La nouvelle route de la soie, menace ou opportunité ?

Fortement soutenue par le Président Xi Jinping, "l’initiative innovante de la nouvelle route de la soie est probablement, avec la chute du mur de Berlin, l’événement géopolitique le plus important depuis la seconde guerre mondiale", selon le professeur Haour.

    

A l’occasion de la réunion de l’Alumni Alliance, club des clubs d’anciens élèves des grandes écoles étrangères, le professeur Georges Haour a partagé ses convictions sur l’innovation en Chine et la nouvelle route de la soie (NRS), rassemblées dans son dernier livre Created in China-how China is becoming a global innovator (éditions Bloomsbury).

L’Occident sous-estime la capacité d‘innovation de la Chine

"Les Occidentaux font un immense contre-sens dans leur lecture de la Chine car ils regardent les mauvais indicateurs", lance le professeur. La Chine n’est pas considérée comme particulièrement innovante car son investissement en R&D, à 2% de son PIB, ne dépasse pas la moyenne des pays européens. L’Occident n’est pas davantage impressionné par le gigantesque nombre de brevets déposés chaque année en Chine, 250 000 en 2017, car leur valeur est discutable. Aujourd’hui la politique est à la qualité plus qu’au nombre. "Dans dix ans, la Chine sera considérée comme un grand acteur mondial de l’innovation", assure Georges Haour.

Des conceptions différentes de l’innovation

Les Chinois copient en améliorant et tirent de la fierté en recopiant les idéogrammes du Maître et en les améliorant. Leurs entrepreneurs ont un talent unique pour faire passer des entreprises de 500 employés à 25 000 en deux ans. Certaines firmes  pourtant ne produisent rien mais profitent des innovations réalisées par leurs sous-traitants, tel Xiaomi la grande entreprise de portables… qui n’en fabrique pas. A Shenzhen, vous pouvez obtenir n’importe quel composant à une vitesse incroyable et à un prix imbattable.

"A Shanghai, WeChat est devenu un lifestyle", souligne Thérèse Vien, Présidente de l’American University Clubs. Pour déjeuner, ses collègues n’emportent plus de gros sac à mains comme elle mais seulement leur portable qui contient tout et leur sert de moyen de paiement.

Aujourd’hui devenus numéro un dans la vente en ligne, les Chinois sont devenus numéro un de la fintech, de la banque en ligne. Grâce à Tencent, plus de quatre cent millions de chinois paient avec WeChat chaque jour.

Deux tiers des cadres étrangers actifs en Chine, déclarent que leurs concurrents chinois sont plus innovants que leurs entreprises occidentales. Chaque année, 400 000 cerveaux partent étudier à l’étranger et 400 000 en reviennent bien diplômés. La fille du Président Xi Jinping, par exemple, a été à Harvard. Ces jeunes  sont appelés les "Tortugas", les tortues sur lesquelles mise le gouvernement chinois pour pondre  des innovations.

La nouvelle route de la soie, menace ou opportunité ?

Il ne fait pas de doutes qu’en lançant l’initiative de la nouvelle route de la soie, le gouvernement chinois cherche à tirer un avantage supérieur qui renforce la puissance de la Chine.

La voie maritime prend trente jours de Shanghai à Marseille. Demain, cinq jours suffiront pour aller de Xian à Duisbourg par le train.

Cette nouvelle voie permettra d’écouler la surproduction chinoise d’acier et présente bien d’autres avantages, à commencer par le renforcement de l’influence économique de la Chine dans les pays dont elle finance les infrastructures. La Chine investit déjà au Laos plus que n’investit l’Etat du Laos tout entier, dans la ligne à grande vitesse. Au Pakistan, la Chine envisage d’investir 45 milliards de dollars US d’ici dix ans.

L’initiative de la NRS couvre 65 pays, de manière diffuse et ouverte

Dans les pays où elle investit massivement, la Chine demande la reconnaissance du Yen comme monnaie internationale. Le plan Marshall avait fait de même, avec succès, pour le dollar.

Avec la NRS, l’ambition est aussi de "vendre l’amour de la culture chinoise", pour étendre son influence.

Enfin, la NRS devrait permettre de développer la partie occidentale de la Chine, qui vit encore comme au moyen-âge et reste turbulente.

Réveillons nous !

La Chine met d’énormes moyens au service de son ambition et l’Occident aurait tort de s’appesantir sur ses fragilités. L’endettement des provinces, la bulle immobilière et l’écologie sont des fragilités réelles mais elles ne doivent pas être une excuse pour ne rien faire, martèle le Professeur. En comparaison de la Chine, "les Etats-Unis dorment et l’Europe est dans le coma".

L’UE est la cible de la route de la soie, l’Allemagne en premier lieu. L’Europe a une carte à jouer car elle a tout pour réussir… si elle se réveille.