Julien Leroy (AdVideum) "Le marché de la publicité vidéo pourrait doubler cette année"

Un an après sa création, la régie publicitaire spécialisée dans la vidéo revendique 10 % du marché français. Son fondateur explique son positionnement et sa vision du marché.

JDN. Pourquoi avoir créé AdVideum ?

Julien Leroy. L'idée d'Advideum est née en novembre 2009. Je réfléchissais à l'époque à une nouvelle aventure entrepreneuriale et j'ai creusé la problématique de la diffusion de vidéos. J'ai découvert des régies comme Smartclip en Allemagne qui est une vraie réussite locale et qui réalisait déjà 12 millions d'euros de chiffre d'affaires. A l'époque, le volume de vidéos consommées était déjà multiplié par deux, trois, voire quatre en fonction des pays. D'un point de vue média, la vidéo était un format publicitaire efficace, ce qui nous laissait penser qu'un produit vidéo premium pouvait aussi trouver son marché en France.

Quel est son positionnement ?

Depuis notre lancement il y a un an, nous nous sommes spécialisés dans la régie vidéo in-stream de sites médias. Nous travaillons par exemple avec l'ensemble des sites de titres de presse quotidienne nationale et régionale papier, des newsmagazines et de radios et de télévision (AdVideum gère aussi l'inventaire vidéo du Journal du Net et du Journal des Femmes, ndlr). Depuis notre création, nous avons à notre compteur 300 campagnes vidéo que nous avons diffusées pour 200 annonceurs sur 160 sites support. Nous livrons entre 1 et 1,5 million de pré-roll par jour, sur un e-CPM moyen de 15 euro.

"Youtube et Dailymotion représentent environ la moitié de l'inventaire français"

Pourquoi ce portefeuille de sites ?

Nous nous sommes développés sur une audience de décideurs, plutôt CSP+ et urbaine. Nous travaillons également d'autres verticales, comme celle de l'homme en général avec des sites comme Lequipe.fr ou Autodeclic.fr ou celle de la femme avec l'ensemble des sites du groupe Marie Claire, les sites de Madame Figaro et de L'Express Styles par exemple. Nous proposons aussi une offre sur le divertissement avec notamment Comme au Cinéma.

La publicité vidéo n'est pas récente. Pourquoi explose-t-elle aujourd'hui ?

Les annonceurs et les agences ont pris conscience de la pertinence de ce format et ont créé ce marché. Cela a été possible notamment grâce au travail des chaînes de télévision, qui après avoir développé leurs inventaires de catch-up TV ont su s'organiser pour les commercialiser. Les premiers annonceurs vidéo étaient d'ailleurs rompus à la publicité en télévision. Sur nos 200 annonceurs, la moitié constitue les 100 plus gros annonceurs TV. Cela s'explique notamment par le fait que la vidéo reste un produit qui reste cher à produire et à diffuser.

La plupart des publicités vidéo sont des spots également diffusés en télévision. Quel est l'intérêt de faire ce type de rebond entre TV et Web ?

Nielsen a mené des études poussées sur ce que l'on appelle l'ad effectiveness en multi-écran. Il en ressort que la continuité des écrans entre la partie TV et la partie digitale améliore la mémorisation de la marque, du message et crée sur le Web de l'interactivité, qu'il s'agisse de trafic sur des sites ou de recrutements de prospects ou de clients. Selon les études, cette complémentarité génère un engagement deux à trois fois supérieur. On sait par ailleurs que de plus en plus de consommateurs de vidéos sur le Web ne sont pas des consommateurs TV. Ce type de format permet donc aux annonceurs de gagner des points de couverture additionnels par rapport à un plan TV.

Est-il encore trop tôt pour parler de mutation des budgets TV vers la vidéo en ligne ?

Oui. Le SRI estimait ce marché à 30 millions d'euros nets en 2010 et je pense qu'il pourrait doubler cette année. Mais cela ne représentera toujours que 0,01 % des investissements nets en TV. On est encore très loin d'un basculement des annonceurs d'un format TV à des formats digitaux. Il est cependant clair qu'un basculement s'opèrera à un moment ou à un autre. C'est un marché qui demain représentera plusieurs centaines de millions d'euros.

