Google utilise-t-il Youtube pour resserrer son étreinte sur le marché adtech ?

Google utilise-t-il Youtube pour resserrer son étreinte sur le marché adtech ? Le géant de l'Internet veut profiter de l'attractivité de l'inventaire pub de sa plateforme vidéo pour inciter agences et annonceurs à utiliser ses technologies d'achat.

Le site Digiday s'est intéressé de près à un accord passé en octobre dernier entre le groupe Mondelez International (Oreo, Tassimo, Milka...) et Google, portant sur l'utilisation des outils publicitaires de ce dernier (Doubleclick, AdMob et surtout Youtube qui s'est accaparé la part du lion en termes d'investissements). Un accord en apparence banal derrière lequel se dessinait en fait une négociation ardue au cours de laquelle Google voulait convaincre Mondelez d'utiliser exclusivement son propre DSP, DoubleClick Bid Manager, lorsqu'il achète de l'inventaire sur Youtube, plutôt que celui utilisé jusque là par Mondelez, TubeMogul.

Si les annonceurs veulent du TrueView, ils doivent utiliser DBM...

L'argument brandi par Google est qu'il lui serait très compliqué de proposer à Mondelez d'acheter ses publicités au format TrueView (format très prisé des annonceurs qui leur permet de ne payer que pour les publicités qui sont réellement vues) lorsqu'il utilise la technologie de TubeMogul. Google aurait ainsi clamé ne pas être capable de tracker et piloter correctement les campagnes TrueView de Mondelez s'il n'utilisait pas sa propre technologie de DSP. 

 
Pour donner un peu plus de poids à son argumentaire, Google n'aurait d'ailleurs pas hésité à recourir à une manoeuvre sujette à caution. Alors qu'il alloue normalement pour toute impression achetée sur son réseau des crédits donnant droit à des services additionnels (réductions sur d'autres produits Google, financement d'une enquête de marque...), le géant de l'Internet aurait tenté d'empêcher la distribution de ces crédits dans le cadre des achats effectués via TubeMogul. Une pratique anti-concurrentielle qui flirte avec l'abus de position dominante au vue de l'hégémonie de Youtube vis à vis des autres plateformes vidéos, aussi bien en termes d'audience que d'investissements.

Tous deux sont finalement arrivés à un compromis : Mondelez continuera à acheter un certain pourcentage des publicités Youtube avec TubeMogul et utilisera DBM pour les impressions restantes. Google s'assurant toutefois le ratio soit, à terme, en sa faveur. L'opération est juteuse pour Google. Pour cause, Mondelez, qui dépasse près de 200 millions de dollars en investissements publicitaires, en alloue 10% à la vidéo. Elle n'illustre pas moins les zones grises qui émaillent un secteur où des acteurs se positionnent à la fois du côté de l'acheteur et du vendeur. Un numéro d'équilibriste que Google porte à son paroxysme, lui qui est le seul à se positionner sur tous les échelons de la chaîne de valeur (Ad-server, SSP, DMP, DSP...). Chose dont Google n'a jamais fait mystère, soulignant l'intérêt pour ses clients de profiter de la conjonction de ses solutions technologiques pour réduire les aspérités et optimiser les processus d'achat et de vente.
 
Du côté des agences et des annonceurs le dilemme est de taille : chacun étant partagé entre le besoin d'optimiser ses processus d'achat et de reporting et l'obligation de préserver une indépendance totale entre les outils d'achat et de mesure de la performance et les inventaires concernés. Car Google a beau se draper du manteau de la transparence, on peut imaginer que les acheteurs ne seront pas très à l'aise avec la perspective d'arbitrer entre Youtube et un autre inventaire vidéo via un outil de Google.