L'Assemblée nationale autorise Numericable à fibrer de droit ses immeubles câblés

Un amendement adopté dans le cadre de la LME autorise Numericable à moderniser son réseau avec la fibre optique, sans accord préalable des syndics. L'UFC-Que Choisir dénonce une menace pour la concurrence.

"Le gouvernement arme Numericable pour tuer la concurrence". C'est en ces termes provocateurs que l'UFC-Que Choisir dénonce, dans un communiqué commun avec l'ARC (Association des Responsables de Copropriété) publié le 10 juin, le vote à l'Assemblée nationale d'un amendement dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie (LME). Cet amendement permet à Numericable "d'échapper à la future réglementation" sur l'Internet à très haut débit par fibre optique à l'intérieur des immeubles.

La LME, en discussion à l'Assemblée nationale, prévoit dans son article 29 un cadre aux relations entre opérateurs et gestionnaires d'immeubles. Ces derniers devront inscrire obligatoirement à l'ordre du jour des assemblées générales de copropriétaires toute demande de raccordement en fibre optique par un opérateur. La décision pourra être prise à la majorité simple. En contrepartie, les opérateurs de fibre devront signer une convention qui précise leurs obligations en termes de qualité et de prise en charge financière des travaux, et surtout d'obligation de mutualisation et d'ouverture de leur infrastructure à la concurrence.

Lundi 9 juin, un amendement complétant cet article, l'amendement 576, a été adopté par les députés. Il créé une exception pour les opérateurs déjà installés dans les immeubles. L'article 29 du projet de loi, modifié suite aux délibérations et votes des députés, contient donc aujourd'hui l'alinéa suivant : "Les opérateurs de réseaux de communications électroniques ayant, dans le cadre d'une convention conclue avec le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires avant la promulgation de la présente loi, installé un réseau de communications électroniques à haut débit à l'intérieur d'un immeuble de logements et desservant un ou plusieurs utilisateurs finals peuvent de droit transformer les lignes de ce réseau en lignes en fibre optique, à leurs frais, sous réserve de notifier préalablement cette transformation au propriétaire de l'immeuble ou au syndicat de copropriétaires."

art 29 amendement 576
Article 29 de la loi de modernisation de l'économie numérique (n°842), amendement 576 © Assemblée nationale

En clair, Numericable, qui dispose de réseaux à haut débit déployés en câble coaxial à l'intérieur de 200.000 immeubles aujourd'hui, n'aura pas besoin de redemander aux copropriétés l'autorisation de mettre de la fibre optique dans les immeubles où il est déjà présent. "Avec cet amendement, Numericable sera libre de pénétrer dans les immeubles où il est déjà présent et de déployer ses infrastructures sans que les copropriétés aient leur mot à dire, dénonce Edouard Barreiro, en charge des nouvelles technologies à l'UFC-Que Choisir. Cela signifie également que Numericable, n'ayant pas à signer la convention type, ne sera donc pas obligé de mutualiser ses infrastructures."

"Ces propos sont diffamatoires, s'indigne Arnaud Polaillon, secrétaire général de Numericable, nous sommes pour la concurrence des services et des infrastructures sur la fibre optique. Nos réseaux sont ouverts. Le volet mutualisation de l'infrastructure de la LME ne nous pose aucun problème. En revanche, nous avons expliqué qu'il était inimaginable d'aller redemander à tous les gestionnaires d'immeubles, où nous avons déjà une infrastructure installée, une autorisation de pouvoir rénover notre réseau en fibre optique. Nos infrastructures haut débit dans les immeubles reposent déjà sur des socles juridiques, sur des conventions signées avec les gestionnaires d'immeubles. Ce qui ne nous empêchera pas de signer la convention type pour la fibre optique avec les propriétaires et les syndics qui le souhaiteront."

L'esprit de l'amendement n'est d'ailleurs pas de soustraire les opérateurs de fibre à leurs obligations de signer des conventions de mutualisation, mais de ne pas pénaliser les investissements financiers déjà consentis. "L'objectif de cet amendement est de dire que les opérateurs déjà installés avec un réseau haut débit peuvent le transformer en réseau de fibre optique", explique Corinne Erhel, députée des Côtes-d'Armor qui a présenté l'amendement 576 pour le groupe PS à l'Assemblée. Comme la souligné le secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'économie numérique, Eric Besson, lors de la séance du 10 juin, "avec l'amendement 576 sous-amendé, la dérogation ne concerne que la règle de convocation de l'assemblée générale. La mutualisation continue bien sûr à s'appliquer pour tout le monde."

Dans les faits, Numericable peut donc continuer son plan de modernisation de son réseau câblé, lancé en 2006, qui permet d'offrir à ses abonnés du très haut débit (voir le reportage vidéo du JDN Le plan FTTB de Numericable de novembre 2006). Ainsi, sur les 9,3 millions de prises raccordées par l'opérateur, 3 millions sont aujourd'hui rénovées, avec un objectif de 4 millions à fin 2008 et de 9 millions à fin 2010. Techniquement, le câblo-opérateur apporte la fibre optique jusqu'au pied des immeubles (FTTB) et transmet les données à l'intérieur de colonnes montantes des immeubles via sa structure câble coaxial existante. Toutefois, Numericable est en mesure de tirer la fibre jusqu'aux foyers. Il va d'ailleurs le faire pour un opérateur concurrent avec lequel il a récemment signé un contrat de vente en gros d'infrastructure de fibre optique.