Transfert d'argent international : quel acteur va rafler la mise ?

Transfert d'argent international : quel acteur va rafler la mise ? L'arrivée de fintech comme Transferwise ou Worldremit et l'intérêt récent des banques mettent en ébullition le marché du transfert de devises.

La vague de nouveaux opérateurs de transferts d'argent (MTO) aux modèles innovants et moins coûteux, qui s'allient de plus en plus aux banques traditionnelles pour booster leur business, est en train de rebattre les cartes du marché de transfert de devises. Selon la Banque mondiale, plus de 500 acteurs –dont des acteurs bancaires- se positionnent sur le créneau. Moneytis, comparateur français des solutions de transfert d'argent, en dénombre 200 en excluant les banques et les acteurs non-licenciés.

Pas étonnant que le secteur attire : le marché des transferts d'argent entre particuliers croît de près de 5% par an. "Il représente 500 milliards d'euros par an aujourd'hui dans le monde et pourrait atteindre 1 000 milliards dans dix ans, explique Christophe Lassuyt, cofondateur de Moneytis. Le marché ne cesse de croître car les migrants, les expatriés et les "digital nomades" sont de plus en plus nombreux."

Le succès le plus fulgurant du secteur est celui de la fintech britannique Transferwise. La start-up vient de dévoiler, pour la première fois, les volumes de transactions qu'elle enregistre : 1,07 milliard de dollars par mois, en hausse de 50% sur six mois, à travers 600 000 transactions. Valorisée 1,1 milliard de dollars en mai dernier, la société a enregistré un chiffre d'affaires de 37 millions de dollars entre mars 2015 et mars 2016 (contre 13,8 millions de dollars l'année précédente et 2,7 millions en 2013/2014). Elle a même atteint un rythme de 6,6 millions de dollars de chiffre d'affaires par mois en août, deux fois plus que l'année précédente. Transferwise a levé 116 millions de dollars depuis sa création, en 2010 et la société emploie environ 400 personnes. 

Transferwise ne fait pas traverser les frontières aux sommes d'argent 

Si sa croissance est si fulgurante, c'est que son business model est différent de ses concurrents traditionnels et . La société ne transfère pas réellement l'argent, ce qui lui permet d'appliquer des frais faibles. "Si une personne veut envoyer de l'argent en Angleterre, Transferwise ne fait pas traverser la frontière à l'argent. La start-up attend que quelqu'un demande un transfert en sens inverse et compense la différence en utilisant des services tiers comme Currencycloud, qui coûtent un peu plus cher", raconte Christophe Lassuyt.

Le marché étant extrêmement compétitif, Transferwise a dû effectuer de gros investissements pour recruter ses clients. "On parle de plusieurs dizaines d'euros de coût d'acquisition client dépensés en marketing, note Christophe Lassuyt. Les mots clés "transfert d'argent" sont très chers." Le succès de Transferwise s'explique aussi par sa stratégie marketing. "Ce marché est très lié à la confiance, ajoute le cofondateur de Moneytis. Transferwise n'est pas forcément meilleur que ses concurrents –c'est l'un des MTO les plus lents et pas toujours le moins cher. Mais la société a réussi à trouver la bonne façon de s'adresser au client, avec une expérience utilisateur agréable et un story-telling jeune qui parle de révolution contre les banques."

Comparatif des prix et délais pour un envoi de 1 000 euros depuis la France vers les Etats-Unis et le Sénégal. © Moneytis

D'autres start-up tirent aussi leur épingle du jeu. Worldremit, d'abord. L'acteur en ligne permet d'effectuer des transferts simples en ligne et de recevoir l'argent en cash, sur son téléphone ou sur son compte en banque. La start-up est présente dans plus de 200 pays –plus que Transferwise. Elle a levé 148 millions de dollars, a enregistré un chiffre d'affaires de 39 millions de dollars en 2015 et était valorisée 500 millions en février dernier. Worldremit n'a pas dévoilé les détails de son business model, contrairement à Transferwise, mais l'on sait que la société utilise également Currencycloud, entre autres outils, en regroupant les montants de ses clients pour échanger les monnaies sur de grosses sommes.