"Nous représentons environ 10 % du marché des contenus vidéos commercialisables en France"

L'essentiel de l'inventaire vidéo reste au mains d'acteurs comme Youtube, Dailymotion ou des chaînes de télévision, qui le monétisent en direct...

Youtube et Dailymotion représentent environ la moitié de l'inventaire français, qu'on peut approximativement estimer à 500 millions de streams vus et monétisables (vidéos de qualité professionnelle, ndlr) chaque mois. Les chaînes de télévision rassemblent environ une centaine de millions de vidéos vues. Nous revendiquons un inventaire de 50 millions de streams par mois, soit environ 10 % du marché des contenus vidéos commercialisables en France.

Quelle place les régies comme la vôtre occupent-elles face à ces acteurs ?

Nous sommes complémentaires. Soit un annonceur cherche une couverture maximale et dans ce cas a intérêt à acheter sur l'ensemble des supports. Auquel cas, nous apportons un complément d'audience car personne, seul, ne permet de toucher 100 % de la population internaute. Soit l'annonceur cherche à communiquer sur une cible spécifique. Et dans ce cas, des sites dont l'audience est très hétérogène ne constituent pas nécessairement la bonne réponse. Nous sommes sur un marché qui continue à se créer et il y a clairement de la place pour tous.

Le besoin d'externalisation est pour le moment fort. Craignez-vous une reprise progressive en interne de la commercialisation des inventaires vidéo par les éditeurs ?

Je l'espère ! L'une de nos missions est aussi d'accompagner nos clients dans la commercialisation et la mise en valeur de leurs contenus. Le fait que certains éditeurs puissent récupérer cette compétence en interne ne nous met pas en danger car il y a un renouvellement naturel des éditeurs qui ont besoin d'une régie externe. Nous avons par ailleurs une avance technologique sur les différents formats vidéo, notamment interactifs. Enfin, nous accompagnons tous nos éditeurs sur les nouveaux écrans, comme le mobile, les tablettes ou les télévisions connectées. Les éditeurs ont besoin d'être accompagnés techniquement et commercialement sur ces nouveaux écrans.

La désintermédiation poussée par les ad exchange commence aussi à toucher la vidéo. Cela vous inquiète-t-il ?

A terme, il est évident que l'automatisation de la vente du display va toucher la vidéo. Je pense néanmoins que des régies comme AdVideum resteront nécessaires pour commercialiser les espaces les plus premium. Nous sommes persuadés que la vidéo va s'orienter, comme le fait le display, vers un marché à deux vitesses. Malgré l'automatisation de l'achat-vente, les annonceurs continuent à chercher de la valeur, qui naît de la capacité d'une régie ou d'un éditeur à développer des opérations plus avancées. Pour le moment, nous nous réjouissons de tout ce qui peut développer la vidéo en ligne.

L'inventaire vidéo monétisable est encore petit. Comment travaillez-vous à son accroissement ?

Nous accompagnons déjà nos éditeurs existants dans le développement de l'inventaire sur leurs sites, notamment en leur apportant des accords de contenus complémentaires basés sur un partage des revenus publicitaires entre l'éditeur et des producteurs de vidéos. Cela évite par ailleurs au diffuseur d'avoir à acheter ou à produire lui-même ses contenus et au producteur de devoir acquérir son trafic. Nous intervenons au milieu en tant que tiers de confiance.

Quels sont vos objectifs de recrutement de nouveaux éditeurs ?

Ils sont beaucoup plus faibles que l'an dernier car la construction de notre offre s'est essentiellement faite sur les 12 derniers mois et que nous sommes sur des contrats à long terme. Notre premier objectif est de travailler avec les éditeurs qui nous ont fait confiance.

Après avoir occupé les fonctions de directeur business développement pour la zone EMEA chez Expedia.com et de Senior Manager Marketing Merchandise au sein de la société Disneyland Resort Paris, Julien Leroy a dirigé le bureau de ValueClick Media en France. En 2010, il fonde la régie spécialisée dans la publicité video AdVideum.