Le gouvernement, les taxis : qui veut la peau des Voitures de Tourisme avec Chauffeur (VTC) ?

Les taxis déclarent avoir obtenu du Gouvernement la garantie d'une limitation des conditions d'exercice des Voitures de Tourisme avec Chauffeur (VTC). Le projet de loi relatif à la consommation contraindrait ces VTC à respecter un délai minimal de 15 minutes entre la commande et la prise en charge passager.

Le Gouvernement, sous la pression des taxis, proposerait ainsi une disposition dont visiblement les conséquences n’ont pas été bien mesurées. Car côté VTC ces 15 minutes pourraient être mortelles.

Le 27 Juin 2013, les taxis devaient se mobiliser pour immobiliser Paris. La raison : la concurrence des Voitures de Tourisme avec Chauffeurs, les fameux « VTC ». Finalement, l’intersyndicale a décidé de suspendre le mouvement, annonçant qu’elle avait obtenu du Gouvernement la garantie d’une limitation des conditions d’exercice des VTC.

Le contraire serait étonnant : on sait depuis le rapport Attali que “ce que les Syndicats de taxi veulent, le Gouvernement veut aussi”. En janvier 2013, ils avaient déjà obtenu l’essentiel : qu’on ne touche pas au “transport de malades conventionné”, qu’importe si dans tous les autres pays européens, les transports de malades sont soumis à la concurrence. En France, on aime cultiver l’exception.

Avant les smartphones, les VTC, en raison de leur prix, étaient principalement l’apanage des personnes fortunées. Acteurs de cinémas ou dirigeants d’entreprise les réservaient à la journée ou pour un transfert simple. Un Paris - Aéroport Charles de Gaulle pouvait coûter entre 150 et 200 Euros.
De plus, de nombreuses règles s’appliquent aux VTC : permis chauffeur spécifique, caractéristiques des véhicules et surtout interdiction de la maraude. On ne racole pas ! C’est-à-dire qu’on ne prend pas de passager à la volée. Il faut au préalable avoir reçu une commande. Recevoir et traiter une commande prend du temps et fait grimper les prix. Jusque-là donc, les taxis n’en avaient rien à faire des VTC !

La technologie a changé la donne

Certes l’environnement réglementaire reste identique. Mais grâce aux téléphones mobiles, le délai entre commande et satisfaction de la commande ne cesse de se réduire. Avec les applications pour commander des voitures avec chauffeurs via géolocalisation, il est désormais possible d’obtenir un véhicule en quelques minutes où que l’on soit. La technologie permet donc de considérablement améliorer la productivité. Comme ces voitures réalisent désormais beaucoup de courses par jour, les tarifs sont devenus compétitifs avec ceux des taxis. Cela s’appelle le progrès.
En janvier dernier, les taxis avaient obtenu des concessions importantes de la part des VTC.

A ce moment-là, nous étions d’accord.

D’accord sur le fait de sanctionner les clandestins avec lesquels nous n’avons rien en commun. D’accord sur l’existence d’une formation qualifiante pour les chauffeurs de VTC.
D’accord sur une augmentation draconienne des sanctions à qui ne respecte pas ses obligations: être titulaire des autorisations règlementaires, ne pas stationner dans les aéroports sans commande, type et taille des véhicules…
Ce n’était pas assez.

Voilà que les taxis affirment avoir obtenu l’obligation des VTC de respecter un délai minimal de 15 minutes entre la commande et la prise en charge passager ! La menace de bloquer semble avoir fait monter la barre. Sous la pression des syndicats, le Gouvernement est prêt à introduire un amendement dans le projet de loi sur la consommation présenté par Pierre Moscovici. Ce projet parle de « conditions de concurrence ». « Concurrence », vous avez dit concurrence ? Elle semble impossible. Ou alors, elle s’accompagne nécessairement de l’adjectif “déloyale”, car dans le monde du taxi, toute concurrence est déloyale.

A première vue, il s’agit d’un tout petit grain de sable

Mais enfin, une loi pourrait donc définir la durée précise en minutes pendant laquelle je ne suis pas en mesure de servir mes clients ? D’où vient cette valeur de 15 minutes ? Est-ce le travail du Parlement ? Les députés ont-ils en charge ce type d’interventions chirurgicales au beau milieu d’activités économiques en pleine expansion ?

Côté VTC, ce délai détruit la proposition de valeur

Pour ce qui nous concerne, le temps moyen de prise en charge est de 10 minutes, avec plus de la moitié des demandes satisfaites en un temps inférieur. Cette disposition ubuesque – les 15 minutes - ne va certainement pas faire la une des journaux. Pourtant, elle peut contraindre plusieurs entreprises à arrêter leur activité et produire plusieurs centaines (milliers en potentiel) chômeurs additionnels. Elle n’a aucun intérêt économique pour quiconque et ne vise à rien d’autre que la satisfaction d’un lobby qui a décidé coûte que coûte de retarder la progression des VTCs et de la réservation sur mobile.

Le Gouvernement, sous la pression des taxis, propose une disposition dont visiblement les conséquences n’ont pas été bien mesurées. Car pour une industrie en plein renouveau, ces quinze minutes sont mortelles.