Facebook se condamne-t-il à être un simple vendeur de bannières ?

Facebook se condamne-t-il à être un simple vendeur de bannières ? De plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer la stratégie publicitaire du réseau social, qui délaisserait le social marketing pour le display classique. Qu'en est-il vraiment ?

Avec plus de 1,15 milliard de membres et un chiffre d'affaires de 2,20 milliards de dollars au troisième trimestre 2013 (en hausse de 60%), Facebook, qui délivre plus du tiers de toutes les bannières publicitaires diffusées dans le monde, a aujourd'hui tout du poids lourd. Mais loin d'être encensé, le réseau social serait même plutôt critiqué ces derniers temps. En ligne de mire, la pauvreté de ses performances publicitaires. Et l'institut Forrester d'attaquer Facebook bille en tête en sortant, il y a quelques jours, une enquête sobrement intitulée "Pourquoi Facebook déçoit les marketeurs", dans laquelle il accuse le réseau social de s'être concentré exclusivement sur l'élaboration de son offre display pour renier la promesse initiale faite aux marques : les aider à se connecter à leurs consommateurs. Le tout à mesure que le reach des pages fans, concurrence oblige, baissait pour plafonner à 16%. "Facebook est en fait tranquillement devenu dépendant des modèles publicitaires traditionnels qu'il tournait autrefois en dérision. Facebook n'a pas révolutionné le marketing. Et les marketeux disent que ces bannières publicitaires ne fonctionnent pas", avance l'institut de recherche.

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Facebook est incontestablement devenu un poids lourd publicitaire aux côtés de Google. © eMarketer

Alors qu'avec son introduction en bourse, la croissance de son chiffre d'affaires est devenue plus que jamais une priorité, Facebook s'est, il est vrai, quelque peu détourné de son statut d'icône du social marketing pour se concentrer sur son offre display, avec le lancement de son ad-exchange et l'arrivée du retargeting. De quoi en faire un "vendeur de publicités 1.0" tel qu'ironisait Forrester ? De quoi prêter au réseau social l'intention de rafler le marché mondial du display et d'essayer de détrôner son rival de toujours, Google ?

"Cette révolution que l'on prête à Facebook me semble plutôt être une simple évolution, minimise Christopher Caussin, directeur général de Sociamantic pour l'Europe du Sud. Le réseau social a jeté les premiers jalons de son business model autour des 'pages fans' que les annonceurs étaient incités à animer et enrichir, en dépensant pour acquérir de l'audience. Il a ensuite cherché, tout naturellement, à séduire les annonceurs plus ROIstes, en leur proposant des solutions publicitaires orientées performance."

Des taux de clics et des CPM tellement bas qu'ils jettent le trouble sur la pertinence du modèle

Bien sûr, le réseau social essuie encore les plâtres d'un environnement qui, contrairement à Google, se prête peu à la publicité (l'utilisateur l'assimilant plus facilement qu'ailleurs à de l'intrusion) et qui doit composer avec des formats de bannières pour l'instant trop étriqués pour avoir un véritable impact. En conséquence de quoi les taux de clic peinent encore à décoller, plafonnant le plus souvent entre 0,03% et 0,1%. Et leur faiblesse est tout juste compensée par celle des CPM, largement inférieurs aux formats display traditionnels. Mais ces lacunes sont connues et Facebook devrait pouvoir y remédier à terme. En ce qui concerne les formats, Facebook devrait prochainement présenter des modèles de bannières plus larges que le sempiternel 100*72. Quant à la publiphobie de ses utilisateurs, le temps semble être le meilleur allié de Facebook, à mesure que la présence de publicité deviendra tolérée puis acceptée.

D'autant que le réseau social fait tout pour ménager sa communauté, en témoigne l'abandon des résultats de recherche sponsorisés et le retard du lancement de la vidéo publicitaire en auto-play, au sein même du fil d'actualité, après des premiers tests peu concluants. Facebook a bien conscience de la nécessité de préserver le fragile équilibre qui subsiste entre espace personnel et publicité. "Tout lancement d'une campagne publicitaire sur Facebook s'accompagne d'une période de test au cours de laquelle les créations sont diffusées auprès d'un échantillon d'utilisateurs et validées, si elles n'ont pas été rejetées massivement par ces derniers", illustre d'ailleurs Christopher Caussin.

Est-ce suffisant pour calmer les ardeurs de ses détracteurs ? Pas sûr. Fait étonnant, les reproches de Forrester se concentrent en fait plus sur la standardisation supposée de ses créations publicitaires. "Des dizaines de milliards d'impressions sont effectués chaque jour, mais moins de 15% des publicités Facebook utilisent les données sociales pour toucher des publics plus pertinents", dénonce Forrester. Celui que l'on présente comme l'un des chantres de l'hyper-ciblage publicitaire avec la possibilité de segmenter son audience sur des critères géographiques, CSP ou comportementaux serait donc avare en data ? Une hypothèse que Véronique Bergeot, directrice générale de l'agence SocialMoov, balaye d'un revers de la main : "Avec 'Custom Audience', qui permet de croiser une base données clients avec la data Facebook, 'Look-alike Audience' qui identifie le 1% d'utilisateurs qui ressemblent le plus à ma cible et enfin le retargeting, qui permet de recibler les internautes déjà passés sur mon site, je crois qu'on peut dire que Facebook est équipé pour répondre aux attentes des annonceurs les plus ROIstes."

Sur le mobile, Facebook a tout pour devenir le n°1 incontesté

Et qu'il s'agisse du mobile (sur lequel il réalise déjà 50% de son chiffre d'affaires publicitaire) ou de la social TV, le réseau social ne manque pas d'arguments. Sur le premier, Facebook est à ce jour l'un des plus puissants leviers d'acquisition existant pour les développeurs d'application. Ses publicités dans le newsfeed réalisent de très belles performances.

En ce qui concerne la social TV, rien n'est joué. La bataille avec Twitter s'annonce toutefois rude et l'introduction des hashtags n'a pas encore eu les effets escomptés. Lancée il y a peu, l'offre de retargeting de Facebook pourrait par ailleurs lui permettre de venir croquer une part importante du gâteau publicitaire du reciblage. Elle s'effectue, en effet, sur la base de l'ID Facebook et lui permet donc de faire du retargeting cross-devices, là où ses concurrents qui utilisent les cookies sont cantonnés à des navigateurs. Avec une consommation Internet qui devient de plus en mobile, c'est incontestablement un facteur clé de différenciation. "La majorité de nos clients annonceurs considèrent aujourd'hui Facebook comme un canal d'acquisition à part entière, avec une life-time-value parfois supérieure à celle de Google", abonde Véronique Bergeot. 

Le salut par le native advertising ?

L'institut d'études américain ne condamne d'ailleurs pas forcément Facebook à mort. Il estime plutôt qu'en abandonnant les formats traditionnels pour se concentrer sur les formats intégrés au flux d'actualités, en surfant sur le native advertising et en dopant son offre mobile, le réseau social peut devenir un espace incontournable pour les campagnes de communication des marques. L'ouverture de son ad-exchange à Doubleclick, la solution de real-time-bidding de Google, semble procéder d'une telle intention. Car toute le monde s'accorde à dire qu'en matière de data, Facebook est sans doute le seul à pouvoir rivaliser avec Google.