Comment les agences de pub s'approprient l'IA générative

Comment les agences de pub s'approprient l'IA générative Les agences créatives se mettent toutes au prompt, mais on reste encore loin d'une production industrielle des campagnes grâce à l'IA.

L'IA générative fait sa grande entrée dans la pub. Les agences créatives accélèrent le pas pour permettre à leurs équipes de se l'approprier. Même si l'usage reste anecdotique et expérimental, les IA génératives aident déjà à la production de réponses aux appels d'offres, par exemple en générant des visuels, en facilitant la production des storyboards qui matérialisent l'idée créative proposée, en fournissant des voix ou en codant des cartes de vœux.

"C'est une révolution enivrante : on a l'impression de pouvoir tout faire ! Mais si une véritable ruée vers ces outils se produit, leur usage reste balbutiant, ne serait-ce que parce que les modèles économiques n'existent pas encore. Le monde entier est sur la ligne de départ, toutes les agences sont sur un pied d'égalité", explique Arthur Kannas, président et directeur de la création chez Heaven. "Les marques n'osent pas encore explorer ces IA tant que le débat sur les droits d'auteur des bases de données d'entraînement des IA, lui-même très récent, n'est pas tranché. Cela devrait vite se préciser", précise David Raichman, directeur exécutif de création chez Ogilvy Paris, rappelant l'accord conclu en octobre dernier entre Shutterstock et OpenAI sur Dall-E ou la plainte déposée par Getty Images contre Stability AI (propriétaire de l'IA de Stable Diffusion).

"L'impact de l'arrivée de l'IA générative sur la création et la culture sera vaste et profond, on peut le comparer à celui engendré par l'arrivée d'internet sauf que là cela va beaucoup plus vite. C'est un outil extraordinaire qu'il faut savoir maîtriser : tous les métiers de l'agence doivent se l'approprier, y compris les équipes juridiques", explique-t-il. Ogilvy Paris a diffusé l'automne dernier une toute première campagne pour La Laitière de Nestlé se servant de la fonctionnalité d'outpainting de Dall-E sur le tableau éponyme de Johannes Vermeer, une image tombée dans le domaine public.

Outpainting de La Laitière de Nestlé par Ogilvy Paris grâce à Dall-E. © Ogilvy Paris

Chez Heaven, la première mesure adoptée dès l'automne dernier a été de rendre les différentes IA directement accessibles à toutes les équipes de l'agence à travers un portail développé en interne. A partir de cette interface, live depuis décembre, les professionnels définissent leurs prompts qu'ils soumettent à l'IA de leur choix, parmi lesquelles ChatGPT, Dall-E 2, Stable Diffusion, etc. Les résultats obtenus sont répertoriés dans un canal partagé afin de renforcer la compréhension de la discipline du prompting. "Plus on est précis et connaisseur, meilleur sera le résultat. L'IA fait ce qu'elle comprend du prompt", commente Arthur Kannas. Il faut donc apprendre à solliciter l'IA, d'autant que chaque IA dispose de son propre modèle d'instruction, de sa propre grammaire. Entrent également en jeu la culture générale et la connaissance du professionnel qui la sollicite. "Pour les images, on aura peut-être un retour en force des étudiants en histoire de l'Art qui disposent d'un vocabulaire à la fois vaste et précis avec de nombreuses références de dessins, d'époques ou de style. Un photographe, par exemple, peut obtenir des portraits extraordinaires avec l'IA parce qu'il sait préciser le modèle d'appareil qu'il souhaite que l'IA imite, l'ouverture du diaphragme, la luminosité, etc.", poursuit Arthur Kannas.

"Pour les images, on aura peut-être un retour en force des étudiants en histoire de l'Art"

A regarder de plus près, tous les métiers associés à la production publicitaire se retrouvent en pleine transformation. "Cette révolution en marche n'implique pas une destruction mais elle réinvente de nombreux métiers. Un réalisateur n'aura plus besoin de décors très complexes ou de voyager loin. Les boîtes de production devront apprendre à filmer pour l'IA. Les créatifs vont entraîner l'IA pour fabriquer des contenus qui se ressemblent davantage avec ce qu'ils veulent créer pour innover. En somme, on se dirige vers un monde hybride où on va mélanger les techniques existantes et l'IA", résume David Raichman. "Nous ne sommes pas tous égaux devant l'IA : le résultat sera complétement différent d'un créatif à un autre. C'est pourquoi l'outil ne vient pas remplacer le créatif mais l'aider à aller encore plus loin", insiste Ludovic Chevallier, directeur de Havas Paris Social, qui s'est servi de Midjourney sur Discord pour activer une campagne en janvier pour KFC.

Plus près des performances, les outils visant à faire évoluer les créas pour mieux répondre aux objectifs de campagne poussent comme des pop-corn. Taboola, plateforme de recommandation, a déclaré début février expérimenter l'intégration de l'IA générative dans sa plateforme publicitaire avec comme objectif de permettre aux annonceurs d'optimiser les titres et les contenus de leurs annonces en vue d'améliorer leurs résultats. De son côté, Nestlé déploît, avec la société américaine CreativeX (ex-Picasso Labs), une plateforme basée sur l'intelligence artificielle pour optimiser les éléments créatifs des campagnes en tenant compte de leurs résultats. Des solutions d'optimisation créative basées sur l'IA voient également le jour en France, comme Creative Lift, créée en 2021.