Un an après la révolution, l’économie tunisienne reste en panne

Un an après les premières élections libres en Tunisie, la situation politique grippée entrave la reprise économique. Et alimente les déceptions.

Le premier anniversaire des élections tunisiennes n’a pas été marqué par des manifestations monstres hostiles au pouvoir comme l’annonçait certains, mais la date a été aussi très loin de la célébration « d’une fête », comme le souhaitait le mouvement Ennahda sorti vainqueur des urnes et qui dirige le pays avec deux autres partis. Alors que l’assemblée constituante examine le préambule de la constitution, les partis d’opposition contestent plus que jamais la gestion des affaires et la mainmise de la « troika » (comme on appelle cette coalition) sur la future loi fondamentale ainsi que l’absence de calendrier constitutionnel précis. Ahmed Khaskhoussi, député à la Constituante d’un parti de gauche est en grève de la faim depuis début octobre 2012 pour protester contre « la marginalisation des députés de l’opposition au sein de l’Assemblée. »

Déception sur le front de l’emploi
En cause également la gestion répressive par les autorités de la contestation dans les régions les plus déshéritées, comme Sidi Bouzid ou plus récemment Gabès où un couvre feu a été mis en place. "Les citoyens attendent les fruits de la révolution, en matière d’emploi et de développement, or ils ont été brutalisés et arrêtés.
Les révoltes qui éclatent dans les régions de l’intérieur montrent que l’emploi, des jeunes surtout, et les déséquilibre régionaux restent des problèmes réels, même s’il était difficile de s’attendre à un changement radical après la Révolution sur ces dossiers qui nécessitent des réformes structurelles", admet Hakim Ben Hammouda, conseiller spécial du président de la Banque africaine de développement. "L’agenda politique pèse de tous son poids sur la situation économique" ajoute-il.

Insécurité et incertitude
Les tensions sécuritaires de ces derniers mois et notamment les violences lors de l’attaque de l’ambassade américaine qui ont fait quatre morts le 14 septembre dernier ont eu des effets immédiats sur le tourisme qui représentent 7 % du PIB tunisien. Selon les derniers chiffres disponibles, les touristes français ont été près de 30 % moins nombreux au cours des dix premiers jours d’octobre par rapport à l’an dernier, 56 % moins nombreux si l’on se réfère à 2010.
Les questions liées à l’insécurité et à l’incertitude institutionnelle taraudent aussi les investisseurs étrangers. Ce cadre d’une entreprise française qui emploie 2000 personnes en Tunisie témoigne : « Politiquement on ne sait pas où l’on va, l’insécurité est pesante. Du coup l’entreprise préfère assurer ses arrières au Maroc pour se replier au cas où la situation deviendrait trop mauvaise ici… »

Mauvais chiffres
Les chiffres clés de l’économie tunisienne sont par ailleurs plutôt mauvais: un déficit public de 6,6 % officiellement mais évalué en fait un point au dessus, une inflation de 5,7% en juillet 2012 et une balance commerciale en déficit croissant -portant à moins de trois mois d’importations les réserves extérieures. Parallèlement les perspectives de croissance pour 2013 à 4,5 % sont jugées peu réalistes. « L’espoir était que la situation se stabilise en 2012 pour permettre la relance l’année suivante, ce ne sera pas le cas", juge Hakim Ben Hammmouda. Pourtant celui-ci tient à souligner un des acquis positif de la Révolution, essentiel pour l’économie tunisienne : "l’environnement de corruption et de malversations du pays n’est plus. On constate une forte amélioration de la gouvernance économique et de la transparence et ceci a des effets importants sur les performances économiques tunisiennes".