HotelTonight, VeryLastRoom : qu'apportent aux hôteliers les applis de réservation de dernière minute ?

HotelTonight, VeryLastRoom : qu'apportent aux hôteliers les applis de réservation de dernière minute ? HotelTonight et VeryLastRoom font peu à peu leur trou auprès des hôteliers français. Qu'apportent-ils de plus que les voyagistes comme Booking.com ? Analyse.

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The Chess apparaît dans la liste des hôtels proposés ce soir à Paris par VeryLastRoom © VeryLastRoom

Pour remplir leurs chambres, les hôteliers se reposent largement sur les OTA (online travelling agency) tels que Booking.com, Hotels.com et Expedia. Mais certains utilisent aussi les applications mobiles de réservation de dernière minute, aux premiers rangs desquelles la pionnière américaine HotelTonight et sa copie française VeryLastRoom. Les hôtels y proposent des chambres à prix bradés, fixes sur HotelTonight et déclinant minute après minute jusqu'à atteindre un prix plancher sur VeryLastRoom. Concrètement, les hôteliers renseignent tous les jours pour l'une ou l'autre appli un nombre de chambres et leurs tarifs. Ils surveillent également ce que font les autres établissements afin d'augmenter leur chance d'apparaître dans la sélection des deux applications, qui tiennent beaucoup compte du rabais consenti.

L'Ellington Hotel de Nice utilise HotelTonight depuis un an. "Cela nous apporte une clientèle différente, qui réserve à la dernière minute et qu'on ne capte pas avec les OTA, souvent parce qu'elle est déjà sur place et cherche un hôtel autour d'elle pour le soir-même", explique Rebecca Ruf, responsable des réservations de l'établissement. "Ces applis nous permettent donc de remplir des chambres que nous n'aurions pas vendues autrement." Même à un tarif discounté, c'est une opportunité. D'autant que ces nouveaux canaux permettent également de prendre des réservations tard le soir, après la fermeture du service réservations de l'hôtel.

Du yield management autant qu'un nouveau mode de consommation

La plupart des voyageurs qui réservent sur les OTA le font 20 à 40 jours avant la nuitée. Ils apportent donc aux hôteliers un matelas de réservations. "Ensuite, on entre dans une stratégie de yield management, puisque les chambres sont des produits périssables", souligne Abder Wane, responsable revenue management de la Compagnie hôtelière de Bagatelle, dont l'établissement parisien The Chess emploie à la fois HotelTonight et VeryLastRoom. "Nous arbitrons donc en jouant sur le prix moyen."

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Description de l'Hôtel Ellington proposé ce soir à Nice sur HotelTonight © HotelTonight

La saison est également prise en compte. En janvier et février, difficiles à remplir, c'est le taux d'occupation qui est privilégié. En juin et en juillet au contraire, The Chess favorise le prix moyen : "Il n'est alors pas intéressant de vendre une chambre discountée qui tirerait le prix moyen vers le bas", indique Abder Wane. Les OTA sont pour leur part utilisés toute l'année, quitte bien sûr à faire évoluer les prix selon la même approche. "On peut même fermer les OTA quand on pense pouvoir remplir l'hôtel seuls, en direct. Mais mieux vaut privilégier notre visibilité et y être présent", ajoute-t-il.

Au-delà du yield management, le responsable revenue management de la Compagnie hôtelière de Bagatelle remarque que ces applications accompagnent également un changement de comportement des voyageurs, qui profitent de l'essor du mobile pour réserver de plus en plus tard. "Nous observons d'ailleurs de plus en plus de clients qui prennent une réservation flexible longtemps à l'avance, puis l'échangent pour une autre de dernière minute, non flexible mais moins cher." Pour les hôteliers, vendre sur ce canal permet donc de se positionner sur une nouvelle tendance de consommation qui va encore beaucoup se renforcer. "En outre, la commission d'HotelTonight et de VeryLastRoom n'est que de 15%, à comparer avec 17% chez Booking ou 22% chez Expedia, rappelle Abder Wane. Donc en dernière minute, mieux vaut passer par les applications spécialisées."

 

Pas question de se passer de Booking

Booking n'ignore évidemment pas cette tendance et a lancé en février sa propre application de réservation de dernière minute : Booking Now. HotelTonight assure que l'arrivée sur son créneau de ce rival de poids ne l'inquiète pas, expliquant que l'OTA ne peut proposer ni aux hôtels ni aux voyageurs le service et l'expérience client que confère à l'application spécialisée sa curation d'établissements. Sur Booking, on peut faire défiler la totalité des hôtels référencés par l'OTA. A contrario, HotelTonight n'en affiche qu'une quinzaine, sélectionnés pour leur qualité et mis en avant pour leurs tarifs discountés. Certes, Booking va bénéficier d'un excellent référencement sur mobile. La directrice du Chess Hotel Stéphanie Billat estime néanmoins que les deux types d'offres se superposent peu : "Booking Now touchera d'autres clients, il n'en prendra pas à HotelTonight et VeryLastRoom". De plus, HotelTonight propose aux hôteliers de pousser leurs offres dans d'autres pays, en ciblant les marchés les plus représentés dans leur clientèle étrangère. "Pour accroître notre visibilité internationale, c'est très utile", commente Abder Wane.

En revanche, pas question d'évincer les OTA. Booking et Expedia apportent 60% des réservations de The Chess, quand 5% seulement proviennent d'HotelTonight et de VeryLastRoom. L'Ellington Hotel ne communique pas ses chiffres, mais Rebecca Ruf le confirme : "Les OTA sont des partenaires historiques avec lesquels nous travaillons depuis l'ouverture de l'hôtel. Nous ne pourrions pas nous passer d'eux." Et si les applications de dernière minute peuvent aider à finir de remplir un hôtel, ses utilisateurs sont tout sauf fidèles. "Ils se décident avant tout par rapport au rabais offert, précise Rebecca Ruf. Ils sont très difficiles à faire revenir."

Comme le conclut Abder Wane : "Notre objectif est de rentrer dans nos charges et donc aussi d'être visibles partout, y compris à l'international. Utiliser les applications de réservation de dernière minute nous y aide."