Le progrès technique : le grand méchant loup des agents immobiliers

Les agences immobilières sont bien ancrées dans la vie des Français. Pourtant, elles pourraient bientôt disparaître. Sous l’air du progrès technique, une ubérisation de ce marché pourrait rapidement se propager. Comment le chômage, les consommateurs et les producteurs seront impactés par cette évolution ?

Avant la crise des subprimes, le marché immobilier vivait une grande période d’expansion. En moins de quinze ans, le nombre d’agences immobilières est passé de 15 000 à environ 30 000 en France. Mais avec la crevaison de la bulle spéculative de l’immobilier en 2008, le secteur entre en crise. Aujourd’hui le nombre d’agences se serait stabilisé à environ 28 000. Alors que le secteur commence à enfin sortir de cette crise, le progrès technique pourrait bien l’y replonger. 

Demain nous n’irons plus vendre notre maison par l’intermédiaire d’une agence mais par un site Internet. En deux clics nous pourrons vendre notre bien. Le temps des longues visites et des mois à attendre sera bien terminé. Cela semble bien trop futuriste pourtant c’est déjà le cas aux Etats-Unis.

Effectivement des sites Internet américains proposent d’estimer un bien immobilier à l’aide d’un algorithme. Le vendeur doit simplement donner quelques renseignements sur le bien, comme le nombre de pièces ou encore la superficie. Le site fait une proposition d’achat et, si le vendeur l’accepte, un contrat de vente est signé peu de temps après.

Malgré ce côté futuriste, ces sites Internet ont un grand succès au point de faire une concurrence aux agences immobilières plus classiques. Le leader des sites Internet de l'autre côté de l'Atlantique est certainement Zillow. Cette société basée à Seattle a su s’imposer. Et même si le site ne fait pas l’unanimité, les critiques semblent plutôt bonnes. Le très sérieux Wall Street Journal explique que l’algorithme de Zillow est peut être très mauvais mais qu'il est la majorité du temps très bon. Ce qui peut expliquer pourquoi la société gagne des parts dans le marché de l’immobilier.

Si le train du progrès technique semble inarrêtable, il convient de s’inquiéter sur l’incidence de ce “progrès” sur l’économie. Au niveau du consommateur, ici les vendeurs de maisons seront dans un premier temps gagnant. Effectivement, ils pourront vendre à des prix intéressants. Le site Internet, qui gagnera en parts de marché, fera des offres qui pourront même être au-dessus des prix du marché. Là où le consommateur pourrait voir son utilité diminuer, ce serait dans le cas où le site serait en situation de quasi monopole et aurait donc un pouvoir de marché. Dans cette situation le site en profiterait pour faire des offres en-dessous du prix réel. Mais pas de panique : pour que l’entreprise ait une influence sur le marché, il faut qu’elle soit bien implantée dans ce même marché et qu’elle absorbe, si elle y arrive, quelques-uns de ses concurrents.

Il ne faut pas oublier non plus que les agents immobiliers n’ont pas toujours intérêt à vendre un bien au meilleur prix, puisque la satisfaction de vendre plus vite peut leur être plus importante. C’est ce qu’explique Steven.D Levett dans son livre Freakonomics. La concurrence qu’engendrerait le site Internet pourrait permettre de renverser ce paradoxe et donc de vendre au juste prix. 

Donc à court terme ce site serait un gain pour les consommateurs de l’immobilier à plus long terme les effets sont incertains.   

Pour ce qui concerne les producteurs, il est certain que cela va engendrer une augmentation de la concurrence. Les agences devront donc émettre des offres plus compétitives, soit permettre de vendre à un prix plus important et plus rapidement. Il est certain que des petites agences vont devoir fermer. Cependant le marché est actuellement composé majoritairement de grosses agences comme Century 21, Orpi, Foncia … Ces agences ont une certaine capacité à influencer le marché de l’immobilier et pourront donc résister et s’adapter à cette nouvelle forme de concurrence.

Si, à court terme, les vendeurs gagneront en bien à être, et si les grandes agences immobilières résisteront, pour les petites agences, c’est bien différent. On pourrait penser que cela augmentera le chômage mais il semble plus envisageable que l’adaptation du marché entraînera autant de créations d’emplois que de suppression. Effectivement, les emplois dans les petites agences seront détruits mais de nouveaux emplois apparaîtront, pour vendre les maisons que le site internet achètera, pour les rénover ou encore pour rédiger les contrats de vente. 

Ainsi si les conséquences de cette prochaine uberisation du marché de l’immobilier semblent encore à long terme incertaines. Cependant, il reste certain que le progrès va modifier ce marché. Il ne reste plus qu’à espérer que les acteurs y seront préparés.