Airbnb ou comment "ubériser" le tourisme sans douleur

Retour sur l'impact de la plateforme Airbnb sur l'hôtellerie. Devons-nous purement et simplement combattre ce type de plateforme ou bien nous adapter ?

J’aime bien cette définition de Maurice Lévy, le Président de Publicis : "L’ubérisation, c’est lorsque l’on se réveille un matin et que l’on s’aperçoit que son métier traditionnel a disparu". La question posée est effectivement : Airbnb et les sites similaires sont-ils en voie de tuer l’hôtellerie traditionnelle ? Doit-on les combattre ? 

Personne ne peut sérieusement soutenir que l’on va dresser des barrières infranchissables contre Airbnb, Uber, Amazon, etc. Les cochers qui conduisaient les diligences n’ont pas gagné contre le train ni les canuts de Lyon. Il y a aussi des réalités économiques :

- N'est-il pas pertinent qu'un appartement vide soit occupé ?
- N'est-il pas utile au touriste de pouvoir choisir entre l'hôtel traditionnel et Airbnb ?
- Le touriste, venant plus facilement, va dépenser, consommer (restaurants, commerçants, transports...)
- Uber et ses confrères ont procuré du travail à de nombreux jeunes sans emploi et ont profité du conservatisme et du malthusianisme de beaucoup de chauffeurs de taxi ou de sociétés de taxi. 

Il s’agit alors d’examiner la question sous trois angles différents :
- Fiscal
- La production de nuisances.

Sur la fiscalité

Le sujet en débat est l’égalisation des conditions fiscales vis-à-vis des hôteliers. L’hôtelier, en fait, offre trois services : un logement, l’entretien et les fournitures, enfin, souvent, les repas et les boissons. Le particulier loueur occasionnel va offrir la première prestation et éventuellement la seconde. La contestation porte sur les impôts à la fois sur les immobilisations (logement, prestations) sur le travail (nettoyage, mise en place, etc…) et sur la valeur ajoutée dégagée par l’ensemble. 

Le sujet de la pénurie de logements ou du détournement de logements de leur fonction première avancée par certaines municipalités est tout autre et largement artificiel. Ce sujet ne peut être traité que par le rétablissement de l’offre et donc de nouvelles constructions pour peu que l’on rende les projets attractifs et que l’on cesse de matraquer les propriétaires sur les plans juridiques et fiscaux. 

A ce jour, dans une nouvelle instruction fiscale, Bercy a donné des précisions. Cette instruction précise les conditions d’imposition. On va donc exclure les revenus tirés de la "co-consommation" (on va par exemple exclure le co-voiturage). Par contre, la location de son appartement ou de sa voiture est imposable. Les sites collaboratifs doivent donner aux usagers les règles et leur adresser un relevé annuel des sommes perçues. L’imposition est ensuite calculée selon les règles générales et les situations (Micro BIC, Micro foncier, etc…). Donc très clairement, les revenus d’Airbnb doivent être déclarés. La location d’une résidence principale ou secondaire est citée explicitement dans l’instruction comme devant être déclarée. Une mesure d’équité vis-à-vis des hôteliers même si les particuliers bénéficient d’un abattement dans le cadre du régime du Micro BIC. 

Sur l'aspect juridique


Par ailleurs, certains élus veulent d’abord imposer aux particuliers d’obtenir en mairie un permis ("autorisation de louer") que les sites devront afficher. Une manière pour les collectivités de contrôler a priori le respect des règles locales. Paris veut imposer aux Airbnb et consorts de bloquer les loueurs qui dérapent, en particulier les propriétaires résidents qui dépassent quatre mois de location. Anne Hidalgo a déjà obtenu fin mars 2016 d’Airbnb qu’il envoie à titre expérimental un courriel d’avertissement mais la mesure n’est pas coercitive. 

Pour prendre les fraudeurs en tenaille, la Mairie a également renforcé son commando de 25 inspecteurs qui mèneront des opérations coup de poing mensuelles dans les arrondissements en tension comme le Marais. Anne Hidalgo a déclaré : "J’ai pour priorité de permettre aux Parisiens de se loger dans des conditions acceptables, mais aussi de soutenir l’économie locale, en particulier le secteur hôtelier." [1] 

On estime à 45 000 le nombre de logements à Paris loués selon la formule Airbnb (chiffre nécessairement imprécis).

S'agissant des nuisances


- Le bruit : certains utilisateurs vont considérer qu’un séjour à Paris ou ailleurs est l’occasion avec des amis de "faire une fête" sans égard pour les voisins : entrées et sorties tardives et bruyantes, musique, chants, etc. Ce point n’est pas facile à contrôler, sauf à ce que ce soit la copropriété qui réagisse. Pourquoi ne pas prévoir des sanctions possibles de la copropriété sur décision du conseil syndical, par exemple, qui irait de l’avertissement à l’interdiction ? La mobilisation de cette dernière donnant lieu à paiement au profit de la copropriété. 

- Le sujet suivant concerne la sécurité. Le copropriétaire qui va largement distribuer le ou les codes, digiclés, etc., atteinte bien évidemment à la sécurité des copropriétaires. Pourquoi ne pas prévoir que la copropriété ait le pouvoir d’interdire la location saisonnière si l’immeuble n’est pas muni (au besoin aux frais du demandeur) d’un système d’accès à sécurité renforcée (par exemple codes provisoires) ?

Il ne parait pas envisageable de lancer une interdiction d’Airbnb ou de créer des conditions d’étouffement des candidats à ce type de locations. En revanche, il est indispensable :

- De rendre la compétition vis-à-vis des hôteliers fiscalement équitable
- De rendre possible au niveau des copropriétés des moyens de lutte efficaces contre les nuisances (bruit, insécurité).

[1] Les Echos, 19/05/2016