En Amérique latine, la dette publique est passée de 80 % du PIB dans les années 1990 à 30 % aujourd’hui.
L'Amérique latine aura connu une croissance moyenne de 4,4 % en 2011 et d’au moins 4 % en 2012, malgré la crise de la dette européenne. Des perspectives qui en font des environnements favorables aux investissements. Dès lors que l'on prend quelques précautions, notamment juridiques.
Dans leur rapport conjoint intitulé « Perspectives économiques d’Amérique latine 2012 » rendu public fin octobre 2011 lors du sommet
ibéroaméricain d’Asunción, l’OCDE (Organisation de
coopération et de développement économiques) et la CEPAL (Commission économique
des Nations unies pour l’Amérique latine) indiquent que, dans l’ensemble latino-américain, la croissance sera
plus forte en Amérique du Sud qu’au Mexique et en Amérique centrale.
Pour ce qui est des pays sud-américains
enfin, l’Argentine et le Brésil affichent des hausses du PIB attendues
particulièrement fortes, respectivement de 8 % et de près de 6 % cette année,
aux alentours de 6,5 % et de 5 % l’an prochain.
Comptes
équilibrés
L’OCDE et la CEPAL notent que les pays
latino-américains ont mieux résisté que beaucoup d’autres à la crise de
2008-2009. Si leurs économies n’ont connu qu’un léger alentissement et sont reparties très fort dès
2010, l’Argentine connaissant cette année-là une croissance de 9 % et le
Brésil, de 7,5 %, cela a été possible grâce aux politiques « vertueuses »
menées dans la région depuis le début de la décennie, qui ont notamment permis
de réduire substantiellement le niveau d’endettement des pays concernés.
En
moyenne, le poids de la dette publique est ainsi passé de 80 % du PIB dans les
années 1990 à 30 % aujourd’hui. La plupart des gouvernements ont également
équilibré leurs comptes et, dans un contexte marqué par une activité économique
soutenue, amélioré les recettes fiscales. De la sorte, la diminution du poids
de la dette s’est accompagnée d’une hausse importante des dépenses publiques
destinées aux investissements et aux transferts sociaux.
Même si ces dernières
restent inférieures à celles des pays de l’OCDE (47 % du PIB en moyenne), elles
atteignent désormais 35 % en Argentine et 40 % au Brésil. Avec de meilleures
infrastructures et moins de pauvres (donc plus de consommateurs), les pays de
la région ont pu engager un processus de croissance en partie fondé sur la
demande intérieure. Demande asiatique Parallèlement, la demande extérieure est
venue contribuer à ce processus, la région étant un important exportateur de
matières premières, minières et agricoles notamment, nécessaires au
développement de l’autre zone émergente de la planète, l’Asie du Sud et du Sud-est.
Les besoins de la Chine en particulier et dans une moindre mesure de l’Inde ont
ainsi constitué un formidable accélérateur de croissance pour les économies latino-américaines.
Cela est particulièrement vrai, encore
une fois, pour les pays d’Amérique du Sud, pour qui les termes de l’échange se
sont beaucoup améliorés au cours des dernières années : sur une base 100 en
2005, l’indice s’établit ainsi à 188 en 2010. Leaders pour les denrées
alimentaires, en particulier le soja, l’Argentine et le Brésil sont les pays
qui ont le plus tiré profit de cette situation favorable. Toujours d’après
l’OCDE et la CEPAL, les mêmes raisons qui ont permis à la région de surmonter
sans difficultés majeures les secousses de 2008-2009 lui permettront de
résister à la crise actuelle, notamment
en ce qui concerne l’Argentine et le Brésil. Bien moins dépendants que naguère
de financements extérieurs, avec des
marchés intérieurs en expansion et pouvant compter sur la demande d’origine asiatique, même s’il n’est
pas exclu que celle-ci fléchisse quelque peu, ces pays paraissent assurés de
maintenir un rythme de croissance élevé.
Il leur faudra cependant, comme le
notent les auteurs du rapport pour l’ensemble des pays couverts par l’étude, renforcer
l’efficacité des dépenses de l’État, professionnaliser plus encore la fonction
publique, augmenter leurs investissements
en matière d’infrastructures, d’éducation et de recherche scientifique.
Bien que non citée par le rapport, vraisemblablement
en raison du caractère macro-économique de celui-ci, l’attitude à l’égard des entreprises,
nationales et étrangères, est sans doute un autre élément à considérer par les
gouvernements.
Principales économies d’Amérique du
Sud, le Brésil et l’Argentine sont tous deux membres du G 20. Ils ont aussi en
commun d’avoir à leur tête deux femmes, Dilma Roussef et Cristina Fernández de
Kirchner, qui dirigent des gouvernements dont la politique s’inscrit dans la
continuité. Roussef était l’héritière de Lula da Silva, à qui elle a succédé en
2011 après deux mandats de ce dernier. Pour sa part, Fernández de Kirchner a
succédé à son époux, Néstor Kirchner (décédé il y a un an), en 2007, et vient
d’être réélue pour un nouveau mandat de quatre ans. Dans l’un et l’autre cas,
la continuité ci-dessus mentionnée est à considérer sur une période de douze
ans ; dans l’un et l’autre cas, la popularité qu’affichent ces deux femmes est
un important facteur de stabilité.
Brésil et Argentine sont par ailleurs liés
par une alliance stratégique et agissent volontiers de concert au niveau
international. Cela étant dit, il existe également des différences importantes entre
les deux pays. D’abord, les dimensions de leur économie. Septième PIB de la
planète, bientôt sixième devant la Grande-Bretagne, le Brésil est un acteur global
sur la scène mondiale et une destination privilégiée pour les investissements
internationaux.
Poids
régional
Deuxième économie d’Amérique du Sud et
au vingt-cinquième rang mondial, l’Argentine
devra attendre d’avoir réglé sa dette avec le Club de Paris pour retrouver un flux
d’investissements en rapport avec la taille de son marché. Il en découle aussi
des différences pour ce qui est des réponses à la conjoncture actuelle. Ainsi,
le Brésil met en œuvre une politique monétaire restrictive afin de déprécier sa
monnaie et contrer les risques d’inflation, ce qui le conduit aussi à chercher
à décourager l’entrée de capitaux spéculatifs.
Pour sa part, l’Argentine maintient
une politique monétaire expansive, ce qui alimente une inflation relativement
importante, qui est une des causes de la fuite des capitaux qu’elle tente
désormais de contrer par des réglementations accrues du marché des changes.
Mais elle a annoncé vouloir diminuer les subventions aux services publics, ce
qui devrait ralentir la hausse des dépenses publiques, autre source de
l’inflation.
Ces différences soulignées, il n’en est
pas moins vrai que le Brésil et l’Argentine offrent, grâce à la croissance
attendue de leurs économies, des opportunités d’investissement pratiquement
sans égal dans d’autres pays du monde. À condition, bien sûr, de s’entourer de
conseils avisés à l’heure de les saisir, compte tenu de la volatilité de la
situation internationale et des particularités culturelles, dont le rôle de
l’État n’est pas le moins important, de ces deux pays. Notons aussi qu'ils
offrent une sécurité juridique similaire qui s’améliore au fil du temps.
Leurs législations
(notamment en droit fiscal des sociétés et cambiaire), abondantes et complexes,
invitent à une analyse rigoureuse et oblige les investisseurs étrangers à faire
preuve de créativité à l’instar des acteurs locaux. Une bonne maîtrise de
l’environnement juridique constituant ici un outil indispensable au succès de
l’entreprise, en particulier étrangère.