Implantation des antennes relais : le principe de précaution tempéré
Seules sont compétentes les autorités de l’État pour réglementer l’implantation des antennes relais sur le territoire. Le pouvoir de police spéciale reconnu à certaines autorités de l’État par la loi supplante le pouvoir de police générale appartenant au maire.
Si le maire peut être informé de l’état des installations radioélectriques exploitées sur le territoire de sa commune, le pouvoir de police spéciale reconnu à certaines autorités de l’État par la loi supplante le pouvoir de police générale appartenant au maire. Tel est le sens de la règle posée par le Conseil d’État dans trois arrêts d’assemblée du 26 octobre 2011.
Le
code des postes et des communications électroniques confie aux autorités
désignées par le législateur, à savoir le ministre chargé des communications
électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des
postes ainsi que l’Agence nationale des fréquences, le soin de déterminer les
modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble du
territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des
ondes qu’elles émettent. La mise en service d’une antenne relais de téléphonie
mobile est subordonnée à une autorisation délivrée par l’Agence nationale des
fréquences au regard des caractéristiques de la station et de son implantation
locale.
Les
maires des communes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône)
et Bordeaux (Gironde) avaient voulu réglementer de façon générale l’implantation
d’antennes relais sur le territoire de leurs communes respectives. Ils
justifiaient leur intervention sur le fondement de leur compétence de police
générale sur le territoire de leur commune prévue par l’article L. 2212-1du code général des collectivités territoriales, d’une part, et du principe de
précaution prévu à l’article 5 de la Charte de l’environnement, d’autre
part. Ce texte de valeur constitutionnelle depuis la loi du 1er mars
2005 prévoit en effet que « lorsque
la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances
scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement,
les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et
dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation
des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de
parer à la réalisation du dommage ».
Se posait dès lors un problème d’articulation
de compétences entre les compétences de police spéciales reconnues aux
autorités de l’État en la matière et les compétences de police générale reconnues
au maire.
Dans
une décision d’assemblée du 26 octobre 2011, le Conseil d’État rappelle
que « si le maire [peut être] informé, à sa demande, de l’état des
installations radioélectriques exploitées sur le territoire de la commune, et si les articles L. 2212-1
et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le
maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la
sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans
porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l’État,
adopter sur le territoire de la commune, une réglementation relative à l’implantation
des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public
contre les effets des ondes émises par ces antennes ».
Le
Conseil d’État précise également que si le principe de précaution « est
applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, [il] ne
saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique
d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions »
même dans l’hypothèse
où les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques
fixées par décret ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences
posées par le principe de précaution.
Une telle réglementation relève des pouvoirs exclusifs conférés aux autorités
de l’État.
Il
convient toutefois de relever que cette décision du Conseil d’État qui vient
tempérer l’application du principe de précaution concerne uniquement la
question de la détermination de l’autorité compétente pour édicter une
réglementation générale concernant l’implantation des antennes relais. Elle ne
préjuge en rien la légalité d’une décision prise par le maire, notamment en cas
d’urgence, concernant une antenne déterminée, au regard des circonstances
locales exceptionnelles.
En effet, en se fondant sur un risque imminent, le
maire peut intervenir de manière temporaire, en dérogeant aux règles de
compétence. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 2 décembre 2009, retient
que « s’il appartient au maire, responsable de l’ordre
public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police
générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité
publiques, le maire ne saurait s’immiscer dans l’exercice de […] police spéciale [de l’eau attribuée au
préfet] qu’en cas de péril imminent ».