La voiture, nouveau front dans la bataille des assistants vocaux

La voiture, nouveau front dans la bataille des assistants vocaux Après les smartphones et les enceintes, Google et Amazon veulent imposer leurs IA dans les véhicules. S'ils les laissent monter à bord, les constructeurs préparent aussi leurs solutions.

Pourquoi s'embêter à appuyer sur des boutons ou un écran quand on peut tout simplement dire à son véhicule ce que l'on souhaite ? Après leur arrivée sur smartphones puis enceintes connectées, les assistants personnels contrôlés par la voix, comme Google Assistant, Alexa d'Amazon ou Siri d'Apple, débarquent dans les véhicules. Google et Amazon ont déjà développé des versions spécifiques de leurs assistants pour l'automobile, mais pas encore Apple, même si Siri est accessible depuis CarPlay, qui permet de retrouver certaines fonctionnalités de l'iPhone sur l'écran de bord des véhicules.

"Le contrôle vocal permet au conducteur de garder les mains sur le volant et les yeux sur la route"

Plusieurs constructeurs, comme Ford, Toyota ou encore BMW, ont déjà commencé à intégrer les assistants de Google et Amazon à leurs véhicules. Car ils ont bien compris que la voix était la manière la plus pratique et la plus sûre d'interagir avec une voiture. "Le contrôle vocal est aujourd'hui disponible sur de nombreux appareils électroniques, les clients s'attendent donc à retrouver les mêmes fonctionnalités dans leur véhicule. D'autant qu'elles leur permettent de garder les mains sur le volant et les yeux sur la route," résume Henning Schneider, ingénieur spécialisé dans les systèmes de reconnaissance vocale chez Ford Europe.

Les progrès de la reconnaissance vocale grâce à l'intelligence artificielle expliquent aussi cet engouement, selon Eric Montague, directeur produit et stratégie chez Nuance Communications, une société américaine de reconnaissance vocale qui développe des solutions sous marque blanche pour les constructeurs auto. "Depuis que nous avons commencé à utiliser des réseaux neuronaux profonds (une méthode d'apprentissage machine basée sur l'intelligence artificielle, ndlr) en 2014, nous arrivons à réduire le taux d'erreur de 20 à 25% chaque année, contre 10 à 15% auparavant." Il reconnaît cependant qu''il reste du travail, notamment pour être capable de répondre à des demandes complexes cumulant plusieurs paramètres (par exemple "trouve moi un fastfood qui ne soit ni un Mc Donalds ni un Burger King".)

Les géants de la tech choisissent donc un moment opportun pour envahir les véhicules. Si nombre de constructeurs n'ont pas encore annoncé d'intégrations avec ces assistants, il semble difficile à terme de ne pas le faire. Parce que les consommateurs sont déjà habitués à ces interfaces vocales sur d'autres appareils et qu'il sera difficile d'égaler la précision des assistants de Google et Amazon, qui disposent de montagnes de données sur lesquelles entraîner leurs algorithmes.

Cohabitation de solutions

Cela ne veut pas dire pour autant que les constructeurs renoncent à se doter de leurs propres technos. Certains véhicules de Renault et PSA, qui n'intègrent pour l'instant pas d'assistants externes, embarquent leurs propres systèmes de reconnaissance vocale. Chez Ford, le système d'infotainment SYNC3 dispose d'un assistant vocal maison, mais permet aussi d'utiliser Google Assistant ou Alexa (seulement aux Etats-Unis). "Nous préservons un équilibre entre notre propre contrôle vocal, qui fait le lien avec nos systèmes internes comme la navigation ou la médiathèque, et les services auxquels sont habitués nos clients sur leurs smartphones," analyse Mareika Sauer, ingénieure contrôle vocal chez Ford Europe.

"Notre vision est qu'il y aura des milliers d'assistants personnels. Nous sommes donc en train de créer une plateforme qui permet d'y accéder depuis le véhicule"

Cette cohabitation de quelques assistants n'est qu'un début, à en croire Eric Montague, dont la société propose des services de création d'assistants personnels d'entreprise. "Notre vision est qu'il y aura des milliers d'assistants personnels. Chaque entreprise en aura un. Nous sommes donc en train de créer une plateforme qui permet d'accéder depuis le véhicule à ce monde d'assistants virtuels." Avec notamment Amazon et Toyota, Nuance participe à l'initiative AGL (Automotive Grade Linux) qui vise à créer une plateforme open source offrant des interfaces de programmation (API) permettant d'intégrer plus facilement une application à n'importe quel véhicule.  Nuance travaille spécifiquement avec Amazon sur la création de compatibilités entre n'importe quelle application d'un véhicule et les assistants personnels. Mais en l'absence de Google et d'Apple, impossible d'établir des passerelles vers Google Assistant et Siri. "Il faut qu'ils nous rejoignent", enjoint Eric Montague.

Alexa, futur Android de la voix

Il ne faudrait pourtant pas voir dans la participation d'Amazon à cette initiative une soudaine conversion aux plateformes ouvertes. Cela lui permet surtout de tenter de rattraper son retard sur Google, dont l'assistant est de plus en plus présent dans les véhicules, soit via son système d'infotainment Android Auto, soit par des intégrations directes. Car tout comme Google avec Android, Amazon veut faire d'Alexa une plateforme, à la fois capable de répondre à de nombreuses requêtes par elle-même, tout en invitant les développeurs à créer leurs propres applications (des "skills") afin d'enrichir la palette de services proposés.

Eric Montague ne les voit pourtant pas comme des concurrents pour Nuance et les constructeurs. "Ce que veulent Amazon, Google et Apple, c'est offrir un assistant avec leur marque dans la voiture. Les constructeurs, eux, veulent avoir leur propre assistant dans la voiture afin qu'il communique avec tous les autres assistants." Par ailleurs, il croit dans la capacité d'acteurs spécialisés dans l'automobile à se démarquer en créant des intégrations très poussées avec le véhicule. "La voiture est un produit bien plus complexe que le smartphone ou l'enceinte connectée," affirme-t-il. "Le système peut générer 1 200 messages différents pour un seul évènement. Il faut une plateforme qui puisse répondre à chaque événement et savoir quoi faire." Que les assistants personnels deviennent un écosystème varié et ouvert ou l'oligopole d'une poignée de plateformes, les constructeurs ne pourront plus très longtemps leur fermer les portes de leurs véhicules.