La Smart City au cœur du nouveau contrat social

La ville intelligente jouera un rôle fondamental dans la rénovation du vivre ensemble et de la démocratie participative. Cependant, la réflexion de fond sur le sens que les pouvoirs publics souhaitent lui donner reste à engager.

L’intelligence artificielle et la robotique modifient déjà profondément les interactions au sein des espaces urbains. Si la ville est en train de devenir plus intelligente, plus durable, plus démocratique, cette disruption suscite aussi légitimement des inquiétudes chez les décideurs publics, aux vues des défis qui se posent. Sans modalités de régulation structurées et portées par l’Etat, la course à la numérisation des services publics risque de creuser les inégalités territoriales : les logiques d’économie d’échelle concentrent en effet dans les métropoles les projets de villes intelligentes. A leurs périphéries, un grand nombre de communes se dote plus difficilement d’une politique de ville intelligente, que ce soit dans l’organisation des mobilités ou dans la qualité des services urbains.

Autre écueil à éviter : partir des solutions et déployer des outils sans avoir sondé assez finement les attentes des usagers. La solution technique ne signifie pas l’acceptabilité sociale : certains projets smart ne parviennent pas à se faire adopter par les citadins. Le point essentiel tient dans cet énoncé : la ville intelligente doit avant tout répondre aux besoins des usagers.

La transition numérique des territoires est un fantastique tremplin pour la modernisation des services publics au profit de la qualité de vie des citoyens. A condition de ne pas focaliser le débat sur les éléments techniques : nos principes démocratiques fondamentaux doivent guider nos réflexions. Il s’agit pour le privé et le public de faire émerger ensemble un cadre, un contrat social de la donnée et de la numérisation des services afin de remettre la devise républicaine au cœur des projets de villes de demain.

Liberté

Qu’il s’agisse de liberté de penser, d’agir ou de se déplacer, la technologie doit garantir au citoyen un espace sécurisé au sein duquel évoluer. L’usager de la ville intelligente consent à céder des données personnelles anonymisées (son identité numérique) à la condition que leur sécurité soit assurée. Le principe de précaution et l’éthique doivent être au cœur de toutes les démarches de partage et de traitement de données. La ville n’est ni une procédure, ni une technologie, c’est une société, donc un système où la confiance est le liant social.

Egalité

Les technologies peuvent approfondir les inégalités territoriales et sociétales si elles sont implémentées sans souci d’égalité. La diffusion du smartphone et d'Internet, en rendant l’information immédiate, disponible pour tous et quasiment gratuite, a été un incroyable accélérateur d’égalité. Mais certains espaces, les villes moyennes ou les territoires ruraux, restent confrontés à un risque de fracture numérique. Les mesures du gouvernement en faveur du déploiement du haut débit dans les territoires viennent partiellement remédier à ce risque. Il faut poursuivre ce mouvement pour assurer une équité territoriale face aux technologies de la donnée, et ce, par des investissements en mesure d’équilibrer les chances des territoires.

Fraternité

La pierre angulaire de la ville intelligente repose sur l’économie du partage et la production de décision collective. Les centres de co-working ou le co-living sont les témoins de la réinvention de la ville et du social à travers la multiplication des espaces partagés. Cette révolution des espaces doit maintenant s’étendre à l’hôtellerie, au foncier privé, aux hôpitaux, gares, locaux administratifs, et autres lieux publics.

La ville intelligente est un fantastique vecteur qui nous ramène vers les valeurs de notre société. C’est cette motivation supérieure qui devra guider les pionniers de la ville intelligente. Et si on venait à l’oublier, les frontons de nos mairies sont là pour nous le rappeler ! Il nous suffit juste de relever la tête.