Pourquoi les crypto-monnaies ont-elles mauvaise réputation ?

Le 11 mars 2019, le film Crypto sort au cinéma, il raconte l'histoire d'une mafia russe qui utilise le Bitcoin pour blanchir des activités illégales. Une représentation caractéristique de l'état d'esprit des français vis-à-vis des technologies décentralisées.

Le 11 mars dernier, le film Crypto est sorti au cinéma. Il raconte l'histoire d'une mafia russe qui utilise le bitcoin pour pouvoir blanchir ses activités illégales. Le lancement de ce film a entraîné la la crypto-monnaie de nombreux crypto-addicts. Certains se sont senti offensés de cette représentation stéréotypée des crypto-monnaies, d’autres, au contraire, s’en sont amusés. Malgré tout, c’est un signe montrant que la crypto-monnaie s’intègre lentement dans les mœurs. On peut quand même en conclure que dans l'imaginaire collectif : la crypto-monnaie = l’argent sale utilisé par des criminels. 

Dès lors que l’on se renseigne sur la technologie blockchain et ses projets, on peut se demander : "Mais, pourquoi tout le monde n'utilise pas les crypto-monnaies ? C'est tellement pratique !". Personnellement, même si j’aimerais que la blockchain soit la norme, je me rends compte que lorsque j'en parle à mon entourage, mes amis et ma famille ne semblent pas prêts à cette révolution. 

La blockchain subit le même traitement qu’Internet dans les années 90

Retour dans les années 90, au moment où le monde découvrait Internet. Dès ses débuts, de nombreuses personnes avaient déjà une foi aveugle en ce que cette technologie pouvait accomplir. Ils croyaient vraiment qu’Internet changerait la face du monde et de la société. Cependant, à cette époque, il était aussi difficile d'expliquer et de comprendre le concept. Et bien souvent, les gens craignent ce qu'ils ne comprennent pas. 

Plus précisément, il était difficile pour le grand public de faire confiance en cette technologie lorsque les médias traditionnels annonçaient qu'il était possible de trouver des instructions pour créer une bombe, acheter de la drogue ou regarder un contenu illégal. De plus, la bulle des dot com n’a pas aidé à consolider la réputation du World Wide Web.

Aujourd’hui, les crypto-monnaies et la blockchain souffrent de la même mauvaise réputation : on y parle de piratages, de fraudes, d'escroqueries ou encore d'achats illicites sur le dark net grâce aux bitcoins.

Il y a une ressemblance puisqu'il n'est pas facile de comprendre comment elles fonctionnent. À l'heure actuelle, nous sommes toujours dans une position où nous devons passer du temps à expliquer "ce qu'est la blockchain" et "pourquoi elle est sûre et sécurisée". Nous devons commencer à proposer de nouveaux projets dans le but d’aller de l'avant afin de faire adopter la blockchain à l'entièreté de la population. Peut-être que que cette adoption se fera peut-être lorsque monsieur tout le monde ira acheter son pain avec des cryptos.

D'où vient cette mauvaise réputation ?

"La crypto-monnaie, c’est l'argent des criminels". Bien que cette affirmation soit inexacte, il faut quand même souligner que des transactions illicites se produisent en bitcoin. Pourtant, des études récentes tendent à montrer que l'activité illégale n'est plus le facteur dominant dans les crypto-monnaies. La DEA (L’Administration pour le contrôle des drogues) affirme que "Le rapport entre l'activité légale et l'activité illégale dans le bitcoin s’est inversé… Aujourd'hui, l'activité illégale est tombée à environ 10% et le trading est devenu la nouvelle activité dominante." Ce qui va à l'encontre de la croyance populaire selon laquelle les crypto-monnaies sont majoritairement utilisées lors de transactions illicites.

L'histoire la plus célèbre qui a contribué à cette mauvaise réputation est probablement celle de Silk Road, créée par Ross Ulbricht alias "Dread Pirate Roberts". (Si vous ne connaissez pas l’histoire de Silk Road, je vous encourage de lire ceci.)

