La maintenance connectée, arme de fidélisation massive des pros de l'auto

La maintenance connectée, arme de fidélisation massive des pros de l'auto Constructeurs et réseaux de réparation veulent profiter de l'essor du véhicule connecté pour proposer aux automobilistes des offres personnalisées.

2,5 milliards de dollars. C'est le chiffre d'affaires global que généreront les dispositifs connectés de diagnostic à distance pour les professionnels de l'automobile en 2020, selon une étude de Ptolemus Consulting. De quoi creuser l'appétit des entreprises du secteur : "La connectivité permet de cibler les clients dont le véhicule a besoin de maintenance et de les contacter directement. Les constructeurs et les acteurs de l'après-vente se disputent aujourd'hui ce marché en créant des abonnements qui offrent la possibilité de mieux suivre l'état du véhicule et d'anticiper voire d'éviter les réparations grâce aux informations récupérées à distance", analyse Matthieu Noël, consultant automobile de Ptolemus Consulting. "Les constructeurs ont une longueur d'avance puisqu'ils peuvent facilement récolter les données de tous leurs véhicules connectés pour proposer directement à leurs clients un rendez-vous dans leur propre réseau et ainsi éviter qu'ils aillent chez des indépendants", poursuit-il.

La tendance est confirmée par Alain Sinquin, vice-président en charge des ventes et du marketing d'Octo Telematics, fournisseur de solutions pay as you drive : "La maintenance  est l'un des secteurs où l'on aura la plus forte croissance dans les prochaines années. Dans nos discussions avec les constructeurs, ce sujet est tout le temps mis sur la table. Ils veulent éviter cette perte marketing que représentent les clients qui choisissent les réseaux d'entretien et de réparation indépendants."

"C'est l'un des secteurs où l'on aura la plus forte croissance dans les prochaines années"

L'entreprise italienne, qui affirme être le leader de la télématique et représenter 37 à 40% du marché mondial (60 à 70% en Europe), mise tout sur l'analyse des données issues des véhicules des fabricants : "Nous avons signé un contrat qui comprend des services de télédiagnostic avec General Motors en 2015. Nous en finalisons d'autres, notamment avec un constructeur européen majeur qui va bientôt signer. Des marques qui font déjà partie de nos clients comme Fiat se lanceront aussi prochainement", se réjouit Alain Sinquin.

Parmi ses concurrents, TomTom Telematics accélère lui aussi sur ce marché. La filiale dédiée à la télématique du spécialiste néerlandais de la navigation embarquée a signé en 2014 avec Pon, importateur automobile néerlandais et distributeur exclusif de Volkswagen aux Pays-Bas. Mais surtout, elle a annoncé en juin 2016 une collaboration avec le groupe PSA pour offrir des services de gestion de flotte, dont la maintenance connectée, à tous les gestionnaires de parcs Peugeot, Citroën et DS. "Nous équipons aujourd'hui 650 000 véhicules en BtoB de notre solution WebFleet, qui comprend un boîtier d'une centaine d'euros et un abonnement de data management de 10 à 20 euros par mois. Nous voulons multiplier ce genre de partenariats dans les deux prochaines années", confie Thomas Becher, vice-président en charge du business development chez TomTom Telematics.

"TomTom Telematics équipe aujourd'hui 650 000 véhicules en BtoB et nous voulons multiplier ce genre de partenariats"

Si le géant français Renault n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet, Mercedes, l'un des premiers constructeurs à avoir dégainé sur le marché, semble avoir pris une longueur d'avance. Depuis un peu plus de deux ans, la marque allemande propose le service Mercedes Me Connect, disponible en ligne ou via une application mobile dédiée. Ce système informe entre autres le client sur l'état de son véhicule et surveille les intervalles de maintenance, en avertissant à l'approche des premiers 25 000 kilomètres synonymes de révision par exemple, et l'usure des pièces. Si nécessaire, il transmet les données au garage agréé choisit par le propriétaire, un rendez-vous est automatiquement fixé et les éventuelles pièces détachées peuvent être commandées à l'avance.

