L’autopartage a-t-il encore un avenir ?

Après la déconvenue du groupe Bolloré, l'autopartage, qui a fait ses preuves ailleurs en Europe, devra se transformer.

Le sort d’Autolib’ est désormais scellé. Plombé par un déficit de 230 millions d’euros, le service d’autopartage, qui s’apprêtait à célébrer ses 7 ans, semble s’être heurté tant à la réalité des usages (davantage en substitution aux transports en commun qu’à la voiture individuelle) qu’à une concurrence toujours plus féroce et innovante (VTC, scooters en libre-service…). 

Il est primordial de nuancer cet échec parisien en rappelant que le marché de l’autopartage est jeune, et a été très rapidement bouleversé ! En effet, si les services d’autopartage fonctionnant "en boucle" (voitures empruntées et remises sur une même station) ont fait leurs preuves, le modèle économique dit "en trace directe"  (Vélib’, Autolib’…) n’est pas parvenu, quant à lui, à les faire. C’est d’ailleurs au prix d’importantes garanties que la couverture des pertes financières, déjà prévisibles à l’époque de l’appel d’offres lancé par le syndicat mixte Autolib’, que les quelques candidats, par ailleurs peu issus du secteur automobile, avaient été convaincus de se lancer dans l’aventure…

Le service devra se transformer     
Pourtant, partout ailleurs en Europe, le secteur est déjà bien plus mûr. Et ce sont bien les constructeurs automobiles qui en prennent le leadership ! PSA et Renault en Espagne ou encore Daimler et BMW en Allemagne avec la fusion de Car2Go et DriveNow, véritables succès affichant au total près de 400 000 utilisateurs. La nouvelle entité créée s’assure ainsi une position de leader sur le marché de l’autopartage, avec une présence dans de nombreuses villes européennes, aux États-Unis, et en Chine. De quoi faire réagir Paris et Anne Hidalgo, décidés à envisager "l’après-Autolib" et réunissant, enfin, autour de la table, mi-juin, PSA, Renault, Daimler et Europcar via sa filiale Ubeequo…

Et pour cause, le modèle développé par le groupe Bolloré avec Autolib’ était lourd: des batteries aux véhicules en passant par les bornes de recharge et le SI, tout était à la gestion de l’industriel. Un tel schéma de délégation de service public, nécessitait des contrats complexes, des investissements conséquents et un blocage du marché pour au moins une dizaine d’années. Rien de quoi enthousiasmer et convaincre les villes. Ainsi, un modèle émerge partout dans le monde : celui du "free floating électrique". Paris en a notamment été témoin avec les scooters, les vélos, ou encore les trottinettes. Mais si ce service présente bien des atouts, il demeure pourtant des problématiques cruciales à résoudre pour optimiser son déploiement dans nos centres urbains.

Place au "free floating"

Tout d’abord, la question du stationnement. En échange du versement par l’opérateur d’une redevance d’occupation de l’espace public, le stationnement de ces véhicules partagés devrait, de mon point de vue, être inclus dans le prix du service. Pour amortir cette redevance, l’opérateur pourrait alors envisager une diversification de son offre et de ses revenus : utilisation des données collectées, vente d’espaces publicitaires dans les véhicules…

Ensuite, la question technique. Il est aujourd’hui indispensable aux opérateurs de disposer d’un tableau de bord leur permettant de suivre en temps réel le niveau de la batterie et l'état des véhicules. Cela implique certes des voitures 100% connectées, mais pour une meilleure anticipation de leur maintenance et nettoyage, la question de la propreté ayant été l’un des problèmes majeurs rencontrés par Autolib’.

Le défi de la recharge

Enfin, un "free floating électrique" performant impose à l’opérateur d'assurer la charge des voitures. Car, si les flottes de scooters électriques en "free floating" peuvent se permettre les services de "battery swappers", qui viennent chaque nuit remplacer les batteries vides par des neuves, cela n’est pas envisageable avec des batteries de plus de 6kg pour un véhicule standard. La recharge devra donc se faire via un centre de recharge, ou bien via un centre de changement de batteries (exemple du chinois Nio).

Avec 4 500 bornes de recharges désormais déployées dans la capitale et sa banlieue, à n’en pas douter, et malgré un échec en demi-teinte, Autolib’ a plus que jamais permis à Paris de basculer dans l’ère de la mobilité électrique. Un patrimoine important donc qui, moyennant quelques modernisations impératives, pourrait permettre à tout un écosystème de mobilité électrique de vivre et de croître, des trottinettes aux moto-taxis, et de faire resurgir bientôt, sous un modèle économiquement plus vertueux, un autopartage nouveau et durable.