"L'Or des fous", les meilleurs extraits Les agences de notation, pompiers pyromanes ?

Les agences de notation ont souvent été critiquées pour n'avoir pas su évaluer le danger des produits dérivés. On a moins parlé de leur rôle dans le développement de ces derniers et encore moins de la manière dont elles les ont involontairement rendus de plus en plus risqués.

"Les gens qui sont concentrés uniquement sur les notations sont de la chair à prime pour les banques d'investissement."

«  En général, les investisseurs faisaient confiance aux agences de notation pour les guider dans ce nouveau pays étrange qui semblait être une solution rationnelle et facile pour lutter contre sa complexité. L'échelle des évaluations était très simple : si un produit était annoté d'un triple A, on supposait qu'il ne pouvait presque jamais faillir. Si l'annotation était un triple B ou un triple C, le risque était bien sûr plus élevé. Dans un monde où tant de choses se révélaient déconcertantes, ces désignations très claires étaient merveilleusement rassurantes. (...)

Certains banquiers mirent en garde contre cette séduction. Les gens qui sont concentrés uniquement sur les notations sont de la chair à prime pour les banques d'investissement qui cherchent à vendre des produits, avançait Charles Pardue, un acteur clé dans l'équipe qui avait créé les Bistro (produits financiers complexes, NDLR). Je ne pense pas que nous devrions croire que tout ce qui se vend est de juste valeur. J'ai assisté à des conférences de revendeurs où les banquiers vendent ce truc et la simplicité de l'explication du mode d'emploi me fait peur... ils investissent dans des choses qu'ils ne comprennent pas, ils semblent vraiment croire ces modèles et lorsqu'ils changeront, ce sera vraiment effrayant.

"Ils investissent dans des choses qu'ils ne comprennent pas, ils semblent vraiment croire ces modèles et lorsqu'ils changeront, ce sera vraiment effrayant."

Les agences de notation, évidemment, affirmaient que ces inquiétudes étaient infondées. Moody's, Standard & Poor's et Fitch avaient chacun beaucoup investi dans le développement des systèmes d'avant-garde pour modeler les risques de toute la gamme de nouveaux produits. Afin de dissiper les craintes de voir que leurs calculs puissent être erronés, ils avaient également tenté de montrer très exactement aux investisseurs la façon dont fonctionnaient ces systèmes. (...)

Précisément du fait que les agences avaient dûment publié sur Internet les informations relatives au fonctionnement de leurs modèles, ce fut facile pour les banquiers de les passer au peigne fin pour trouver des failles à exploiter. 

C'est ce qui se passa en 2005. 

L'objectif, c'était d'arriver à l'estimation la plus haute possible avec le plus haut niveau de risque.

Dès qu'un banquier avait une idée, elle était étudiée par rapport aux modèles pour voir ce que le produit était susceptible de rapporter. Si cela semblait trop peu ou à l'inverse trop élevé, le projet était revu. L'objectif, c'était d'arriver à l'estimation la plus haute possible avec le plus haut niveau de risque afin que le produit puisse générer des résultats plus importants à l'investisseur. Dans le milieu bancaire, le jeu était connu sous le nom de "arbitrage des évaluations". Les gens dans les agences d'évaluation savaient très bien que ce jeu existait. Mais ils ne se sentaient pas en position de riposter.  »

Extrait de "L'Or des fous", de Gillian Tett, 313 pages, Le Jardin des Livres