Gilles Babinet et François Petavy (Eyeka) "Il y a méprise sur la notion d'UGC"

Forte de 75 000 membres, la communauté de créatifs Eyeka mise sur leurs créations engagées pour valoriser les marques.

Comment évolue l'activité d'Eyeka ?

Gilles Babinet. Le chiffre d'affaires a été multiplié par trois entre 2008 et 2009, et nous comptons bien poursuivre sur la même tendance pour 2010. S'il n'y avait pas eu la crise, je pense que nous aurions même multiplié notre chiffre d'affaires par cinq. 

"Eyeka a distribué environ 500 000 euros de dotations aux membres de sa communauté depuis 2005"

Qui sont les membres de la communauté Eyeka ?

François Petavy. Tout d'abord notre communauté de co-création est aujourd'hui composée de 75 000 consommateurs créatifs. Il y a les amateurs qui participent pour s'amuser et ceux, plus éclairés voire semi-professionnels, qui le font pour montrer ce qu'ils savent faire. Ils ne viennent pas tant pour les dotations – diffusion en télévision, dotation en numéraire ou en nature – que pour les problématiques qu'on leur propose.

Pouvez-vous préciser le montant des dotations remises aux participants ?

Gilles Babinet. Eyeka a distribué environ 500 000 euros de dotations depuis ses débuts, soit en moyenne 2500 à 5000 euros pour les contributeurs les plus rapides à répondre à nos appels à création.

Publiez-vous toutes les créations envoyées par les membres de la communauté ?

François Petavy. Les équipes d'Eyeka sont chargées de modérer les créations mais nous en publions 98 %, c'est-à-dire toutes celles qui sont conformes au brief des agences ou des annonceurs. La valeur réside dans l'authenticité de ces créations qui sont réalisées par de vrais consommateurs manipulant eux-mêmes les produits. Ces contenus sont donc tout à fait complémentaires vis-à-vis de la parole d'une marque et contribuent à convertir d'autres internautes à l'achat.

"L'analyse des vidéos est très puissante en termes de restitution d'informations"

Combien d'appels à création diffusez-vous en moyenne ?

François Petavy. Nous recevons en moyenne plus d'un appel à création par semaine, ce qui porte à 50 leur nombre depuis le début de l'année. Depuis la création de la société en 2005, nous en avons reçu entre 120 et 140 de la part d'une centaine de clients, annonceurs ou agences. En moyenne, chaque appel reçoit 100 réponses vidéos, 500 à 1000 s'il s'agit de photos ou graphismes. Mais ce qu'il faut retenir c'est que cela représente autant de points de vues différents racontant l'histoire de la marque et de ses consommateurs.

Pouvez-vous nous décrire quelques exemples concrets ?

François Petavy. Oui, dans le cas de l'appel à création lancé par Mistergooddeal, 80 films ont été déposés par les membres d'Eyeka. Au final, le meilleur a été sélectionné pour être diffusé en télévision. Sans compter les 250 000 vidéos vues sur le Web générées par l'ensemble des contributions.

Pour les spots de Numericable actuellement diffusés en télévision, McCann a pour sa part invité les auteurs des meilleures créations à venir en studio pour tourner de nouveau leur vidéo. Si on perd un peu de fraicheur par ce biais, cela offre une certaine cohérence à la campagne.

Combien ça coûte pour l'annonceur ?

Gilles Babinet. Il faut compter entre 20 000 et 100 000 euros. Nous touchons des honoraires pour notre expertise sur les User Generated Content (UGC), aider les marque à formaliser leur brief, animer la communauté, faire signer les contrats, régler les détails d'ordre juridique, etc. Le contenu créé par les internautes est cédé à la marque dès le début. A cela s'ajoutent les dotations.

François Petavy. Dans le cadre de l'appel à création réalisé pour Numericable par exemple, l'ensemble des créateurs ont reçu 100 000 euros en nature sous la forme par exemple de téléviseurs.  

