"L'Or des fous", les meilleurs extraits Lehman, l'improbable effondrement

Dans cet extrait, l'auteur raconte le week-end précédant la faillite de Lehman Brothers et à quel point un sauvetage fut proche.

sans les autorités britanniques, barclays aurait racheté lehman.
Sans les autorités britanniques, Barclays aurait racheté Lehman. © Barclays

«  Plus d'une vingtaine de hauts responsables des principales banques de Wall Street, du Royaume-Uni et des autres banques européennes continentales ainsi que des courtiers se réunirent à la Fed. (...)

Ils se séparèrent en groupes et se répartirent dans différentes pièces pour discuter des options. L'un d'eux explora la question de savoir si les banques pouvaient coordonner un plan de sauvetage commun, comparable à la transaction de LTCM. Un autre discuta de ce qui pourrait arriver si Lehman Brothers faisait faillite. Séparément, les fonctionnaires de la Fed partirent à la recherche d'un acheteur. Deux noms étaient cités : Bank of America et Barclays qui possédait une banque d'investissement connue sous le nom de Barclays Capital. Le directeur général de Barclays Capital, Bob Diamond, était très ambitieux et désireux d'appuyer sa position sur les marchés américains.

Le samedi soir, après des heures de débat entrecoupées de pauses café avec doughnuts, les banquiers avaient décidé qu'un plan de sauvetage commun était impossible. La Bank of America fit remarquer que cela ne l'intéressait plus de faire des enchères mais, au grand soulagement de Geithner, Barclays semblait toujours enthousiaste. Le dimanche matin, pourtant, il se produisit quelque chose d'inattendu. Pour réaliser la transaction, la Fed voulait que Barclays honore tous les échanges existants liés à Lehman Brothers lorsque les marchés allaient ouvrir le lundi matin. Sans cette garantie, Geithner craignait que la panique se répande.

Cependant, les règlements financiers britanniques stipulaient que Barclays ne serait pas autorisé à étendre son échelle de garantie sans l'accord des actionnaires en premier lieu. Au début, Barclays pensa que l'autorité des services financiers, le principal régulateur britannique, voudrait renoncer à cette restriction, étant donné les circonstances. Toutefois, le dimanche, les régulateurs britanniques firent savoir qu'ils ne voulaient pas détourner la règle.

Le samedi soir, après des heures de débat entrecoupées de pauses café avec doughnuts, les banquiers avaient décidé qu'un plan de sauvetage commun était impossible.

Les fonctionnaires à la Fed de Washington et le Trésor américain étaient furieux. Henry Paulson appela les hauts fonctionnaires britanniques et leur demanda de l'aide mais les Britanniques traînaient les pieds. Certains fonctionnaires américains soupçonnaient les régulateurs britanniques de craindre que Barclays ne soit trop faible pour mener une transaction aussi importante. D'autres accusaient Barclays d'employer les grands moyens pour obtenir une aide financière plus grande. (...)

Le dimanche après-midi, Barclays se retira, laissant un goût amer à chacune des parties en présence. Geithner contemplait le désastre. Les fonctionnaires de la Fed firent une dernière tentative pour atténuer le choc. Ils convoquèrent en urgence tous les banquiers liés au secteur des dérivés qu'ils purent trouver un dimanche après-midi. Ils les réunirent dans une salle et leur demandèrent de venir reconnaître toutes les transactions de dérivés qui impliquaient Lehman Brothers. L'espoir, c'était que les banques puissent alors annuler quelques transactions, atténuant ainsi les pertes. Mais l'initiative échoua en partie parce qu'il était impossible d'avoir suffisamment de banquiers au tout dernier moment. »

Extrait de "L'Or des fous", de Gillian Tett, 313 pages, Le Jardin des Livres