Secret des affaires : un risque de devenir des puissances de seconde zone

Les révélations de l’affaire Snowden nous rappellent utilement que depuis toujours l’absence de morale confortée par un cynisme absolu est une pratique courante des grandes puissances.

Imposant l’application de règles contraignantes aux autres dont elles s’exonèrent sans vergogne pour conforter leur pouvoir, l’histoire nous apprend qu’elles utilisent toutes les facettes de leur suprématie technique, militaire ou politique.
Ce comportement hégémonique a pris au XXIème siècle une autre dimension par le croisement de la mondialisation et des nouvelles technologies. Les exigences et des contraintes de la multi polarisation, émergente sur notre planète depuis la disparition de la confrontation Est-Ouest, impliquent d’en comprendre l’évolution, les attentes et les objectifs au niveau des groupes d’États et des populations concernées. La circulation d’informations dans tous les domaines et à tous les niveaux permettent à ceux qui la contrôlent de se créer un avantage concurrentiel permanent qui fausse l’équilibre des échanges à leur profit exclusif. Originellement focalisé sur le politique et le militaire, l’espionnage et la recherche du renseignement sont devenus prioritairement économiques dans un environnement où l’on remplace les destructions et les morts par  les faillites et les chômeurs.
Dans une vision messianique, dont la finalité justifie les moyens mis en œuvre, le dominant a pour objectif exclusif  la préservation de se position planétaire et le bonheur de ses ressortissants.
Dans ce cadre, ceux qui n’ont pas les moyens de l’hyper puissance se retrouvent désarmés. Leurs secrets technologiques ou autres ne peuvent être préservés face à ceux qui se donnent tous les moyens de les acquérir par la force, la ruse, l’argent ou le vol.
Nos pays, qui n’ont pas vocation à devenir des puissances de seconde zone, doivent  donc mettre en place des systèmes de protection en abandonnant toute naïveté sur le comportement de nos amis traditionnels et des autres. Ils n’empêcheront pas les actions d’intrusion ou d’interception menées généralement depuis un territoire étranger dont ils pourront difficilement  faire condamner les auteurs. Par contre ils doivent rendre leurs actions plus difficiles par le développement de mesures de sécurité, la création d’un esprit de défense économique et des lois permettant de poursuivre les auteurs en dépit des protections dont ils bénéficient chez eux.
Assurer la pérennité de nos entreprises implique de protéger leurs secrets contre les prédateurs en tous genres et passer du  monde de la sécurité physique ou matérielle à celui de la sureté en y incluant le patrimoine immatériel. Encore faut il définir très exactement ce qui est réellement secret, car essentiel à la survie d’une société, pour éviter une interprétation  trop globalisée qui en diminue l’impact et rend difficile l’évidence de la preuve.
Les process, les savoir-faire, les recettes, les brevets ou les plans d’actions sont vitaux pour ceux qui les détiennent. Nos lois, conçues à une époque où l’internet, les interceptions et les piratages informatiques n’existaient pas,  doivent être relues et adaptées si nécessaire aux nouvelles réalités. Nos magistrats doivent être sensibilisés à ces nouvelles pratiques criminelles qui rapportent beaucoup pour un risque très réduit et des sanctions quasiment nulles.  
La loi sur le secret des affaires, dont on nous annonce le vote, et la publication, sera un progrès réel mais soyons réalistes : en dépit d’une mise en œuvre rigoureuse sur le territoire national elle n’aura guère d’impact sur les acteurs internationaux. Les principaux auteurs des attaques ont bien l’intention de ne rien changer à leurs pratiques au delà de quelques gesticulations destinées à endormir le tout venant.
C’est pourquoi seule une loi européenne réellement appliquée dans tous les pays pourra changer la situation actuelle. La Commission, le Parlement européen et les chefs des principaux états ont un rôle à jouer dans les plus brefs délais pour réagir et la mettre en place et rendre ainsi plus difficile l’accès aux informations stratégiques de ce qui est encore  le premier marché économique du monde.

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L'Académie de l'Intelligence Economique organise, en partenariat avec le JDN, la Journée nationale d’Intelligence Economique d’Entreprise qui se tiendra à l’École Polytechnique à Palaiseau, le mercredi 4 décembre 2013.