Stéphane Gauthier (Best Western) "Les hôteliers doivent être moins dépendants des intermédiaires"

Deuxième enseigne de franchisés trois étoiles en France avec 300 établissements, Best Western enregistre désormais la moitié de ses ventes via Internet et son directeur général compte y accroître les ventes directes.

JDN. Quel bilan tirez-vous de l'année 2009 ?  

Stéphane Gauthier. Comme tous les acteurs du marché, la crise ne nous a pas épargnés. Le chiffre d'affaires de la centrale de réservation en France atteint 38,9 millions d'euros en 2009, en baisse de 11 %. Internet représente désormais 49,7 % de nos ventes, en hausse de 10 % en 2009 alors que le marché reculait d'autant. Plus de 174 000 nuitées dans les établissements Best Western en France ont été vendues via ce canal, dont 16 800 réservés depuis le site Bestwestern.fr. Et notre objectif pour 2010 est de doubler le nombre de visiteurs -1,2 millions en 2009 - et le chiffre d'affaires sur Internet, pour qu'il atteigne d'ici deux trois ans 60 % de nos revenus. Ce canal représente un enjeu considérable pour nous car il reste encore plus de 50 % de clients à convaincre de réserver en ligne. Dans les grandes villes ce canal représente déjà 80 % du chiffre d'affaires des établissements. Par contre le call center perd 2,3 % avec une part de chiffre d'affaires de 17 % en 2009, tandis que les GDS reculent de 12,6 % avec une part de 32,47 %.

Nous allons bâtir un système de distribution multicanal qui permette à nos hôtels de gérer eux-mêmes leurs offres via une interface unique.

Comment comptez-vous encore augmenter la part des ventes en ligne ?

Le taux de conversion moyen sur le site Bestwestern.fr est de 1,9 % en 2009, allant jusqu'à 2,4 % en décembre dernier. Nous observons une hausse de ce taux sur les deux premiers mois de l'année 2010. Une hausse obtenue par l'amélioration de l'ergonomie du site, du temps de chargement des pages et du processus de réservation. Auparavant, notre système de réservation était lié au site américain Bestwestern.com alors qu'aujourd'hui il est propre au site français. Le nombre de clics nécessaires à la réservation est ainsi passé de sept à trois. Le contenu est par ailleurs plus simple et lisible car les résultats de recherche présentent par défaut ce qui répond à 80 % des demandes : une chambre standard pour une nuit avec un lit double et ce au meilleur prix. Cela permet de limiter le nombre d'informations que l'internaute peut tout de même obtenir via une recherche avancée.

Quelle est la part des sites nationaux de Best Western dans le chiffre d'affaires par rapport à celles de vos partenaires sur Internet ?

Elle est de 80 %, les 20 % restant provenant de sites partenaires tels que Hotel.de, Orbitz, Travelocity ou encore Viamichelin en France. Nous signons environ deux nouveaux partenariats par an, mais la croissance s'effectue surtout sur les sites de Best Western.

Vous souhaitez donc développer les ventes directes ?

Notre ambition est de bâtir un système de distribution qui permette à nos hôtels de gérer eux-mêmes la mise à disposition des chambres et leur tarif sur l'ensemble des canaux - call center, GDS et Internet - et ce via une interface unique. Ce nouveau système sera présenté début avril à nos hôtels et mis en place d'ici la fin de l'année. Cela devrait permettre d'assurer une meilleure cohérence de l'offre suivant les canaux. Et en laissant aux hôteliers le choix des distributeurs et canaux les plus attractifs, ce nouveau système permettra de préserver leurs marges là où les intermédiaires sont très gourmands. Ces derniers prennent entre 15 et  20 % de commission, ce qui pèse beaucoup sur la rentabilité des hôteliers. L'idée est donc d'accroître la part de ventes directes des hôteliers.

Une version française de notre application iPhone gratuite sera disponible d'ici l'été.

Les intermédiaires représentent tout de même une audience importante sur Internet. Les acteurs de l'hôtellerie peuvent-ils vraiment s'en passer ?

Il ne faut pas chercher à tout prix à éviter les intermédiaires : c'est une bonne chose d'avoir de tel partenaires notamment pour les ventes croisées auxquelles notre marque ne se prête pas. Mais il faut trouver le bon équilibre. L'hôtelier doit pouvoir dire non à un intermédiaire ou faire appel à lui quand il en a besoin, sans en être totalement dépendant. Cette tendance à la désintermédiation s'affirme d'ailleurs au Royaume-Uni, marché très mature en matière de tourisme en ligne avec plus de 50 % des ventes réalisées sur Internet, et devrait s'accentuer en France d'ici quatre à cinq ans.

Vous prônez l'indépendance des hôteliers, mais Best Western prélève également une commission sur les réservations de ses franchisés...

Best Western fonctionne comme une coopérative de commerçants indépendants qui s'associent à notre marque. Celle-ci ne fait pas de profits en tant que tel et dépense ses revenus dans les services et la communication pour ses franchisés. Tous les hôtels franchisés sont présents sur Internet via leurs propres sites Web et celui de Best Western. Jusqu'à maintenant Best Western prenait donc une commission de 8 % sur les ventes de ses franchisés, ce qui est au moins deux fois inférieur aux taux pratiqués par les intermédiaires. Cependant nous étudions actuellement la mise en place d'un système de cotisation à la place de la commission, afin de réduire la part de chiffre d'affaires que nous ponctionnons. Le montant n'est pas établi, nous discutons encore avec nos hôteliers, mais nous devrions être fixés le 12 avril prochain.

Pensez-vous qu'Internet signe la fin des GDS étant donné que leur part dans les ventes continue de chuter ?

Cela fait quatre à cinq déjà que l'on dit qu'Internet signe la fin des GDS. Certes, aujourd'hui Internet représente une part de chiffre d'affaires supérieure à celle des GDS chez Best Western. Et les entreprises, principaux clients des GDS, passent de plus en plus outre les agences de voyages, utilisant Internet comme les particuliers. Mais les GDS ne vont pas disparaître, ils vont muter pour offrir plus de services Internet. Par contre, je suis moins optimiste pour les call centers. Sur les cinq dont disposait Best Western dans le monde, nous en avons déjà fermé trois. Aujourd'hui leur part dans notre chiffre d'affaires est relativement stable en France mais le jour où elle sera inférieure à 10 %, peut-être ne seront-ils plus indispensables.

Avez-vous des projets sur mobile ?

Oui. Outre le site mobile lancé en décembre 2009, nous avons lancé en novembre 2009 une application iPhone gratuite en version anglaise : Best Western To Go. Elle a déjà été téléchargée 10 000 fois. Et d'ici l'été, elle sera traduite en français. L'application propose un contenu géolocalisé, permet de réserver en temps réel dans le monde entier, offre des services de localisation des restaurants ou magasins les plus proches de soi, etc. L'idée est de rendre l'application la plus attrayante possible et pas forcément de générer du trafic et du chiffre d'affaires sur d'autres activités que l'hôtellerie. C'est surtout Internet qui nous permet de faire des ventes.

Quels sont vos projets en matière de communication pour 2010 ?

Nous allons investir les réseaux sociaux, ce qui est nouveau pour Best Western. Il s'agira de créer une communauté et non de diffuser de la publicité. Nous lancerons un projet en ce sens vers mai ou juin.