json qui n'est que la première d'une longue série de fonctionnalités qui permettront d'apporter plus de transparence sur le sujet de l'identification.
Vous ne mentionnez pas buyers.json, fonctionnalité qui doit permettre à un DSP de communiquer sur les acheteurs qu'il représente. Son adoption est encore très rare, au grand désarroi des éditeurs. Que leur répondez-vous ?
"Les acteurs positionnés côté achat ne font, pour l'instant, par les efforts nécessaires"
Les médias ont tout à fait raison de se plaindre de ce manque d'engouement car les acteurs positionnés côté achat ne font, pour l'instant, par les efforts nécessaires. C'est évidemment aussi le rôle du Tech Lab d'éduquer les annonceurs à cela et j'en fais une mission personnelle. Les annonceurs peuvent lutter contre la fraude en concentrant leurs investissements sur les éditeurs qui montrent patte blanche via ads.txt mais ils doivent aussi donner l'exemple en montrant avec qui ils travaillent.
Quelles sont vos priorités pour 2022 ?
Continuer à travailler main dans la main avec les autres entités de l'IAB, notamment en Europe. Le Tech Lab a vocation à définir les standards techniques qui structureront le marché de la publicité digitale au niveau global. Et cela passe par plus de collaboration avec les associations présentes en local. Ce que nous allons faire dans le cadre du déploiement de notre plateforme globale de gestion de la privacy qu'il faudra adapter à chaque régulation locale.
L'autre sujet, c'est la lutte contre la fraude, pour laquelle il nous faut revoir notre approche. Nous n'adressons qu'une partie des pratiques problématiques, comme le domain spoofing ou l'ad stacking. Il faut réfléchir à de nouveaux standards pour combattre le reste. Il va également falloir repenser le protocole RTB pour le rendre compatible avec le développement de la CTV. C'est concrètement réussir à trouver le moyen de transposer les deals noués en début d'année entre chaînes TV et acheteurs (l'annonceur s'engage sur un montant de dépense en échange d'un tarif préférentiel) en des deals ID activables en temps réel. C'est aussi réfléchir à la notion d'audience en CTV, tous les acteurs n'ayant pas la même définition d'un foyer, par exemple. Il va falloir standardiser tout cela.
Anthony Katsur est CEO de l'IAB Tech Lab depuis juillet 2021. Il a été, avant cela, SVP digital et stratégie de Nexstar Media Group. Il est conseiller ou investisseur de nombreuses sociétés tech comme Blockthrough, Oxio, RevCascade ou Stackpop.