Sur la marketplace anonyme Silk Road, les bitcoins étaient obligatoires pour toutes les transactions. Bien qu'elles n’étaient pas entièrement anonymes, elles offraient plus de discrétion aux acheteurs et aux vendeurs du dark net. Cette affaire fait partie de celles qui ont donné une réputation plutôt négative au bitcoin, alors qu'en fait il ne s’agissait là que d’un moyen de paiement.

Il existe plusieurs autres cas comme ce dernier et il est probablement impossible d'indiquer avec précision, combien de transactions en bitcoin ont été effectuées dans ce genre de cas. En réalité, nous avons juste besoin d’une réglementation plus stricte de de meilleures mesures de sécurité. Il ne faut pas aussi oublier, que les transactions ne sont pas entièrement anonymes, la blockchain est publique et toutes les transactions y sont documentées.

À l’heure actuelle, il y a de plus en plus de procédures d’identifications qui sont requises sur les plateformes de la blockchain (exchange, wallet...). Par exemple, nous avons le processus KYC (Know your customer). Le KYC est le procédé par lequel une entreprise vérifie l'identité de ses clients et évalue leurs aptitudes, ainsi que les risques potentiels de démarches illégales pour permettre de bons échanges en affaires.

"Il n’y a que des escroqueries et des fraudes avec les crypto-monnaies"

Un rapport du groupe Satis montre que 78% des ICO ont été identifiées comme des escroqueries. "Sur la base de la classification ci-dessus, en pourcentage du nombre total d’ICO, nous avons constaté qu'environ 78% des ICO étaient des escroqueries identifiées, environ 4% avaient échoué, environ 3% avaient disparu et environ 15% ont été tradées sur un exchange."

Une autre étude du Boston College montre que 50% des projets blockchain étaient morts dans les 4 mois qui suivent l'ICO. Donc, il semble vrai que la fièvre des investissements n'a probablement pas fait du bien à la réputation de la crypto-monnaie. Mais la faute ne devrait certainement pas reposer sur les épaules de la technologie, mais plutôt sur ceux qui ont soutenu ces projets sans utiliser leur bon sens.

Il faudrait de meilleures pratiques commerciales afin de mieux protéger et informer les investisseurs. Les futurs projets doivent démontrer leur viabilité, leur légitimité et leur durabilité. Cependant, les investisseurs devraient faire des recherches et cesser de se faire des illusions sur le dernier projet de crypto-monnaie révolutionnaire présenté sur Twitter. (#HelloCryptoTwitter).

De plus, il semble, qu'aujourd'hui, les gens s'intéressent beaucoup plus à la crypto-criminalité et au trading qu'à la technologie blockchain en elle-même. À mon avis, certains pensent plus à la perspective de faire fortune grâce à un fameux "crypto eldorado" plutôt que de penser à ce que cette technologie pourrait changer dans notre société et notre humanité. Et c'est peut-être là que réside le vrai problème.

"Ce n'est pas une chose sans risque, je pourrais être hacké"

Il y a eu de nombreux cas de piratage, présenté dans la presse, ces derniers mois. Ce qui, du coup, entache la réputation de la blockchain. Cependant, la vérité est bien différente : il est très dur de pirater la blockchain. Ce sont plutôt les exchanges et les wallets qui sont victimes de piratage à cause de leur centralisation.  Mais, par extension, la blockchain et les crypto-monnaies souffrent de cette mauvaise réputation.

Il y a là un certain paradoxe, puisque la sécurité est apportée par le principe de décentralisation (notre article ici). Pourtant, pour une meilleure expérience utilisateur, nous acceptons de faire confiance à des plateformes tierces centralisées, tels que les exchanges. Ainsi, nos coins, que nous stockons, sont peut-être en danger, si elles ne sont pas suffisamment sécurisées.

