Fibre optique : Free dénonce l'illégalité de l'accord entre Orange et SFR

SFR et Orange ont signé un accord commercial sur les conditions de déploiement de la fibre optique dans les immeubles. Un accord contraire aux mesures adoptées dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, estime Free.

L'opérateur SFR, propriétaire de Neuf Cegetel depuis l'été dernier, a annoncé le 24 septembre avoir signé avec Orange (France Télécom) un accord sur les conditions opérationnelles du déploiement de la fibre optique dans les immeubles. Outre Free, qui dénonce l'illégalité de certaines dispositions, cet accord fait grincer des dents en coulisses Matignon et le gendarme des télécoms.

L'accord signé entre SFR et Orange vise à "clarifier les conditions opérationnelles du déploiement de la fibre optique dans les immeubles", indique un porte-parole de France Télécom. Il définit notamment la notion "d'opérateur d'immeuble", terme désignant l'opérateur en charge du câblage vertical dans les colonnes montantes des immeubles, qui sera l'unique interlocuteur des syndics. Cet opérateur - Orange ou SFR - devra louer son réseau aux opérateurs concurrents, baptisés "opérateurs commerciaux ".

Chaque foyer sera "totalement libre de s'adresser à l'opérateur de son choix, en fonction de l'offre commerciale qu'il préfère", précise l'accord. L'opérateur commercial sera l'unique interlocuteur du client final et aura la charge de raccorder ses abonnés depuis le palier jusqu'à l'intérieur du domicile.

Mais le texte porte surtout sur la question controversée du point de mutualisation, c'est-à-dire l'endroit où les opérateurs viendront se connecter au réseau de celui qui a équipé l'immeuble. L'accord entre Orange et SFR prévoit que ce point de mutualisation soit situé "le plus près possible des logements", en tenant compte des conditions pragmatiques d'implantation dans l'environnement urbain. En clair : dans les zones pavillonnaires ou zones d'habitations dispersées, le point de mutualisation sera installé dans le domaine public (armoires de rues) ; dans les zones urbaines denses, il se situera dans ou en pied d'immeuble.

"Cet accord est contraire à la loi de modernisation de l'économie (LME) qui prévoit la mutualisation à l'extérieur de l'immeuble", dénonce Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad, la maison mère de Free. Le FAI estime en effet que la mutualisation des réseaux à l'intérieur des immeubles est ingérable et coûteux, dans l'hypothèse qu'un même opérateur "commercial" soit contraint d'intervenir à plusieurs reprises sur les paliers pour raccorder de nouveaux abonnés.

Free prône pour sa part une solution "multifibre", où l'opérateur d'immeuble raccorde en fibre optique toutes les habitations d'un immeuble en installant un boîtier capable d'accueillir plus de fibres. Le point de mutualisation ne se fait plus au PRI (point de raccordement immeuble) mais dans le NRO (nœuds de raccordement optique), à l'extérieur donc des immeubles. Cette solution permet aux opérateurs de "maîtriser leur réseau de bout en bout et ne nécessite qu'une seule intervention dans l'immeuble par l'opérateur ayant signé avec le syndic, lors du raccordement de l'immeuble. Elle offre en outre l'avantage de répondre à tous les besoins techniques des opérateurs", explique Maxime Lombardini qui confie qu'Iliad travaille avec ses concurrents pour parvenir à un accord sur cette solution.

C'est d'ailleurs la nature même de l'accord, bipartite, qui irrite le groupe Iliad. Et pas que lui. La veille de l'annonce de l'accord, Eric Besson, le secrétaire d'Etat au Développement de l'Economie numérique, exprimait le souhait, dans un discours lors du Grenelle du haut débit,  "qu'un accord incluant l'ensemble des opérateurs impliqués dans le déploiement de la fibre soit finalisé d'ici à la fin du mois d'octobre". Des discussions en ce sens ont d'ailleurs lieu depuis l'été sous l'égide de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes). Selon une source proche du dossier, le secrétaire d'Etat au Développement de l'Economie numérique n'aurait pas apprécié l'annonce faite par SFR le 24 septembre de l'accord avec Orange.

"L'accord est non exclusif et ouvert à tous les opérateurs, indique pour sa part un porte-parole de SFR qui souligne que c'est un "accord structurant pour le marché et qui répond aux ambitions du plan pour le développement de l'économie numérique." Sauf que Free n'a pas l'intention de le rejoindre et entend poursuivre les discussions. Eric Besson, qui convie les opérateurs le 23 octobre au ministère pour faire un point sur les négociations, a menacé de saisir l'Arcep "afin qu'elle prenne dans les meilleurs délais une décision réglementaire à caractère contraignant ", si aucun accord incluant l'ensemble des opérateurs n'était conclu d'ici là.