Paquet Télécom : la Commission présente un texte de compromis

Pour mettre d'accord Parlement et Conseil, la Commission propose notamment l'instauration d'un régulateur européen aux pouvoirs réduits. L'amendement 138, lui, ne devrait pas survivre au prochain Conseil des ministres des Télécoms.

Dans le cadre des discussions sur le Paquet Télécom, la Commission européenne a présenté vendredi de nouveaux textes législatifs prenant en compte le vote du Parlement du 24 septembre et les discussions en cours au Conseil, afin de préparer un compromis entre les deux instances. Ils seront débattus lors de la réunion du Conseil des ministres des Télécoms qui se tiendra le 27 novembre à Bruxelles.

La Commission propose d'abord d'instaurer un organe de régulation aux pouvoirs moins étendus qu'initialement envisagé. Ce régulateur ne serait compétent qu'en matière de télécommunications, et pas en ce qui concerne la sécurité du spectre ou des réseaux. Comme l'ont demandé le Parlement et le Conseil, l'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA) ne fusionnerait donc pas avec ce nouvel office. Il est en outre prévu que les régulateurs nationaux jouent un rôle majeur dans son pilotage, en nommant son directeur général et la moitié de ses effectifs. Au total, le futur Organe des régulateurs européens des télécommunications ne devrait pas employer plus de 20 personnes.

D'autre part, la Commission prévoit que les nouvelles mesures proposées par les régulateurs nationaux concernant les marchés domestiques soient approuvées aussi bien par elle que par le nouvel organe, afin de s'assurer qu'elles n'entravent pas la concurrence à l'échelle de l'Europe et sont bien conformes au droit communautaire.

Par ailleurs, la Commission a accepté qu'il soit du ressort des régulateurs nationaux de décider s'ils souhaitent forcer les opérateurs à une séparation fonctionnelle entre leurs infrastructures de réseaux téléphoniques et les services qu'ils proposent, de façon à favoriser la concurrence.

Dans sa nouvelle proposition, la Commission approuve aussi l'amendement 138, introduit par le député socialiste européen Guy Bono, qui établit que seul un tribunal peut ordonner "une restriction aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux", en l'occurrence la coupure de l'accès Internet des pirates récidivistes. Adopté le 24 septembre par le Parlement européen, cet amendement entend en particulier contrecarrer la loi française sur le piratage. En effet, le projet de loi Création et Internet, actuellement débattu par le Parlement français, prévoit au contraire que ce soit une autorité administrative indépendante, l'Hadopi, qui décide de telles mesures.

Arguant qu'aucune jurisprudence ne considère Internet comme un droit fondamental, Paris a entrepris d'évangéliser ses homologues européens. Avec succès, puisque d'après les réunions préparatoires qu'ont tenu les "sherpas" des pays membres en prévision du Conseil des ministres des Télécoms, tous les pays devraient soutenir la France - ou au pire s'abstenir - pour supprimer cet amendement du Paquet Télécom.

Après examen par le Conseil des ministres, le texte va toutefois revenir entre les mains du Parlement, qui a toutes les chances de maintenir l'amendement Bono. Dans ce cas, c'est un "comité de conciliation" réunissant eurodéputés et ministres à parité qui se saisirait alors de la question. Le mot de la fin reviendra sans doute aux ministres, qui ont le pouvoir de s'opposer à l'adoption de la disposition.