Les opérateurs menacent de faire payer la taxe FTV à leurs clients

Toujours opposés à l'idée de financer France Télévisions, les opérateurs avertissent le gouvernement qu'une taxation de leur chiffre d'affaires entraînerait une hausse immédiate des factures des Français.

Une éventuelle taxe sur le chiffre d'affaires des opérateurs télécoms, destinée à financer la télévision publique, "serait extrêmement dangereuse pour le secteur", écrit Frank Esser, président de la Fédération française des télécoms (FFT), dans une lettre envoyée le 17 juin aux membres de la commission Copé, chargée de faire des propositions sur le futur de France Télévisions après l'arrêt de la publicité.

La commission Copé, qui s'est réunit à huis clos mercredi 18 juin au matin, préconise en effet d'instaurer une taxe de 0,5 % sur le chiffre d'affaires global des opérateurs de télécommunications afin de dégager quelque 210 millions d'euros par an, suivant un calcul effectué sur le revenu global des opérateurs télécoms en 2007 qui s'est élevé à 42 milliards d'euros (lire l'article France Télévisions : Jean-François Copé préfèrerait taxer les opérateurs télécoms du 22/05/2008).

"Ces 0,5 % sont un indicateur de base ; nous n'avons aucune assurance que cette taxe minimale n'augmentera pas dans le temps, souligne Yves Le Mouël, le directeur général de la FFT. De toute façon, la fédération française des télécoms et les entreprises qu'elle représente renouvelle son opposition catégorique au principe d'une taxe sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunications pour financer l'audiovisuel public."

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Extrait de la lettre adressée par le président de la FTT à la Commission pour la nouvelle télévision publique, le 17 juin 2008 © FTT

Selon les opérateurs télécoms, 200 millions d'euros par an correspondent au financement de 3 000 stations de base mobiles ou de 500 000 prises raccordées en fibre optique, explique Yves Le Mouël qui reprend l'argumentaire de la lettre adressée par le président de la FTT à la commission Copé. "Cette taxe repose sur un paradoxe, souligne-t-il : d'un côté l'Etat demande aux opérateurs d'investir dans l'innovation et les réseaux pour soutenir le développement de l'économie numérique français, de l'autre il souhaite taxer les marges avec lesquelles les opérateurs peuvent investir. Si une telle taxe se met en place, les opérateurs télécoms vont devoir arbitrer entre réduire leurs investissements ou continuer à investir et donc répercuter le poids de la taxe sur la facture de leurs clients."

Pour appuyer son argumentaire, la FTT a demandé une consultation juridique à deux grands noms du droit français : Guy Carcassonne, professeur à l'université de Paris X Nanterres, auteur de nombreux ouvrages sur le droit constitutionnel, et Gilbert Parleani, professeur à l'université de Paris I Panthéon Sorbonne, spécialiste du droit communautaire. Conclusions : le dispositif de la taxe des opérateurs télécoms pour financer la perte de recette publicitaires de France Télévisions est anticonstitutionnel, les modèles économiques des entreprises concernées étant différents -l'un reposant sur la monétisation de l'audience, l'autre sur les abonnements, et pourrait entrer en violation du droit communautaire, la Commission européenne étant très scrupuleuse en termes d'aides publiques de l'Etat. Forte de ses soutiens juridiques, la FTT menace de contester la taxe, dans l'éventualité de son instauration, auprès du Conseil constitutionnel.

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Extrait de la lettre de la FTT adressée à la commission pour la nouvelle télévision publique, le 17 juin 2008 © FTT

La Fédération française des télécoms ne rejette cependant pas en bloc l'idée de contribuer au financement de l'audiovisuel public, mais par un mécanisme "non discriminatoire et dans le respect des principes d'égalité", indique Yves Le Mouël. "Nous ne sommes pas indifférent au monde de l'audiovisuel. Au contraire. Nous contribuons d'ailleurs au financement de la création audiovisuel par le biais du Cosip [Compte de soutien à l'industrie audiovisuelle, ndlr]." Pour le directeur général de la FFT, le seul dispositif égalitaire vis-à-vis des autres acteurs appelés à financer France Télévisions, serait de taxer les revenus publicitaires des opérateurs - un revenu qui s'élève environ à 700 millions d'euros par an.

La lettre adressée par Frank Esser, le président de la fédération française des télécoms, à la commission Copé le 17 juin est la deuxième du genre. La première ayant été envoyée en mai dernier. "Nos arguments et notre position sont connus de la commission puisque nous avons rencontre ses représentants à de nombreuses reprise. Ils ne semblent malheureusement pas être entendus", déplore Yves Le Mouël. Aucune autre rencontre n'est d'ailleurs prévue d'ici la remise du rapport de la commission à Nicolas Sarkozy, le 25 juin prochain. Ses préconisations devraient servir de base à une loi qui pourrait être débattue à l'assemblée au début de la session d'automne.