Immobilier d’entreprise : à quand une fiscalité cohérente ?

Recentrer la fiscalité sur l’immobilier ! C’est le sens premier de la mutation de l’ISF vers l’IFI. En ligne de mire, l’improductivité supposée de l’immobilier qui n’apporterait qu’une contribution modeste à la croissance française. Lorsque l’on sait qu’en 2016, les activités de ce secteur représentaient 18% de la valeur ajoutée de l’économie, on doute de la cohérence d’une telle mesure. Les contribuables grognent mais les premiers à en souffrir sont encore les professionnels.

Support indispensable de toute activité productive, l’immobilier industriel et logistique est injustement considéré par le fisc français, au mieux comme une simple rente profitable aux propriétaires, au pire comme une véritable poule aux œufs d’or. Selon un récent classement de la Commission des Finances, la France serait en effet le deuxième pays le plus lourdement taxé sur l’immobilier (3,3% de son PIB) loin devant les Etats-Unis (2,6%) et surtout son voisin allemand (0,8%). Pour preuve, entre 2015 et 2016, les prélèvements sur le patrimoine immobilier se sont accrus de 3,6%, contre 1% pour les prélèvements obligatoires. Nous sommes bien loin du désert fiscal ! Bien au contraire, l’immobilier d’entreprise est soumis à une superposition de taxes. A titre d’exemple, en 2010, le secteur était soumis à 19 taxes. En 2017, on en compte au moins 5 de plus avec un durcissement des règles applicables à certaines d’entre-elles, telles que la Taxe annuelle sur la création de bureaux, locaux commerciaux et les locaux de stockage (TCB) et la Taxe sur les Surfaces Commerciales… Une lourdeur qui impacte fortement la dynamique économique, notamment sur le secteur logistique.

L’étouffement fiscal au cœur de la stratégie économique

En parallèle, on constate une augmentation croissante des montants des taxes qui, cumulés, peuvent atteindre jusqu’à 50% du coût du loyer, hors charges. Dans un secteur porté par l’offre locative, le poids des taxes et de la situation foncière n’en sont que d’autant plus handicapants pour les opérations à venir. Non seulement cette instabilité inquiète les Business Angels, mais le durcissement des règles ne fait que retarder les investissements, voire les bloque complètement. Les investisseurs n’achètent plus et les locataires, eux, rechignent de plus en plus à changer d’entrepôts, faute de locaux adaptés disponibles, et dont la production est freinée par les surcoûts fiscaux. Certaines entreprises sautent même le pas de la délocalisation, préférant s’installer dans les pays étrangers, tels que l’Allemagne et l’Espagne, plus favorables à l’activité. Somme toute, la conséquence est simple : immobilisme et fuite des investissements.

Comment redresser la situation ? Simplifier et stabiliser.

L’empilement des taxes est une préoccupation de longue date qui a d’ores et déjà généré de nombreux débats. Aussi, la revendication ne vise pas seulement à demander un allègement fiscal au gouvernement, qui a d’ailleurs tenté des ajustements dans le cadre du Choc de Simplification, mais de clarifier et stabiliser le mille-feuille financier pour aboutir à plus de cohérence. A l’image de l’adoption récente du nouveau cadre fiscal pour le remembrement de parcelles, différents leviers pourraient être évoqués pour l’aménagement du territoire. Pour sortir des interprétations aléatoires voire, arbitraires, pourquoi ne pas clarifier définitivement le régime fiscal des entrepôts en tant que bâtiments commerciaux ? Pourquoi ne pas s’inspirer des propositions de l’Avocate fiscaliste Christine Daric, Avocate associée au sein du Cabinet Franklin, et diviser la Taxe pour création de locaux commerciaux et bureaux (RCB) en 4 circonscriptions ? Cela permettrait d’orienter plus efficacement les investissements. Décaler le paiement de cette taxe, au moment du début des travaux et non au moment du dépôt du permis de construire, pourrait également permettre aux investisseurs de lisser leurs dépenses. Enfin, que faire pour soutenir les opérations innovantes ? Pourquoi ne pas offrir un cadre privilégié aux bâtiments présentant des performances énergétiques remarquables ?

N’en déplaise aux nouveaux économistes friands d’économie numérique, l’immobilier est un secteur structurant, véritable socle et poumon des investissements sur le sol français. Portés ces derniers mois par les vents favorables d’une demande forte et des signaux de renouveau politique propices au business, les investisseurs en immobilier logistique ont depuis le printemps redonné rendez-vous à la France après une pesante accalmie. Prendre le risque de les détourner de cette branche ne donnerait-il pas tout simplement le coup de grâce à la productivité française ?