"Eyeka peut devenir un acteur référent sur le secteur des études en Europe"

Vous développez également une offre d'études. De quoi s'agit-il exactement ?

François Petavy. Partant du fait que l'image exprime l'inconscient mieux que les mots, l'analyse des vidéos est très puissante en termes de restitution d'informations. En effet, lorsque l'on rémunère les gens pour répondre à des études traditionnelles, ils répondent souvent ce que l'on veut entendre. Mais dans les vidéos, les réponses se mêlent d'impertinence. Nous commençons donc à effectuer des analyses qualitatives. Nous l'avons fait pour le compte de Generali, NRJ ou encore Lulu Castagnette et nous avons obtenu des informations par exemple sur la vision des consommateurs quant au positionnement de la marque. Les résultats sont parfois surprenants pour les marques. Et puis, d'un point de vue professionnel, il est possible d'apprendre une foule de choses utiles pour améliorer les produits notamment à partir de l'usage qui en est fait dans les vidéos.

Gilles Babinet. Finalement je pense que nous pouvons créer un acteur référent sur le secteur des études en Europe, voire plus.

Finalement comment l'offre d'Eyeka évolue-t-elle ?

François Petavy. D'une offre de communication sous forme graphique, photos ou vidéos, aux études qualitatives en passant par le co-design, Eyeka offrira désormais une gamme complète de services. Nous allons mettre l'accent sur ces deux nouvelles offres en 2010.

Pour le co-design ou la co-innovation, il s'agit de proposer aux membres de la communauté Eyeka de participer à la création de design ou nouveaux produits. Par exemple, nous avons lancé récemment un appel à création pour Degre7, une marque spécialisée dans les vêtements de ski. Nous allons les aider à créer leur collection été. Il s'agit donc d'innover tout en restant cohérent avec l'identité de la marque. Les idées proposées par les membres de la communauté seront soumise aux votes des fans de la marque sur Facebook pour déterminer celles à retenir.

Qui sont vos concurrents directs sur le marché ?

François Petavy. Il y a Dailymotion, Youtube ou encore Zooppa en Italie. Mais ce dernier ne réalise qu'un quart de ce que fait Eyeka. Nous offrons véritablement la plus grosse communauté de consommateurs créatifs au monde. Et contrairement à Genius Request aux Etats-Unis et beaucoup d'autres acteurs, nous ne nous présentons pas aux annonceurs comme une alternative aux agences trop chères, nous recherchons une vraie valeur ajoutée dans les UGC.

"L'enjeu est aujourd'hui de créer un standard de la mesure de l'engagement des internautes"

Comment évoluent les UGC (User Generated Content) selon-vous ?

Gilles Babinet. Je pense qu'il y a pour beaucoup méprise sur la notion d'UGC. Par exemple Dailymotion et Youtube drainent des contenus licenciés ou des contenus créés par les internautes mais sans véritable intérêt personnel et qui constituent une long tail finalement très peu vue par les visiteurs des sites. Chez Eyeka, nous préférons parler d'UCC pour User Content Creative car notre communauté permet de faire émerger de nouveaux talents, ce qui était d'ailleurs la vocation première de Dailymotion. L'un de nos membres, initialement coursier, est ainsi devenu créatif en agence.

Quels sont les enjeux dorénavant pour les acteurs de votre marché ?

François Petavy. Aujourd'hui les attentes se sont affinées, notamment en matière d'engagement. L'enjeu est donc de pouvoir mesurer ce dernier car il n'existe pas encore d'indicateurs standards et c'est bien là la difficulté.

Quels sont vos ambitions pour faire croître l'entreprise  ?

François Petavy. Aujourd'hui Eyeka compte vingt collaborateurs à Paris et cinq à Singapour depuis 2008. En janvier 2010 nous ouvrons un bureau à Londres et nous travaillons également sur un projet aux Etats-Unis.

Gilles Babinet. Pour moi l'objectif est de battre le record atteint chez Musiwave, autre société que j'ai créée, soit plus de 200 personnes à terme.