L’inflation, le « stress test » de la politique de prix des entreprises
En érodant régulièrement la rentabilité réelle des entreprises, l’inflation met les entreprises sous pression et rappelle qu’une stratégie de prix performante est nécessaire pour préserver les profits.
On l’a vu, l’inflation pose de sérieuses difficultés aux entreprises d’une part au niveau de la répercussion des hausses de coûts dans les prix de vente, d’autre part en dévaluant les profits réalisés, qui doivent dès lors progresser suffisamment chaque année pour véritablement représenter un enrichissement. La capacité à faire évoluer régulièrement et suffisamment les prix est donc critique pour préserver les profits en termes réels.
Lors d’une
interview début 2011, Warren Buffet expliquait ainsi qu’à l’examen d’une cible
d’investissement, il regarde en priorité son « pricing power », à
savoir sa capacité à imposer des hausses de prix sur son marché. « Si l’on
peut augmenter les prix sans perdre fortement des volumes au profit des
concurrents, c’est une bonne activité. S’il y a besoin de faire une prière
avant chaque hausse de prix, l’activité est peu attrayante ». Cette
capacité dépend naturellement du degré d’innovation et de différenciation que
l’entreprise a réussi à développer et à maintenir, mais aussi de son
savoir-faire pour piloter la stratégie, la définition et la mise en œuvre des
prix dans toute l’organisation.
Or, les
stratégies typiquement observées semblent régulièrement influencées par la peur
et l’improvisation plutôt que de reposer sur des analyses et de décisions
réfléchies : peur de perdre des volumes (à laquelle devrait se substituer
une analyse fine de la sensibilité prix pour déterminer réellement les
opportunités et menaces), improvisation dans les changements de prix et le
pilotage des vendeurs, par exemple sous l’impulsion des mouvements de prix des
concurrents. Une stratégie typique est ainsi de passer des hausses inférieures
à celles réellement nécessaires ou à celles des concurrents, d’augmenter les
dépenses publicitaires dans l’espoir de booster les ventes, et de compter sur
la croissance des ventes pour augmenter la rentabilité en marge euros. Très
souvent, cette stratégie ne fonctionne pas. Les effets volumes escomptés
par une modération tarifaire sont surévalués, tandis que les effets négatifs
sur la marge d’une insuffisante hausse des prix sont sous-estimés.
Quels sont les effets de ce manque de travail sur la stratégie prix ? D’après une étude récente menée en 2011 auprès de 3900 entreprises européennes, un pricing sous-performant se traduit par une baisse de rentabilité d’environ 25% par rapport aux meilleures pratiques. Cette même étude observe qu’en moyenne, les entreprises ne parviennent à mettre en œuvre que 53% des hausses de prix planifiées.
Il y a donc urgence à investir plus de moyens, de temps et de méthode dans la préservation de la rentabilité, garante de la survie à long terme mais aussi de la capacité d’innovation et de la qualité du service rendu au client. L’accélération de l’inflation accroît cette pression sur les profits et ne pourra probablement pas être gérée avec les approches d’hier.