"L'Or des fous", les meilleurs extraits A l'origine, le blé

C'est lors d'un week-end de travail (plutôt arrosé) à Boca Raton que germe chez les banquiers de JP Morgan, dirigés par Peter Hancock,  l'idée des dérivés de crédits. Un concept inspiré des dérivés sur les matières premières, et notamment le blé, qui sera à l'origine de l'explosion des produits financiers complexes.

c'est à boca raton, près de palm beach, que l'idée des dérivés de crédits a
C'est à Boca Raton, près de Palm Beach, que l'idée des dérivés de crédits a germé © Habiba Yaakoubi

«  Il était impossible de résister à l'énergie de Hancock. Il dé­ambulait dans la salle, lançait des idées, et, très vite, tout le monde s'échauffa. Une idée clé commença à émerger : utiliser les produits dérivés pour gérer le risque lié aux obligations des sociétés et aux prêts. Les produits dérivés sur les matières premières, lança quelqu'un, laissent les producteurs de blé gérer le risque lié aux per­tes sur leurs récoltes. Pourquoi ne pas créer un produit dérivé qui permettrait aux banques de parier sur un prêt ou un titre susceptible de chuter ? Les défauts représentaient la source de risque la plus im­portante au niveau des prêts commerciaux alors les banques seraient peut-être partantes pour parier avec des produits dérivés qui leur per­mettraient ainsi de se couvrir en cas de pertes. Ce serait une forme d'assurance contre les défauts. (...)

Aucune réponse satisfaisante n'avait émergé ce week-end mais l'équipe de Hancock n'avait pas l'habitude de travailler avec des échecs. Elle passa ses journées à se triturer les méninges et elle réalisa que le concept était potentiellement révolutionnaire. Si vous pouviez réelle­ment assurer les banques et les prêteurs contre le risque d'insolvabili­té, cela pouvait générer une énorme vague de capital dans le circuit économique. J'ai connu des gens qui travaillaient sur le projet Manhattan. Pour ceux d'entre nous qui étaient du voyage, il y avait ce même sentiment d'être présent au moment de la création de quelque chose de très important, se souvient Mark Brickell, l'un des banquiers de l'équipe des swaps chez JP Morgan. En repensant à la réunion au Boca, Hancock ajoute : Nous avons vraiment insisté sur l'idée que nous utilisions les produits dérivés pour gérer le risque lié aux prêts des ban­ques. 

"Nous avons vraiment insisté sur l'idée que nous utilisions les produits dérivés pour gérer le risque lié aux prêts des banques."

Ce n'est que beaucoup plus tard que l'équipe comprit les implica­tions de ces idées, connues sous le nom de crédit dérivés. Comme c'est le cas de tous les produits dérivés, ces outils permettaient de contrôler le risque mais ils pouvaient aussi l'amplifier. Tout dépendait de la façon dont ils étaient utilisés. C'est le contrôle du risque qui poussa Hancock et son équipe à continuer. C'est son amplification qui domina le monde des affaires une dizaine d'années plus tard et qui allait finalement contribuer à la catastrophe financière mondiale. »

Extrait de "L'Or des fous", de Gillian Tett, 313 pages, Le Jardin des Livres