L'alcool banni de la publicité en ligne "Un régime juridique propre à la promotion de l'alcool sur l'Internet n'est pas forcément nécessaire"

Le débat sur l'autorisation de la publicité pour l'alcool sur l'Internet ne connaît pas son épilogue avec le rejet de l'amendement au projet de loi sur la Modernisation de l'économie, proposé par le sénateur César. Certes, celui-ci aurait eu le mérite de préciser le cadre juridique de la promotion des boissons alcoolisées sur l'Internet. Cependant la question de la pertinence d'un tel amendement se pose. Est-il nécessaire de prévoir un régime juridique propre à la promotion de l'alcool sur l'Internet ?


En effet, il est incontestable que des règles relatives à la presse écrite s'appliquent à l'Internet. De même, le CSA a des compétences sur les programmes de télévision ou de radio diffusés par Internet mais pas sur les sites Internet eux-mêmes. L'Internet apparaît alors davantage comme un support à la diffusion de différents medias plutôt qu'un media à part entière, sauf si le législateur en décide autrement (on pense par exemple au droit de réponse Internet, soumis à un régime propre, dérivé de la presse écrite). Il nous semble que la détermination du régime applicable devrait être fonction de la nature du contenu en cause.


Ainsi, un article d'un journal en ligne devrait être assimilé à la presse écrite. Par conséquent, eu égard à cette assimilation, tout contenu publicitaire sur l'Internet qui revêt les caractéristiques de la presse écrite, devrait relever des dispositions de l'article L.3322-2 du code de la santé publique. Ainsi, une publicité pour une boisson alcoolique publiée dans un journal en ligne serait licite au même titre qu'une publicité parue dans un magazine, tandis qu'une autre, incluse dans un clip vidéo téléchargeable, serait interdite. Bien entendu, une telle publicité admise dans son principe devra être conforme au code de la santé publique quant à son contenu.


Par ailleurs, la LCEN autorise la publicité par voie électronique sous réserve qu'elle n'est pas constitutive de spam. De plus, la lecture du 4° de l'article L3323-2 autorise la publicité pour l'alcool sous forme d'envoi par les producteurs "messages, circulaires commerciales, catalogues ou brochures". La publicité par courrier électronique paraît alors devoir être autorisée. Cependant, selon les juges, l'énumération du 4° de l'article L.3323-2 ne vise que le "support papier", dès lors il paraît impossible aux producteurs d'alcool de revendiquer le bénéfice de cet article.


Selon nous, une telle conception semble étriquée, et le courriel devrait être assimilé aux "messages, circulaires commerciales, catalogues ou brochures" en particulier depuis la généralisation de l'usage des supports électroniques et la consécration législative de l'écrit électronique en droit français.


Thibault Verbiest, avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles chargé de cours Université Paris I Sorbonne-Panthéon.