Les courtisans d'Alice ne se battent pas pour elle

La filiale française de Telecom Italia pourrait être vendue à un prix inférieur à ce que prévoyait sa maison mère. Le délai pour le dépôt des offres de rachat a été prolongé. Pour faire monter les enchères ?

Evoquée depuis des mois comme une étape évidente de la consolidation du marché de l'accès Internet en France, la vente d'Alice s'annonce moins facile que prévue. Des rumeurs de marché indiquent en effet que la maison mère du FAI, l'opérateur Telecom Italia, pourrait en obtenir un prix inférieur à ce qu'il convoitait. Car la dot de la fiancée semble moins alléchante que prévue.

Le calendrier s'est pourtant précipité depuis janvier, avec la désignation de la banque de financement et d'investissement du Crédit agricole, Calyon, comme mandataire de l'opération (lire l'article Telecom Italia cherche un repreneur pour Alice du 08/01/2008). Un mois après, une source syndicale révélait que la décision de vente de la filiale française avait été annoncée en comité d'entreprise de Telecom Italia (lire l'article La cession d'Alice a été officialisée en interne du 29/02/2008). La date limité pour le dépôt d'un dossier de candidature auprès de Calyon aurait dû intervenir cette semaine : le 29 avril selon Le Figaro, le 2 mai selon Dow Jones Newswires. Cependant, rien n'est moins sûr.

Le quotidien italien Il Sole 24 Ore affirme en effet dans son édition du 30 avril que le délai accordé aux candidats à la reprise d'Alice pour le dépôt de leurs offres a été prolongé. Manque de candidats ? Offres au rabais ? Les deux semble-t-il. Selon nos informations, Numericable et Neuf Cegetel auraient bien déposé un dossier, mais pas Iliad, la maison mère de Free, qui pourrait toutefois se déclarer d'ici quelques jours.

Le montant des offres reste secret. D'après les informations publiées dans la presse, Telecom Italia souhaiterait retirer de cette vente entre 800 millions et un milliard d'euros. Un prix surévalué selon certaines sources proches du dossier qui estiment la valeur réelle d'Alice à 650 millions d'euros. "Le dossier est mauvais, confie l'une d'entre elles. Les pertes sont délirantes et continuent de progresser." Après avoir perdu 195 millions d'euros en 2006 (lire l'article A quel prix Alice deviendra-t-il rentable ? du 07/09/2007), la filiale française de Telecom Italia afficherait des pertes cumulées d'environ 1,2 milliard d'euros en 2007, et de plus de 50 millions sur le premier trimestre 2008.

En dépit de ses caisses vides, la filiale française de Telecom Italia suscite toutefois l'intérêt grâce à sa base d'abonnés Internet haut débit. Alice revendique 900.000 abonnés à fin 2007. Un parc - que certaines sources proches du dossier estiment par ailleurs surévalué de 100.000 abonnés - qui permettrait à Neuf Cegetel de franchir le cap des 4 millions de clients haut débit, à Free d'atteindre 3,8 millions d'abonnés donc de talonner Neuf Cegetel, et à Numericable de prendre pied sur le marché de l'ADSL. La câblo-opérateur a en effet annoncé sa volonté de lancer une offre d'accès à l'Internet par l'ADSL cette année (lire l'article Numericable lancera un MVNO et une offre ADSL en 2008 du 03/03/2008).

Une donnée que Telecom Italia ne manquera pas de faire peser dans la balance pour faire grimper le montant des offres de rachat. C'est pourquoi, selon nos informations, l'opérateur historique italien n'aurait pas encore fixé de date pour le choix du repreneur potentiel. "Cette fois-ci, il va ya avoir un vrai jeu d'enchères entre les candidats, confie une source proche du dossier. D'autant qu'Alice, dernière proie sur le marché français après les rachats d'AOL et Club Internet, bénéficie d'une prime de rareté."