Azimo lance le transfert d'argent sur Facebook Messenger

Azimo, lui-aussi britannique, connaît également une belle croissance et vient de créer une fonctionnalité d'envoi d'argent sur Facebook Messenger. Lancé à Londres en 2012, Xendpay, service en ligne du broker traditionnel RationalFX, propose de son côté un business model original avec lequel les clients s'acquittent des frais qu'ils souhaitent. Mais la start-up pourrait pivoter sous peu – entre 10 et 20% des clients ne donnant rien. Enfin, en France, Paytop, Afrimarket et fx4biz en btob tentent de se faire une place.

Principales start-up mondiales et françaises de transfert d'argent international
  Pays Année de création Fonds levés (millions $, dernière donnée connue) BtoB ou BtoC
Afrimarket France 2013 3,5 BtoC
Azimo Royaume-Uni 2012 46,59 BtoC
Currencycloud Royaume-Uni 2012 35 BtoB
Fx4biz Belgique 2012 NC BtoB
Paytop France 2012 7,8 BtoC
Transferwise Royaume-Uni 2010 116,31 BtoC
Worldremit Royaume-Uni 2010 147,66 BtoC

Face à ces nouveaux modèles, les acteurs traditionnels sont contraints de se réinventer. Western Union, qui s'appuie sur un concept btoc de visibilité avec des antennes partout dans le monde, se positionne sur un créneau quelque peu différent : très chère pour les petits montants, la société vise plutôt les migrants, contrairement à Transferwise ou Worldremit, qui visent avant tout les expatriés et étudiants. Historiquement orienté sur le cash, Western Union est en train d'opérer un virement sur le Web et le mobile. La société a refondu l'ensemble de ses sites Internet et a noué un partenariat avec l'application de discussion instantanée WeChat en Asie.

Les banques nouent des partenariats avec les MTO pour enrichir leurs offres

Les banques traditionnelles, concurrencées par des fintech innovantes mais aussi par des "néo-banques" qui agrègent de plus en plus de services innovants parmi lesquels le transfert de devises, commencent à se pencher sur le sujet. "Comme Number26 ou la banque estonienne LVH qui ont noué un partenariat avec Transferwise, les banques envisagent de passer par une solution tierce pour proposer du transfert d'argent et étudient les concurrents, explique Christophe Lassuyt. Plusieurs banques françaises discutent avec des agents… Et plusieurs MTO nous ont aussi contactés pour être mis en relation avec les banques, car cela fait partie de leur business model."

Il faut dire que les services proposés par les fintech de transfert d'argent sont compliqués à mettre en œuvre en interne dans une banque traditionnelle. "J'ai vu des banques étudier le business model de Transferwise et abandonner l'idée de l'imiter, raconte le cofondateur de Moneytis. J'ai l'impression qu'elles ne sont pas assez agiles, que cela n'est pas dans leur métier. Transferwise dispose d'une technologie très efficace et d'une grande agilité dans sa culture d'entreprise." La Société Générale s'est pourtant lancé le défi : elle proposera en décembre une nouvelle offre d'émission de virements internationaux sur smartphones et tablettes, jusque-là disponible uniquement en guichet. Pas de commission de change, et des frais de 9 à 13 euros.

A terme, d'autres start-up utilisant la technologie blockchain pourraient aussi prendre le marché sur des petits montants. Moneytis le propose déjà sur son site via sa solution propre, aux côtés de tous les autres acteurs que le site compare. "Les frais sont variables donc cela ne sera pas intéressant au-delà d'un certain montant, mais dans quelques années cela se développera probablement sur de petites sommes, comme alternative aux autres solutions", prévoit son CEO.

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