Carole Peytavin (Air France) "Nous travaillons sur l'enregistrement automatique"

Enregistrement via mobile, embarquement self service, Internet en vol... La responsable marketing d'Air France présente les innovations et réflexions de la compagnie aérienne en matière d'e-services.

Comment évolue l'activité Internet d'Air France ?

Carole Peytavin. Aujourd'hui, 10 % du chiffre d'affaires d'Air France est réalisé via Airfrance.com, soit une hausse de 20 % en un an. Et le site compte dix millions de visiteurs en moyenne chaque mois.

Nous constatons aussi que 98 % des billets délivrés par la compagnie sont électroniques. Sur AirFrance.com, plus de la moitié de nos clients s'enregistrent déjà via les bornes self service (30 %), Internet (22 %) ou mobile. Au départ de la France, ils sont 75 % à s'enregistrer. Les e-services permettent véritablement de fluidifier et faciliter la partie aéroportuaire du voyage. Le Web n'est plus un outil isolé dans la distribution de produits. Au contraire il est dorénavant couplé avec le call center, le face à face ou le mobile selon les besoins. Et son taux de pénétration est élevé.

Quel est aujourd'hui l'éventail d'e-services dont disposent vos clients sur mobile ?

Depuis 2008, nous avons lancé, d'abord sur Paris-Amsterdam, la carte d'embarquement sur mobile permettant d'accéder à l'avion sans autre document papier qu'une pièce d'identité. Elle a ensuite été déployée plus largement sur l'ensemble des vols domestiques (début de l'année 2009), sur les vols européens moyen-courriers au départ de Paris-Orly et de Paris-Charles de Gaulle (depuis mars 2009) et enfin vers les vols long-courriers des DOM (Pointe à Pitre, Fort de France, Cayenne et Saint Denis de la Réunion) au départ de Paris-Orly (depuis juin 2009). Mais la virtualisation des cartes d'embarquement rencontre encore deux problèmes : l'équipement en terminaux spécifiques dans les aéroports tout d'abord, et la formation des agents de sécurité qui contrôlent ces cartes. L'implémentation de tels services demande donc du temps et la formation de l'ensemble des intervenants de la chaîne.

"Air France travaille à l'automatisation de l'enregistrement et du service d'embarquement"

Quelles sont les expérimentations que vous menez actuellement ?

Nous travaillons sur l'enregistrement pro-actif, autrement dit automatique. Il ne suffira plus au voyageur que de déposer ses bagages et d'embarquer dans l'avion. Nous sommes en pleine phase de développement et le service sera lancé officiellement dès avril 2010 sur Internet et l'été 2010 sur mobile. Sur ce dernier canal les problématiques sont différentes cependant car il faut prendre en compte des protocoles aussi variés que les types de mobiles utilisés par nos clients. C'est donc plus compliqué à mettre en place que pour Internet.

A l'aéroport de Nice par ailleurs, nous testons aussi la technologie NFC auprès de clients réguliers. La puce permet au voyageur de s'identifier et présenter sa carte d'embarquement enregistrée sur son téléphone portable même s'il est éteint. Le marché n'est pas encore mature à ce sujet, mais c'est très prometteur.

Pouvez-vous décrire plus précisément en quoi consiste le Smartboarding ?

C'est un service d'embarquement automatique testé depuis mars 2009 dans le terminal 2F de Roissy, sur la ligne Paris-Amsterdam, auprès de 700 voyageurs réguliers. Il suffit au voyageur de se présenter devant une borne dédiée muni d'une carte à impression thermique dont la puce contient ses données d'identité préalablement enregistrées. La borne imprime alors la carte d'embarquement au verso. Elle est réinscriptible 500 fois. Ensuite le voyageur n'a plus qu'à se présenter devant un portique d'embarquement où il s'identifie par reconnaissance digitale.

Les tests pour Smartboarding arrivent bientôt à échéance. Allez-vous déployer le service ou pas ?

La période de test sera close fin janvier 2010 et le service ne sera pas déployé en tant que tel, ce n'est pas possible comme dans beaucoup d'expérimentations que nous effectuons. En effet, les éléments testés bousculent profondément la notion de service tant pour les clients, que pour Air France ou encore pour les aéroports qui doivent prendre en compte les questions de sécurité notamment. La suite à donner pour Smartboarding est en cours de réflexion. Il faut adapter la forme de ce service en y greffant par exemple l'utilisation d'un programme de fidélité.

"Subissant la crise, l'aérien n'est pas en position pour offrir aujourd'hui un service Internet dans les avions"

De nombreuses compagnies aériennes, surtout américaines, équipent leurs avions d'un accès Wifi. Qu'en pensez-vous ? Est-ce également dans les projets d'Air France ?

Il y a beaucoup d'effervescence sur le marché à ce sujet et il est surprenant que l'on ne communique pas encore via Internet dans le ciel. C'est un service vraiment légitime. Donc Air France suit de très près ces tendances, et plus globalement les problématiques de connectivité en vol afin de pouvoir un jour proposer ce service à nos clients. Mais là aussi les protocoles technologiques sont encore très variés : GSM – GPRS, Internet, 3G...  L'offre de solutions technologiques est pléthorique. Reste aussi à déterminer quel business model adopter pour que le service soit rentable, ce qui est plus difficile. On pourrait instaurer un dialogue avec les internautes en vol, leur apporter du contenu, des divertissements et des services... ou simplement leur proposer d'utiliser Internet comme au sol. Or il faut savoir que l'équipement nécessaire est très lourd et couteux à mettre en place. Sans parler des délais nécessaires, autant dire plus d'un an. De plus, l'aérien est en pleine crise aujourd'hui, il ne faut donc pas se tromper si on le fait.

Pourtant les compagnies américaines s'y mettent. Quels sont les freins en Europe ? 

Les compagnies aériennes américaines qui développent beaucoup ce type de service depuis quelques mois le font sur le territoire américain. Elles bénéficient donc d'une forte homogénéité culturelle, linguistique, réglementaire et technologique. C'est tout le contraire en Europe où les conditions propres à chaque pays sont très différenciées. En Allemagne, Lufthansa a annoncé réfléchir à réactiver le service que la compagnie avait déployé avec Boeing. On verra concrètement ce que cela donnera. 

Quels sont les enjeux de l'Internet et des NTIC pour les compagnies aériennes ?

Pour Air France en tout cas, il s'agit de faire profiter du confort que permet l'automatisation des services en ligne tout en conservant une offre de service off line – guichet et téléphone - pour gérer les cas complexes. Même les réclamations passent dorénavant via Internet et obtiennent des réponses rapides. Bien sûr, pour les clients premium, nous allons jusqu'à anticiper les litiges... en les appelant directement.