Quand le café broie les règles sur la publicité comparative
Par un arrêt du 25 septembre 2012, la Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant dans le cadre de la guerre commerciale et juridique qui oppose le géant du café de luxe en capsules, Nespresso, à son rival Bodum, spécialisé dans les cafetières à piston sans filtre.
Dans cette affaire, Nespresso reprochait à Bodum d'avoir diffusé des catalogues vantant les mérites de son système avec le slogan "Make, Taste, Not Waste" ("Faire, Goûter, Ne Pas Gâcher") apposé au-dessus d'une photographie représentant des capsules Nespresso usagées. Il s'agissant de mettre en avant un argument écologique, point sur lequel Nespresso a du mal à se défendre. Le Suisse avait alors assigné Bodum à la fois pour dénigrement et parasitisme. Pour sa part, Bodum a argué du fait que le visuel constituerait une publicité comparative licite.
En appel, Nespresso a été déboutée de l'ensemble de
ses demandes, la Cour d'appel de Versailles ayant considéré que la publicité litigieuse
n'était pas constitutive d'une faute de la part de Bodum.
Devant la Cour de cassation, cette position a été
partiellement censurée. Dans un premier temps, la Cour suprême a confirmé que
la publicité en cause ne relevait pas du parasitisme dès lors qu'il n'était pas
démontré que Bodum avait profité indûment de la notoriété de son rival à
capsules.
Selon l'arrêt, Bodum jouissait déjà, avant cette
campagne, d'une certaine réputation grâce à plusieurs campagnes de
communication. En outre, et de manière intéressante, la Cour de cassation a validé
la référence à Nespresso au motif qu'elle se justifiait "par la comparaison des incidences environnementales de
l'utilisation d'une cafetière à piston et d'une cafetière à capsules".
En d'autres termes, cette comparaison était licite au regard de l'article 1382 du Code civil.
Cependant, dans un second temps, la Cour de
cassation a censuré partiellement l'arrêt d'appel qui avait rejeté le grief de
publicité illicite. Selon l'arrêt, "une
publicité comparative ne peut entraîner le discrédit ou le dénigrement des
marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité
ou situation d'un concurrent". Or, en l'espèce, "la publicité litigieuse mettait exclusivement en avant une
caractéristique négative du produit d'un concurrent, présentée dans des
conditions de nature à jeter le discrédit sur celui-ci".
En somme, une publicité peut à la fois être licite
sur le plan du parasitisme (la référence au concurrent étant elle-même
justifiée) et illicite sur le plan de la publicité comparative si elle dénigre
le concurrent. Il s'agit pourtant bien ici de l'intérêt de toute publicité
comparative, qui va systématiquement mettre en scène un aspect de deux
produits, les placer en balance et, évidemment, en tirer une conclusion
favorable au produit de l'annonceur.
En l'espèce, la Cour de cassation reproche à Bodum
d'avoir diffusé une publicité comparative qui ne met l'accent que sur un seul
aspect du produit concurrent. Il aurait donc fallu, selon la Cour, que la
publicité comparât différentes caractéristiques des deux systèmes.
Cette solution rejoint celle retenue par une
ordonnance de référé du Président du Tribunal de commerce de Nanterre rendue le
5 juillet 2012, par laquelle il avait été considéré qu'était illicite une
publicité comparative qui ne se livrait pas à une "comparaison directe" de deux appareils concurrents et
qui restait "très laconique sur les
fonctionnalités de l'appareil" proposé à la vente par l'annonceur.
Dans cette publicité, seul l'argument tarifaire était mis en avant.
Il résulte de la combinaison de ces deux décisions
que la publicité comparative doit être maniée en France avec grande prudence.
Alors qu'elle est monnaie courante de l'autre côté de l'Atlantique, elle
dégénère ici souvent en publicité illicite, en particulier lorsque le message
qu'elle sous-tend reste trop succinct et ne permet pas à un consommateur normalement
attentif d'effectuer une véritable comparaison des produits. Dans ce cas, le
manque de précision confine à la tromperie.
En conclusion, si l'on veut comparer dans la
publicité, il faut le faire jusqu'au bout et ne pas se contenter de mettre
l'accent sur un aspect unique du produit. La publicité doit être loyale, claire
et permettre une information complète des consommateurs.