La viande artificielle déjà dans les assiettes Un secteur en plein boom

"Ces dernières années, malgré la crise, nous avons connu des taux de croissance d'environ 20%"

Lorsque le britannique Quorn a investi le marché américain en 2002, "nous n'avions que trois produits en vente dans une centaine de magasins, se rappelle David Wilson, directeur général pour les Etats-Unis. Aujourd'hui, nous sommes présents dans plus de 10 000 magasins avec une quinzaine de références. On peut trouver nos produits jusqu'en Alaska et à Hawaï." En 2011, les ventes au détail des produits Quorn ont atteint les 32 millions de dollars outre-Atlantique. Sur les 9 premiers mois de 2012, elles s'élèvent déjà à 36 millions. "Ces dernières années, malgré la crise, nous avons connu des taux de croissance d'environ 20%, atteignant parfois les 25%".

Une tendance vérifiée auprès des concurrents : la marque canadienne Gardein est aujourd'hui distribuée dans 12 500 magasins contre 750 en 2003. En 2010, les ventes ont augmenté de 40% par rapport à 2009. Beyond Meat, présente uniquement sur la côte Ouest, a quant à elle été victime de son succès médiatique du début de l'été et ne souhaite plus communiquer. "Nous avons accordé des interviews un peu trop tôt et cela a déçu certains consommateurs américains qui ne pouvaient se procurer le produit", nous écrit l'entreprise par mail, qui a également demandé à ses investisseurs de ne pas répondre à nos questions.

"Les ventes de substituts de viande représentent 0,6% de l'ensemble du marché"

Désormais, aux Etats-Unis, les produits à base de substituts de viande représentent 70% des ventes de nourriture dite végétarienne. Ils séduisent évidemment les 5% d'Américains végétariens et les 2% de végétaliens mais aussi certains carnivores. "Dans son ensemble, le marché pour les substituts de viande s'est considérablement développé car il y a davantage de choix pour les consommateurs", explique David Wilson. De là à concurrencer l'industrie de la viande ?

"En 2003, les ventes de viande artificielle s'élevaient à environ 300 millions de dollars, nuance Jayson Lusk, professeur d'économie agricole à l'université d'Oklahoma. En 2011, on estime qu'elles atteignent environ 1 milliard de dollars. Si l'on considère que les ventes de bœuf étaient de 79 milliards, celles de volailles de 45 milliards et celles de porc de 30 milliards, on arrive à un total de 154 milliards. Cela voudrait dire que les ventes de substituts de viande représentent uniquement 0,6% de l'ensemble du marché. Afin de disposer d'une véritable vision de l'impact de la viande artificielle, il faut avant tout se rendre compte de l'immensité du marché de la viande."

Les fondateurs de Twitter et celui de PayPal ont investi dans la viande artificielle

Justement, le fondateur de Beyond Meat, Ethan Brown, a pour ambition de fournir un produit propre à satisfaire la demande croissante de viande dans le monde. Ce qui a attiré des investisseurs qui n'ont pas l'habitude de placer leur argent dans l'agroalimentaire, tels que Kleiner Perkins Caufield & Byers, "l'une des sociétés de capital-risque les plus grandes et les plus établies au monde", dixit le Wall Street Journal. Ou encore Obvious Corporation, la compagnie créée par les cofondateurs de Twitter, Evan Williams et Biz Stone. Et ils ne sont pas seuls. Le milliardaire et cofondateur de PayPal Peter Thiel a investi près de 350 000 dollars dans la start-up Modern Meadows qui tente de fabriquer de la viande artificielle à l'aide d'une imprimante 3D.

"Le secteur agroalimentaire est excessivement compétitif, rappelle cependant Jayson Lusk. Les grands groupes tels que Kellogg's [qui, en 2007, a racheté Gardenburger qui produisait des burgers végétariens dès 1985, ndlr]  risquent éventuellement de dominer le marché des substituts de viande comme ils ont à terme dominé celui des produits bio. Le nom des marques change mais derrière ce sont les mêmes grandes entreprises."