Alain Lévy (Weborama) Une campagne sans display n'est pas efficace

Après une bonne année 2008, le président de Weborama dévoile sa vision du marché du display et sa stratégie pour imposer en 2009 sa technologie de ciblage comportemental face à un nouveau concurrent : Google.

 

JDN. Comment se porte Weborama ? 

Alain Lévy. Bien. Nous avons réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 8,7 millions d'euros en 2008, en progression de 82 %. Notre croissance organique est de 44 % sur l'année 2008 et elle n'a pas fléchi sur le dernier trimestre, à + 42 %. Selon l'Irep, l'ensemble du marché du display fait 12 % de croissance sur l'année. Aller plus vite que le marché est toujours satisfaisant. En plus de cela, cette performance a été réalisée en faisant progresser notre résultat d'exploitation de 70 % à 1,6 million d'euros. La crise n'est pas une catastrophe pour nous. Nous avons du cash, nous sommes rentables et restons concentrés sur notre développement organique. 

Comment s'organise aujourd'hui l'offre de Weborama ?

Nous avons développé notre technologie de ciblage comportemental que nous commercialisons pour les éditeurs qui disposent déjà d'une régie. A partir de notre solution de ciblage comportemental, nous avons créé une plate-forme publicitaire, W.Factory, riche de plus de 200 000 sites. L'acquisition de C-Marketing en 2007 nous a permis de mettre en œuvre une force commerciale capable de commercialiser des campagnes comportementales sur cette plate-forme. Enfin, nous commercialisons également nos adserver. Le premier, "AdPerf Advertiser", est notre adserver orienté agences et annonceurs que nous commerçialisons depuis deux ans. Il permet à une agence ou à un annonceur de traquer l'ensemble de ses actions de communication et d'en mesurer l'efficacité. Le second "AdPerf Publisher", s'adresse aux éditeurs. Il vient d'être commercialisé.  

"L'adserver de demain doit gérer les inventaires de manière quantitative et qualitative"

Pourquoi vous lancer aujourd'hui sur ce marché déjà encombré ? 

Les adservers classiques se contentent de gérer, d'aiguiller les campagnes en fonction des inventaires disponibles. C'est déjà beaucoup et cela a été central pour le display. Mais notre conviction, c'est que l'adserver de demain doit faire beaucoup plus. Il doit notamment être capable de gérer l'inventaire d'un site à la fois de manière quantitative et de manière qualitative, c'est-à-dire en tenant compte du profil de l'internaute à qui l'on adresse une publicité. Ensuite, il doit tenir compte de l'évolution du marché qui est en train de devenir un marché de flux. Une régie ne peut pas toujours vendre l'ensemble de son inventaire. L'inventaire invendu va aller ensuite chez AOL Google ou Weborama. L'adserver doit être capable de gérer cette optimisation du revenu du média. Les adserver en place aujourd'hui ne font pas cela.  

Quelle va être votre priorité en 2009 ? 

Nous en avons deux. La première concerne le renforcement de notre plate-forme publicitaire. Plus de 200 000 sites utilisent aujourd'hui notre technologie au sein de notre plate-forme. Nous voulons faire en sorte qu'un maximum de partenaires médias rejoignent la plate-forme. Pour l'instant ça se passe très bien puisque TF1, Allociné, Blogbang, le Nouvel Observateur et d'autres nous ont rejoints.  

Notre deuxième priorité concerne le lancement de la deuxième version de notre solution de ciblage comportemental, W.Cluster, qui est prévu un peu plus tard dans l'année. Nous avons mis l'accent sur l'aspect sémantique et notamment les co-occurrences de mots, c'est-à-dire la proximité de deux mots clés au sein d'une page, d'un paragraphe ou d'une phrase. Nous savons que lorsqu'ils apparaissent souvent ensemble, ils sont proches. Elle permettra par ailleurs aux agences et aux annonceurs de créer leurs propres clusters à côté des clusters génériques de Weborama. 

"Google n'a pas les mêmes actifs sur le display que sur le search"

Google vient justement de lancer son offre de ciblage comportemental. Cela vous inquiète-t-il ? 

Quand on observe la façon dont Google a fait main basse sur le search, on peut effectivement penser que c'est inquiétant. Cependant, je pense que les choses sont différentes pour le display, car Google n'a pas les mêmes actifs que sur le search. Le marché du display par exemple, n'est pas déterminé par l'omniprésence de Google sur la recherche. Notre travail quotidien consiste justement à proposer une alternative. Agences, annonceurs et éditeurs sont justement favorables à la diversité au sein du display. Si le marché veut trouver un équilibre, c'est-à-dire ne pas se retrouver avec un seul acteur qui truste plus de 80 % du marché, il faut soutenir une multiplicité d'initiatives différentes. 

Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de vos concurrents plus anciens comme Yahoo ou Wunderloop ? 

Nous regroupons à la fois une base de profils au sein de notre plate-forme publicitaire et une capacité à les commercialiser. Notre réseau représente plus de 20 millions de visiteurs uniques par mois, ce qui est comparable à ce que peuvent proposer les titans du marché. Nous avons enfin une technologie qui fonctionne. Wunderloop a l'aspect technologique, mais ne vend pas de campagnes, donc nous ne sommes pas vraiment concurrents d'eux. Quant à Yahoo, il semble que l'acquisition de Blue Lithium (qui a développé la technologie de ciblage comportemental qu'utilise Yahoo, ndlr) il y a deux ans ne soit pas encore complètement intégrée. 

