Pourquoi les boutiques sont inoccupées dans les centres commerciaux

Pourquoi les boutiques sont inoccupées dans les centres commerciaux Le taux de vacance dans les galeries commerciales bat des records selon une étude qui fait polémique.

Se promener dans les allées du centre commercial des Halles à Strasbourg revient à défiler devant une succession de boutiques vides et de devantures fermées. Une situation exceptionnelle ? Non, si l'on en croit une étude  qui a fait grand bruit -et qui est l'objet de fortes critiques - dans le monde des centres commerciaux.

En deux ans, selon ce document du cabinet Procos, le taux de vacance, qui mesure le pourcentage de locaux commerciaux inoccupés à un instant T, s'est envolé dans les centres commerciaux français : 7,6% des emplacements seraient désormais vacants dans les galeries marchandes en France contre 4,6% en 2012.

taux vacance
Le taux de vacance dans les centres commerciaux selon Procos. © JDN

Globalement, les anciens centres commerciaux résistent mieux que les récents : le taux de vacance des centres ouverts dans les années 1970 oscille autour de 5%, quand celui des centres ouverts après 2010 dépasse les 10%. Procos note également que les grands centres commerciaux résistent mieux : les "méga mall" de plus de 120 boutiques ont vu leur taux de vacance progresser de 1,7 point entre 2012 et 2014, là où les petites galeries marchandes (de 20 à 40 boutiques) ont connu une forte dégradation de leur situation (+2,5 points).

vacance commercial
De plus en plus de mètres carrés, de moins en moins de clients : l'équation est difficile à tenir pour les galeries commerciales. © JDN

Le climat économique morose fait partie des causes de cette désaffection. Les ventes d'habillement, une des locomotives de centres commerciaux, ont par exemple chuté de 10% sur un an en septembre 2014 selon l'indice Distriflash de l'Institut français de la mode. L'autre "moteur" de fréquentation, l'hypermarché, est lui aussi confronté à des difficultés structurelles. Sans compter la vive concurrence du e-commerce, qui engloutit désormais 8% du commerce de détail hors alimentaire, selon la Fevad (Fédération e-commerce et vente à distance).

Mais la mauvaise conjecture économique n'explique pas tout. L'explosion des ouvertures ces derniers temps contribue largement à l'augmentation de la vacance. 356 172 mètres carrés de centres commerciaux ont été inaugurés en 2013, soit une hausse de 37% sur un an, rapporte Cushman & Wakefield. Et la tendance ne s'est pas ralentie en 2014, avec l'ouverture notamment de Qwartz à Villeneuve-la-Garenne (85 000 mètres carrés), des Terrasses du Port à Marseille (61 000 mètres carrés) ou de Waves près de Metz (60 000 mètres carrés). 

Face à cela, les bailleurs ne revoient pas leurs tarifs à la baisse. Chez Klépierre par exemple, qui gère 35 centres commerciaux en France, les loyers ont augmenté de 1,9% sur un an au premier trimestre 2014 alors que le chiffre d'affaires des boutiques a dans le même temps baissé de 0,2%.

Certains centres souffrent également de défauts dès leurs origines. Le Millénaire, par exemple, pâtit de gros problèmes d'accès : les passerelles traversant le périphérique ne devraient ouvrir qu'en 2015... quatre ans après l'ouverture. Face au manque de clients, 25 enseignes ont quitté le navire, dont la Fnac en 2012, pourtant censée être un des pôles d'attractivité. A Lyon, le centre Confluence inauguré en avril 2012 peine face à la concurrence du centre historique de la Part-Dieu. 

"Certains très grands centres commerciaux ont ouvert dans une zone de chalandise caractérisée par un faible niveau de revenu", explique également Procos, citant les exemples d'Evry 2 (Essonne) ou de la Cité de l'Europe à Calais (Pas-de-Calais). D'autres, comme Grand Cap au Havre, ont fait l'objet "d'une extension de trop", toujours selon Procos.

Au centre Le Millénaire, 25 boutiques ont déjà quitté le navire

Reste que les chiffres de Procos sont unanimement contestés par les acteurs du marché. Unibail-Rodamco s'est fendu le 7 novembre d'un communiqué démentant "formellement" le taux de vacance de 6,5% attribué au groupe dans l'étude, et avance un taux de 2,5% "établi selon les standards internationaux fixés par l'European Public Real Estate Association (EPRA)". Le Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC) dénonce lui aussi "une méthodologie totalement erronée".

En réponse, Procos précise que son étude porte sur la vacance commerciale (mesurée par le nombre de cellules inoccupées dans un ensemble commercial), et non sur la vacance financière (rapport entre les loyers attendus et les loyers perçus, comme le mesure l'EPRA). Et de persister : "Certes, l'étude amalgame la vacance conjoncturelle et la vacance structurelle. Toutefois, elle fournit une mesure objective de la commercialité telle qu'elle est perçue par n'importe quel consommateur. Et c'est bien aux perceptions et aux attentes de ce consommateur que l'ensemble de la filière de l'immobilier de commerce doit d'abord rester attentive".