Banques : quand les données nous sont données

Aujourd'hui, il est nécessaire de repenser et de reconstruire fondamentalement les modèles économiques et les structures opérationnelles des banques, en plaçant les données au cœur de chacune d’elles.

Avant l'apparition de la monnaie, la valeur était échangée et créée par le biais de nœuds comportant un nombre restreint de participants et d'interactions, avec peu de connexions entre ces derniers. Ces modèles décentralisés n'exigeaient qu'un échange limité de données. Ils ont été remplacés par des modèles centralisés, à mesure que les interactions financières se mêlaient aux instruments du gouvernement (par exemple, les services fiscaux, les banques centrales, les autorités fiscales...), qui régulaient l'intermédiation financière. Aujourd'hui, nous assistons à l'émergence d'un "modèle distribué", dans lequel les gouvernements pilotent un cadre qui permet aux acteurs économiques de choisir les modalités de transfert de valeur à partir d'une série d'options concurrentes en exploitant les innovations technologiques telles que les API et la blockchain. Dans ce "modèle distribué", les consommateurs et les plateformes sont les nœuds du réseau ; ils sont connectés au moyen d’API pour accéder, échanger et représenter graphiquement les flux de données.

Trois "mégatendances"

Dans cette économie digitale, les banques ont accès à énormément de données, mais avec une vision parcellaire des activités et des besoins de leurs clients. Alors que l'impact de la digitalisation sur d’autres industries est établi depuis plusieurs années, en 2018, il devient enfin visible dans le secteur bancaire. Trois "mégatendances" indiquent déjà la voie à suivre pour répondre aux besoins des clients et donner des orientations sur les changements à entreprendre.

La première est la digitalisation accélérée des services. Ces services exploitent l'innovation technologique pour offrir plus de rapidité, de choix et de simplicité aux utilisateurs. À mesure que les services sont fournis sous format digital, une série de flux de données plus diversifiée est générée, tandis que les services bancaires sont relégués au second plan. Cela signifie que les banques courent le risque de perdre le contrôle et la visibilité des données de leurs clients ainsi que de la relation qu’ils entretiennent avec eux.

Après avoir réduit les marges et renversé des modèles économiques, la digitalisation des services se répercute désormais directement sur les banques, notamment par un appui réglementaire à "l’open banking", notre deuxième "mégatendance" de 2018. Avec l'entrée en vigueur de la deuxième Directive européenne sur les services de paiement (DSP2), les législateurs encouragent la concurrence des fintechs, tout en facilitant l'entrée de nouveaux acteurs dans des domaines tels que la gestion du patrimoine et le crédit. En débloquant de nouvelles formes de concurrence et en décentralisant les données, le nouveau cadre permet aux entreprises d'apporter de la valeur ajoutée au consommateur, forçant ainsi les banques à s'adapter.

La troisième "mégatendance" de 2018 est portée par l'augmentation du volume, de la diversité et de la mobilité des flux de données dans l'économie numérique. Elle est également appuyée par des réformes réglementaires qui reflètent l'importance des données dans l'échange et la déclaration de la valeur financière. Le règlement général de l'UE sur la protection des données, par exemple, ne régit pas seulement la manière dont les entreprises stockent et utilisent les données, mais il offre également aux consommateurs la possibilité de monétiser leurs actifs numériques par le biais de nouveaux droits.

Les banques mal équipées pour exploiter les données ?

Pendant des décennies, les banques ont eu un accès privilégié aux données du client, mais leurs structures cloisonnées ont souvent entravé leurs perspectives. Bien que la digitalisation des services ait généré un trésor de données, les banques sont mal équipées pour l’exploiter. Peu d'entre elles disposent de l'infrastructure nécessaire pour recueillir, stocker et analyser efficacement les données sur les transactions, qui ne concernent d’ailleurs qu’une part fragmentée de l'activité des clients.

Il existe pourtant une alternative pour les banques déterminées à évoluer. Des approches basées sur des plateformes sont adoptées par les opérateurs en réponse aux bouleversements numérique. Bien que les modèles varient, tous essayent de combiner les ressources et les relations et exploiter les données pour développer des services. En consolidant les données de plusieurs partenaires avec des informations sur les transactions, les banques peuvent fournir une vision et une valeur ajoutée réelle, dont la rétribution prend la forme de redevance et de frais de transaction. À cette fin, les banques doivent non seulement réévaluer leurs capacités de gestion, de regroupement et d'analyse des données, mais aussi tisser de nouvelles relations et créer de nouvelles propositions de valeur.

Le rythme des changements réglementaires dans le secteur financier a peut-être ralenti, mais 2018 ne marque pas pour autant le retour à la normale. 2009 n'a pas seulement été l'année de la crise financière : elle a également marqué le début de l'ère de la transformation numérique. Les banques savent depuis longtemps qu'une bonne gestion des données est essentielle à l'efficacité opérationnelle grâce à une plus grande automatisation. Cette bonne gestion permet également d'optimiser la défense contre la criminalité financière. Les marchés de la transmission de données - animés par une synergie d'innovations - représentent un tournant encore plus décisif. 2018 est peut-être l'année la plus critique pour les banques.