Denis Philipon (Voyage Privé) "L'avenir des e-voyagistes réside dans les activités de niche"

Voyage-prive.com double chaque année son chiffre d'affaires. Son fondateur et dirigeant, ancien directeur général de Lastminute.com, insiste sur la nécessité de se différencier pour éviter l'asphyxie du marché.

Comment se positionne Voyage Privé en France ?

Denis Philipon. Voyage Privé propose des offres à prix réduits - avec 35 à 70 % de rabais en moyenne -, plutôt haut de gamme, le panier moyen étant de 800 euros. Il s'agit tout d'abord d'une offre d'hôtels indépendants ou appartenant à de grandes chaînes, que nous démarchons directement. Cela constitue 40 % de notre chiffre d'affaires. Nous revendons aussi des packages proposés par les tours opérateurs français et des packages dynamiques mixant notre offre hôtelière et une prestation de transport par exemple. L'achat est adapté en fonction des requêtes formulées par les membres du club sur le moteur de recherche du site.

Voyage-prive.com compte environ quatre millions de membres, dont 300 000 personnes qui ont voyagé avec nous en 2009. Le site enregistre 2,5 à 3 millions de visiteurs uniques par mois en moyenne, ce qui nous positionne en France comme la troisième agence en ligne après VSC et Promovacances.

"Chaque année, le chiffre d'affaires double. Nous devrions atteindre 200 millions d'euros en 2010."

Quels résultats attendez-vous pour l'année 2009 ?

Voyage Privé se rémunère sur la base d'une commission de 15 à 25 % du prix selon les produits. Et chaque année, le chiffre d'affaires double. Nous avons débuté avec 2 millions d'euros en 2005, puis 9 millions en 2006, 21 millions en 2007 et 43,5 millions en 2008. Nous devrions atteindre environ 100 millions d'euros fin 2009 et 200 millions en 2010. Le résultat net suit les mêmes tendances de croissance.

Ne ressentez-vous pas les effets de la crise économique comme d'autres acteurs du tourisme en ligne ?

Non, pas vraiment. Je dirais même que la crise nous aide d'une certaine manière car nos interlocuteurs et fournisseurs sont plus ouverts à la négociation. Et puis nous restons concentrés sur nos fondamentaux. Voyage Privé fonctionne suivant un modèle très simple. Nous faisons peu de choses mais nous les faisons bien, en mettant l'accent sur une bonne relation client. A la différence d'autres acteurs qui misent sur le volume au détriment de la qualité, et qui le paient cher au final, Voyage Privé se concentre sur des offres originales, de qualité tout en étant à des prix réduits. C'est ce qui nous permet de traverser la crise sans encombre.

"Nous venons de lancer une offre de restaurants haut de gamme et lancerons la vente de vols secs en 2010"

Comment prévoyez-vous l'évolution du marché en France ?

Aux Etats-Unis, le marché de l'e-tourisme présente un recul net de 3 % au troisième trimestre 2009. Il est donc clair, en dehors de la crise, que les grandes années de croissance sont derrière nous. En France, cependant, l'on observe une légère croissance grâce aux nouveaux acteurs comme Voyage Privé. Mais depuis un an les plus importants voyagistes en ligne ne font plus de croissance. Le marché est à maturité sur Internet. Ceux qui s'en sortent ont opté pour des activités de niche, car contrairement à ce qui se passe sur le marché hors ligne où les gens vont au plus près, les consommateurs vont au plus pertinent sur Internet, en un clic. En somme, à l'image de ce que l'on observe aux Etats-Unis, l'avenir est aux activités de niches et aux ventes privées. Et pas uniquement pour le tourisme en ligne.

Est-ce à dire que l'on peut s'attendre à un remodelage du paysage de l'e-tourisme ?