C'est aux utilisateurs de faire attention et de mettre en sécurité leurs clés privées et personnelles, en utilisant des procédures 2FA entre autres. Ils doivent aussi être beaucoup plus responsables et faire un plus de recherche lorsqu'ils choisissent de d’échanger, acheter et vendre sur une plateforme spécifique.

Crypto-monnaies : comment construire la confiance ?

Pour moi, il y a des controverses et des confusions dans l’utilisation de la crypto-monnaie. Il est facile d'oublier qu’elle n'est pas fondamentalement illicite alors que ce sont les utilisateurs qui peuvent mal l'utiliser. Il n'est question que de réputation et d’image, car les crypto-monnaies ne sont pas "mauvaises" par essence.

Je me souviens avoir lu un article expliquant que plus de 80% des billets américains en circulation contenaient des traces de cocaïne. Ce n'est pas parce que les billets ont été utilisés pour des activités illicites que cet argent est fondamentalement mauvais. Pensez-y : l'argent, les cartes de crédit, les pièces d'identité peuvent être volées, vos comptes peuvent être piratés mais ça ne vous n’empêche pas d'utiliser ces moyens de paiement, car vous êtes couvert par des assurances, etc. Je crois que seule l'introduction progressive du bitcoin, de l'Ethereum (et d'autres) dans notre vie quotidienne pourrait contribuer à augmenter l'opinion positive du grand public.

Le paradoxe est là pour moi, car la clé pour que la Blockchain soit adoptée par tout le monde... c'est qu’elle soit adoptée par tout le monde. Afin d'arriver, à un niveau où vous avez confiance en ces méthodes de paiement, tout le monde doit commencer à l'utiliser. J'ai lu ici :  "Une fois que l'intégrité de la technologie et que le processus de trading sera assurée, les marchés deviendront plus sûrs."

Il est de la responsabilité de tous les acteurs de cette industrie d'avoir une bonne réglementation et d’y être attentif, car je doute que les crypto-monnaies cesseront d'être la cible des escrocs. Mais comme nous nous orientons vers plus de sécurité et une meilleure compréhension de son principe de fonctionnement de la blockchain, la fraude devrait être plus facile à contrôler. Les criminels se voyaient devenir intraçables, invisibles pour le système, ce qui n'est pas vrai ! Une étude réalisée en 2018 a montré que les experts en cybercriminalité sont en mesure d'identifier les identités criminelles en fonction de leurs pseudonymes et de les relier à des identités réelles. Rappelez-vous toujours que la plupart des projets de la blockchain sont publics. 

Matt Bisanz, réglementation des services financiers chez Mayer Brown :

"Nous devons encore en faire plus pour renforcer la confiance, là où les délits sont rares ou ont peu d'effet sur le consommateur. Quand on vous vole votre carte de crédit, vous n'arrêtez pas de l'utiliser. Son impact est faible. Tant que la crypto-monnaie n’arrivera pas à un niveau similaire et d’ici à ce que les gens soient couverts, on se posera toujours la question de la sécurité."

Quelle est la prochaine étape pour améliorer la réputation des crypto-monnaies ?

Je crois vraiment que la blockchain a le pouvoir de transformer notre société. Mais même si l'adoption massive de cette technologie ne semble pas encore être pour demain, elle s’en rapproche de plus en plus.

C'est notre travail, en tant que communauté (de mineurs, de traders, d'entreprises, de passionnés) de construire et de respecter collectivement certaines bonnes pratiques, dans le but d’avoir une utilisation plus sûre des technologies de la blockchain.

Nous devons aider le grand public à comprendre que derrière les crypto-monnaies, il y a un projet. Nous avons besoin d'eux pour savoir ce qui peut être réalisé et nous devons proposer des projets mûrs au lieu de se laisser entraîner par la dernière tendance, la dernière altcoin à la mode. Lorsque les gens réaliseront toutes les possibilités qui s’offrent à eux et qu’ils se sentiront plus à l'aise avec cette technologie, la blockchain pourra passer au niveau supérieur.