Marion Carrette (OuiCar) "Nous serons prêts à nous lancer à l'international en 2018"

La présidente et fondatrice de la start-up d'autopartage revient sur le chemin parcouru en deux ans, depuis le rachat par la SNCF en juin 2015.

JDN. Cela fait deux ans que OuiCar a été racheté par la SNCF. Qu'est-ce que cela a changé ?

© Sylvain Bardin

Marion Carrette. Rien n'a changé, et c'est très important pour moi. Certes, la SNCF possède la majorité du capital de OuiCar, mais elle nous laisse une telle liberté que nous pouvons continuer à fonctionner comme avant. Nous avions été très clairs là-dessus au moment de l'investissement de la SNCF : nous voulions rester une start-up indépendante. D'ailleurs, je n'aime pas trop dire "racheté", je dis toujours "investi". "Racheté", c'est comme si l'histoire était terminée, alors que ce n'est que le début. Nous sommes en train d'inventer les usages de la mobilité de demain.

Ce qui a  beaucoup changé par rapport à il y a deux ans, c'est le marché. Aujourd'hui, les constructeurs automobiles sont perdus et réagissent en lançant leurs propres services d'autopartage, les loueurs traditionnels veulent voir si nous pouvons collaborer. C'est intéressant de voir différentes solutions de mobilité se combiner. Cette collaboration n'existait pas auparavant.

L'autre différence, c'est que nous avons désormais trois personnes de la SNCF au conseil d'administration. L'un d'eux, Hervé Richard, est en charge des solutions de porte-à-porte à la SNCF. C'est notre VRP de luxe : il noyaute la SNCF pour trouver des synergies. 

Justement, quel genre de synergies avez-vous développé ?

Depuis mai, nous proposons notre service OuiCar Connect, qui permet de récupérer une voiture avec son téléphone sans remise des clés par le propriétaire, en partenariat avec la SNCF. Dans 14 gares, nous louons des véhicules de service SNCF qui sont en partie inutilisés le weekend et se trouvent déjà sur place. Ce sont des voitures citadines de moins de trois ans. Nous souhaitons développer cette activité avec d'autres grands comptes qui ont des voitures inutilisées. Nous travaillons aussi avec Voyages-sncf pour être présents dès l'achat du billet. Le site propose de louer une voiture sur OuiCar ou des loueurs traditionnels après avoir acheté son voyage. Les voitures en gares et Voyages-sncf sont les deux principaux projets de synergies. Avec un grand compte, il ne faut pas s'éparpiller. Nous avons un troisième projet de la même envergure en préparation.

Ce rachat par un acteur très hexagonal ne vous a-t-il pas forcé à vous focaliser sur la France, pendant que des concurrents comme Drivy s'étendent à l'international ?

La SNCF n'est pas seulement présente en France, elle fait beaucoup de business à l'étranger, notamment avec sa filiale Keolis. Certains se sont lancés tôt à l'international et on a vu le résultat... J'en ai moi-même fait l'expérience dans un précédent business. Nous avons fait le choix de rester en France pour améliorer l'expérience utilisateur et la fluidité du produit. D'ici la fin de l'année, nous aurons fini ce travail d'amélioration. Nous serons prêts à nous lancer à l'international en 2018, dans deux pays européens.

En attendant, la France est un très bon endroit pour développer un business d'autopartage. C'est le premier marché européen de la location automobile, il y a beaucoup de touristes, un bon réseau ferroviaire, et les Français ont beaucoup de congés et de RTT. Nous irons dans des pays qui ont les mêmes composantes que la France.

A quoi ont servi les 28 millions d'augmentation de capital apportés par la SNCF ?

Cette somme nous a permis de recruter, de financer des campagnes de marketing et d'améliorer notre produit. Nous en utiliserons aussi une partie pour notre expansion internationale.

Quel sont vos priorités de développement pour cette troisième année au sein de la SNCF ?

L'international sera la priorité de l'année prochaine, c'est certain. Nous devons aussi continuer à améliorer le produit et la fidélité des utilisateurs : nous avons développé de nombreux services (OuiCar Connect, assistance, assurance, ndlr) permettant aux utilisateurs d'éviter toutes les galères qui pourraient les empêcher de louer un véhicule. Il faut poursuivre ces efforts. Sur le long terme, nous réfléchissons à l'impact de la voiture autonome. Ma vision à terme, c'est que la voiture va de plus en plus ressembler à un transport public tellement elle sera partagée. Il y aura aussi des voitures pour la conduite-plaisir.

Espérez-vous toujours présenter pour la première fois des comptes à l'équilibre en 2017 ?

Nous pourrions l'être, mais ce ne sera pas le cas car nous allons nous développer à l'international. Nous devons continuer à investir, notre croissance est trop forte pour nous arrêter maintenant.

La SNCF vous a-t-elle fixé des objectifs en termes de croissance, de rentabilité ou de nombre d'utilisateurs ?

Nous avons nos propres objectifs et notre business plan, auxquels la SNCF a adhéré en investissant dans OuiCar. La SNCF est au conseil d'administration et suit évidemment notre développement avec intérêt. Mais elle nous laisse tranquilles.