"Garder le contact avec le client après l'achat est essentiel car si 95% d'entre eux restent fidèles à notre réseau pendant les quatre années suivant l'acquisition du véhicule, ils ont tendance à se diriger par la suite, surtout quand il est revendu, vers les indépendants", affirme Philippe Rossi, responsable du département projets et marketing après-vente de Mercedes-Benz France.

Mercedes Me Connect n'est compatible qu'avec les modèles sortis à partir de septembre 2014 mais pour contrer la concurrence des réseaux d'entretien et de réparation, la marque va bientôt lancer une solution pour les véhicules plus anciens : Mercedes Me Adapter. Elle équipera ses clients de boîtiers à brancher sur la prise OBD et connectés en Bluetooth avec leur smartphone.

L'aftermarket au secours des réseaux

Les constructeurs représentent aujourd'hui près de 95% du marché du télédiagnostic selon Ptolemus Consulting, mais cette part va être petit à petit rognée par les spécialistes de l'aftermarket, qui devraient s'emparer d'environ 20% du gâteau d'ici 2020. "La bataille entre les acteurs de la réparation se fait aujourd'hui sur la connectivité, l'analyse des données du véhicule et la construction d'algorithmes de diagnostic. C'est ce que des start-ups comme Drust, Xee et Zubie ont développé", observe Matthieu Noël.

"Les constructeurs représentent aujourd'hui près de 95% du marché du télédiagnostic"

Fort de son appartenance au groupe Mobivia avec Midas et Norauto, Xee est l'un des premiers à avoir conquis les réseaux de réparation : "Ils ont besoin de fidéliser les clients dans ce secteur très concurrentiel où la clientèle est volatile car elle vient selon des cycles planifiés ou pour des problèmes ponctuels. Il y a aussi un enjeu d'accueil : c'est toujours perturbant de devoir aller chez le garagiste car on ne sait pas combien de temps on va attendre ni combien cela va coûter. Pouvoir dialoguer avec le client par le canal digital est un gros plus", explique Yvan Gravier, PDG de Xee.

Le boîtier Xee, branché via la prise diagnostic du véhicule, envoie des informations sur l'application smartphone dédiée pour aider le conducteur à améliorer sa conduite de manière ludique et permet de prévenir et de diagnostiquer à distance les pannes mécaniques. Un dispositif de maintenance préventive qui a séduit Norauto puis Midas, qui a lancé le service Midas Connect en juin 2016.

Yvan Gravier, qui réalise pour l'instant 85% de son chiffre d'affaires en France, vise désormais l'international : "Nous avons signé avec Auto 5 en Belgique et Norauto en Espagne et au Portugal. Le but est de nous étendre en Europe de l'Ouest. Je viens de rencontrer au Royaume-Uni Belron et Ellford, par exemple, et nous voulons aussi aller en Allemagne. Uniquement sur ce créneau, nous équiperons autour de 500 000 à 600 000 véhicules en Europe d'ici 2018. Nous avons aujourd'hui un chiffre d'affaires de 3 millions d'euros et nous prévoyons d'atteindre 10 millions d'euros en 2017. L'entretien et la réparation y représentent près de 40%."

"Nous prévoyons d'atteindre 10 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2017, dont près de 40% dans l'entretien et la réparation"

Son concurrent britannique Delphi veut se différencier en lançant en 2017 sur le marché européen une solution complète à destination des réparateurs indépendants comprenant toute la solution software et hardware permettant de lire à distance les informations des véhicules et un support technique pendant 12 mois : "Il ne s'agit pas seulement de leur proposer notre solution connectée mais aussi de les accompagner. Car d'un constructeur à l'autre les données sont organisées de manières très différentes et les types de connexion ne sont pas les mêmes", explique Mehmet Kulahci, directeur de catégorie Gestion Moteur & Service chez Delphi Solutions Produits & Services.

"Bosch est également très en avance grâce à ses liens avec les constructeurs, son expertise du diagnostic automobile et la force de son réseau de garage existant", commente Matthieu Noël. Et selon lui, ils ne seront bientôt plus seuls sur la brèche : "A l'image du partenariat qu'a signé Delphi avec Verizon aux Etats-Unis, les opérateurs télécoms visent aussi ce segment pour vendre leurs solutions connectées et établir des partenariats avec des réseaux d'entretien et de réparation."