Voitures autonomes : pourquoi les tests sur route ne servent (presque) à rien
La grande majorité des kilomètres parcourus par les véhicules autonomes sont virtuels, grâce à des simulateurs permettant de tester une variété infinie de situations.
Vaut-il mieux tester son véhicule autonome sur circuit, route ouverte… ou serveur ? Si les tests publics de voitures autonomes se multiplient dans l'Hexagone, on sait moins qu'ils sont encore plus nombreux à se dérouler sur les ordinateurs de ceux qui préparent ces nouveaux véhicules. Les tests sur route ne représentent qu'une infime partie des kilomètres parcourus par les engins autonomes que testent les constructeurs et entreprises tech. A part pour les navettes autonomes aux applications plus simples que les voitures, la grande majorité se fait via des programmes de simulation informatique de conduite autonome, comme ESI Prosivic, rFpro ou PreScan. Ainsi, Waymo a roulé 16 millions de kilomètres sur routes ouvertes et circuits, contre 11… milliards de kilomètres simulés par ordinateur via son logiciel maison Carcraft. Une journée de simulation équivaut à la distance totale parcourue par les voitures de Waymo depuis ses premiers tests en 2009.
Une journée de simulation équivaut à la distance totale parcourue par les voitures de Waymo depuis 2009
Première étape indispensable avant des tests physiques, les simulateurs permettent aussi de tester une énorme variété de scénarios impossibles à provoquer sur routes ouvertes parce que trop rares ou trop dangereux. "Lorsque nous avons lancé notre premier prototype de véhicule autonome, nous nous sommes servis de simulateurs pour valider nos algorithmes de détection d'obstacles", se souvient Mohamed Rahal, chercheur en perception chez Vedecom, un institut de recherche automobile public-privé soutenu notamment par Renault, PSA et Valeo. "Nous n'en n'avons plus besoin pour la détection, mais les simulateurs restent indispensables pour des fonctions sensibles comme la planification de trajectoire, l'accélération, le freinage ou le braquage", poursuit-il.
Concrètement, les équipes étudient des scénarios de conduite, par exemple la traversée d'une route par un piéton, qui sont ensuite déclinés en multiples versions. Exemple : un piéton traverse depuis la droite, caché au départ entre deux voitures garées sur le bas-côté. "On peut jouer sur un nombre incroyable de paramètres : nombre de voies, chaussée glissante, priorités ou sens de conduite en fonction d'un pays…", précise Clément Aubourg, responsable du programme véhicules autonomes de Keolis.
Réglages fins
Pour fonctionner correctement et arriver à des résultats proches de la réalité, ces simulateurs doivent être finement calibrés. Il faut modéliser l'adhésion des pneus à la chaussée, la masse du véhicule ou encore l'inclinaison d'une pente. Reste que "à moins d'être sur une route droite idéale par un temps idéal, il y aura toujours une marge d'erreur entre la simulation et la réalité," reconnaît Mohamed Rahal. D'autant que tous ces paramètres varient en fonction du véhicule testé : les différences de masse et de positionnement des capteurs obligent à recalibrer la simulation. En outre, certains cas d'usages demeurent difficiles à simuler. Comme le fait de tourner à gauche sur une route à double sens.
Les simulateurs sont enfin une manière de rassurer les régulateurs. Sans remplacer les tests physiques, ils assurent au moins que les systèmes marchent en théorie, car "si ça ne passe pas sur simulateur, il n'y a aucune chance que ça fonctionne sur route", rappelle Clément Aubourg. Les deux méthodes sont donc complémentaires : les simulations informatiques permettent de massifier les cas d'usage et faire progresser rapidement les logiciels de conduite autonome, tandis que les expérimentations physiques apportent la preuve de leur bon fonctionnement.