"Nous allons mettre un pied au Royaume-Uni et un autre en Italie"

Où en est le développement international de Weborama ? 

Nous sommes présents en Espagne et via des partenariats aux Pays-bas et au Portugal. Pour la première fois, l'international a cru plus vite que le reste de l'activité. Il représente aujourd'hui 17 % de notre chiffre d'affaires, ce qui commence à peser. Notre objectif est de dépasser les 20 % en 2009. L'essentiel de la croissance internationale est due à notre activité en Espagne, bien que l'année ait été très dure là-bas. Nous sommes en train de nous y ancrer de manière sérieuse en y lançant notre plate-forme de ciblage comportemental. Nous allons essayer de mettre un pied au Royaume-Uni et un autre en Italie en 2009, d'abord en y développant une activité depuis la France, ensuite en y ouvrant des bureaux. 

L'année 2009 s'annonce-t-elle aussi bonne que 2008 ?  

Traditionnellement, nous ne faisons pas de prévisions. Cependant, nous nous attendons également à croître plus vite que le marché. Il est cependant délicat de dire à quoi ressemblera 2009, surtout la deuxième moitié de l'année sur laquelle nous avons très peu de visibilité. 

"Il y a une demande et des attentes fortes des annonceurs vis-à-vis d'Internet"

Comment voyez-vous évoluer l'e-pub face à la crise économique ? 

Notre analyse est qu'Internet va sortir renforcé de la crise par rapport à l'ensemble du marché publicitaire. Notamment parce qu'il offre plus de mesurabilité, d'efficacité et un coût moindre que les autres médias. Cela va être encore accentué par les coupures de budgets de certains annonceurs sur les grands médias sur les premiers mois de l'année. Au contraire de ces grands médias, Internet va bénéficier du report d'une part des budgets. Il y a une demande et des attentes fortes des annonceurs vis-à-vis d'Internet. 

Quelle place va occuper le display ? 

L'enjeu des mois et peut-être des années qui viennent va justement être de donner au display sa vraie place. Le search bien sûr va rester solide. Mais il est aujourd'hui clair qu'une campagne sans display n'est pas efficace. Les performances du search notamment chutent lorsqu'elles ne sont pas accompagnées de display. Dans l'ensemble du mix média, le display a surtout aujourd'hui un rôle de promotion de la marque. Je pense qu'il va de plus en plus permettre d'augmenter les taux de conversion des marchands en ligne. C'est en tout cas notre objectif, avec notre offre de ciblage comportemental. 

"La part du ciblage comportemental sur le display ne dépasse pas 10 % du marché"

Le ciblage comportemental reste pourtant marginal sur le marché du display ? 

C'est vrai. Il est difficile d'évaluer la part du ciblage comportemental. Je pense qu'elle ne dépasse pas 10 % du marché du display. Cependant, elle est amenée à croître de manière significative. Je ne serais pas surpris que d'ici deux ans, le ciblage comportemental sur le display se situe entre 25 et 30 %. Sur la part des CPM élevés, je pense que la part du ciblage comportemental sera encore plus forte. 

Jusqu'à 2007, plus on investissait sur Internet plus les résultats s'amélioraient. Il n'était pas nécessaire de savoir qui était l'internaute derrière sa machine. Nous étions dans un cercle vertueux où tout s'enchaînait de manière formidable. Maintenant, il existe une telle évolution du consommateur et une telle exigence de la part des annonceurs qu'il est devenu important de savoir précisément quels internautes sont ciblées par quelles publicités, et ce que l'on sait de ces internautes. C'est vrai pour l'ensemble des sites dont une bonne part du trafic provient des moteurs de recherche, et qu'ils ne connaissent donc pas a priori. 

La crise peut-elle permettre au display de dépasser le search ? 

Je pense que c'est dans l'ordre des choses. A cours des dernières années il s'est creusé un écart important entre le search et le display. Même si ces deux gros pavés restent le cœur des campagnes sur Internet, le search a dépassé le display. Cependant, la crise augmente les attentes et les exigences des annonceurs aussi et le display est plus à même de répondre à ces besoins que le search. Au cours des dernières années, les formats du display ont évolué, le rich media a fait son apparition. Je suis convaincu que la crise va démontrer que le display offre des possibilités considérables aux annonceurs.

Comment voyez-vous évoluer les acteurs de l'e-pub dans les années à venir ? 

Aujourd'hui il existe plus de 150 régies en France sur le display. Pour une agence média, gérer 150 régies, c'est injouable. Notre vision du marché est que seuls les grands médias vont continuer à avoir leur propre régie. Les plates-formes comme la nôtre, celle de Google, ou de Yahoo vont fédérer un grand nombre de sites. A côté, les adservers malins seront capables pour un site donné, d'optimiser et de maximiser les revenus en allant chercher les campagnes là où elles se trouvent, que ce soit chez nous ou ailleurs. Demain, les sites dont l'audience n'est pas fortement différenciée et qui n'ont pas de contenus spécifiques n'auront plus de raison d'avoir une régie. Le marché a besoin de simplification. Nous pensons justement être un agent de simplification. Cela ne veut pas dire une diminution des revenus, c'est juste le mode de commercialisation qui va évoluer.