Les grands acteurs du marché sont adossés à de grands groupes qui doivent eux-mêmes revoir leur métier. Donc le ralentissement du marché du tourisme en ligne risque évidemment de les inquiéter. Cependant les acteurs qui disposent d'une puissance d'achat importante ont un avantage considérable par rapport aux petits qui ne l'ont pas, notamment pour l'aérien ou l'hôtellerie. Mais les gros acteurs doivent se spécialiser, se différencier pour survivre. Rendez-vous compte qu'il en existe quatre en France - Lastminute, Opodo, Expedia et Promovacances - et ils proposent tous la même chose. Pareil aux Etats-Unis, les ténors du marché ne vont pas bien, alors qu'un Priceline, qui se différencie par les enchères inversées, va bien. Et il existe plein de petits acteurs dont on ne parle pas et qui progressent beaucoup.

Bien sûr il faut avoir les reins solides pour supporter les coups marketing... mais nous savons très bien aujourd'hui que les consommateurs ne sont plus fidèles à la marque mais comparent les offres à la recherche des meilleures. Quant à envisager de la croissance externe, c'est une solution qui présente bien des limites car les concentrations sont souvent chronophages pour réussir à rapprocher des technologies et des process différents poussant à délaisser son propre métier...

N'avez-vous jamais été tenté par de la croissance externe ?

Si, souvent. Mais ce n'est pas prévu pour le moment ni pour 2010. Nous préférons rester concentrés sur notre métier.

"Le marché américain est très grand et il faut aller très vite. Nous gardons à l'esprit l'intérêt que pourrait avoir un partenariat financier ou autre"

Où en est le développement international de Voyage Privé ?

Voyage Privé compte une centaine de collaborateurs en France et une dizaine dans chaque pays où la société est implantée à savoir l'Espagne, l'Italie et la Grande-Bretagne depuis deux mois à peine. Nous n'allons donc pas ouvrir de nouveaux bureaux en 2010. L'international représente environ 7 % de notre chiffre d'affaires en 2009 et nous visons les 20 % l'année prochaine.

Vous vous êtes d'ailleurs expatrié aux Etats-Unis afin d'y développer Voyage Privé... Quand votre offre y sera-t-elle disponible ?

Voyage Privé devrait officiellement ouvrir ses portes aux Etats-Unis fin 2009 ou début 2010. Pour le moment nous sommes toujours en phase de recrutement et devrions compter une dizaine de collaborateurs d'ici la fin de l'année. Aucun partenariat n'a été noué sur place pour le moment étant donné que nous fonctionnons avec une technologie propriétaire et que ne nombreuses synergies sont en place avec l'Europe comme l'offre d'hôtellerie aux Etats-Unis par exemple. Mais il s'agit aussi d'un marché où il faut aller très vite. Nous gardons à l'esprit l'intérêt que pourrait avoir un partenariat financier ou autre.

Projetez-vous de lancer de nouvelles offres ?

Depuis deux mois nous avons lancé une offre un peu haut de gamme de restaurants qui nous permet de proposer aux internautes de grandes tables parmi les étoilés Michelin. Nous négocions avec les restaurants des menus à prix réduits de 40 %. Chaque semaine, ou parfois tous les quinze jours car l'offre est encore nouvelle, notre newsletter propose un nouveau restaurant avec un nombre de places disponibles limité. Mais il s'agit plutôt d'un service complémentaire pour nos membres. En 2010 nous proposerons également des vols secs. Le projet en cours réalisation.

Le site marchand 24h00.fr a décidé de stopper les ventes privées (lire l'interview de son président Patrick Robin : "Nous arrêtons les ventes événementielles", du 23/10/2009). Comment expliquez-vous que ce mode de vente fonctionne pour un acteur tel que Voyage Privé ? Le tourisme est-il un secteur qui s'y prête mieux qu'un autre ?

Non, en fait la prime va au premier entrant sur le marché. Ainsi Vente Privée, qui a inventé le concept, domine son marché tandis que 24h00 a démarré beaucoup plus tard. C'est très difficile de rivaliser avec Vente Privée. De notre côté, Voyage Privé est leader des ventes privées dans le domaine du voyage et doit éviter de se faire dépasser. C'est pourquoi nous sommes si attachés à nos fondamentaux.

Envisagez-vous de développer votre activité sur mobile ?

Pas encore, en tout cas pas tant que nous n'aurons pas une véritable idée différenciante. Inutile de répliquer bêtement le site Internet. Il faut un idée novatrice pour exister sur ce média là.