Avec Upgrade, Renaud Laplanche veut créer un Lending Club amélioré

Avec Upgrade, Renaud Laplanche veut créer un Lending Club amélioré Un an après son départ forcé du géant, l'entrepreneur français revient avec un projet concurrent, bien décidé à disrupter une nouvelle fois le crowdlending aux US. Décryptage.

Un départ fracassant pour un retour fracassant. Renaud Laplanche, le Français fondateur déchu de Lending Club, a annoncé début avril le lancement d'une start-up concurrente, Upgrade. Basée à San Francisco, à quelques centaines de mètres de sa grande sœur, Upgrade propose des crédits à la consommation. Renaud Laplanche n'est pas seul aux manettes : les cinq autres cofondateurs d'Upgrade sont tous passés par Lending Club, dont Soul Htite, aussi cofondateur de la plateforme référente du secteur. Au total, Upgrade compte 70 salariés et recrute actuellement 18 personnes (profils techniques, commerciaux et support), selon son site Internet. Comme pour LendingClub, la plateforme prélève une commission comprise entre 1 et 5% de la somme prêtée et autorise des prêts entre 20 et 20 000 dollars. En revanche,  elle ne vend pas de prêts à des investisseurs individuels et se concentre sur les acteurs institutionnels. 

"Il a raison d'arrêter de faire financer les prêts par les particuliers. C'est pertinent pour un projet Kickstarter avec un beau produit mais pas pour un crédit. Prêter à des particuliers ou à des entreprises est risqué", explique Cédric Teissier, président de l'association France Fintech. Quatre gérants d'actifs tiennent donc le rôle de prêteurs, dont la banque d'investissement Jefferies et WebBank, un organisme spécialisé dans le prêt peer-to-peer et qui collabore depuis plusieurs années avec Lending Club. Upgrade utilisera aussi une partie de son propre bilan pour financer les prêts. Un mode de financement qui n'est pas toujours obligatoire aux Etats-Unis (il l'est en France).

En moyenne, près de 90% des dossiers de prêt ne sont pas acceptés par une plateforme de crowdlending

Ce changement de modèle n'est pas la seule carte de Renaud Laplanche. Upgrade propose également des outils qui aident les consommateurs dont les dossiers ont été rejetés à mieux comprendre et contrôler leurs crédits. En moyenne, près de 90% des dossiers de prêt ne sont pas acceptés par une plateforme de crowdlending. "Cette approche est judicieuse car cela permet de refuser un dossier tout en conservant un lien avec le consommateur pour le contacter ultérieurement", précise Olivier Goy, fondateur de Lendix, une plateforme de prêts aux PME. Ces fonctionnalités seront lancées dans les prochaines semaines.

 

Pour financer ses ambitions, Upgrade vient de lever 60 millions de dollars en capital et obligations convertibles auprès de grands fonds de capital-risque américains, pour la plupart déjà investisseurs de Lending Club. Sa valorisation, après ce tour de table, s'élève déjà à 168 millions de dollars. Un record de précocité pour une plateforme de crowdlending américaine. Si l'appétit des investisseurs pour le secteur ne se dément pas, c'est que sa croissance est d'un rare dynamisme. Le volume de prêts réalisés en crowdlending a augmenté de 100% l'année dernière et augmentera encore de 30% en 2021, estime Statista. De 114 000 campagnes lancées en 2015, elles passeront à 1,9 million en 2021. Lending Club est vite devenu le leader du secteur, mais le plus gros du marché reste à prendre. Renaud Laplanche comme ses cofondateurs et actionnaires l'ont compris.

Evolution du volume de prêts réalisés en crowdlending aux US de 2015 à 2021. © Statista

Mais les subtilités de son business model lui suffiront-elles à trouver une place sur un marché de plus en plus tendu ? Quand il a lancé Lending Club en 2006, le Français avait presque le champ libre. En 2017, le paysage du crowdlending n'est plus le même. Prosper.com, fondée en 2005, a dépassé le milliard de dollars de prêts début 2017. Goldman Sachs a lancé "Marcus", une banque en ligne qui propose des prêts aux particuliers jusqu'à 20 000 dollars, comme Lending Club et consorts. "Il faut être très courageux pour repartir de zéro et arriver dans un monde très concurrentiel. Il a peut-être trouvé la martingale.", analyse Cédric Teissier.

Personne ne croyait pourtant au retour de l'ancien patron de la plateforme américaine. Dix ans après la création de sa société de crowdlending, l'entrepreneur avait été évincé l'an dernier de la direction pour conflit d'intérêts et non-respect des règles de fonctionnement interne. Lending Club aurait vendu 22 millions de dollars de prêts à un seul investisseur, la banque Jefferies. Trop selon ses règles internes. Surtout, cette transaction comprenait des erreurs factuelles et des dates falsifiées. "Une erreur opérationnelle qui peut arriver", estime Charles Egly, cofondateur et président de Younited Credit, plateforme spécialisée dans le crédit à la consommation.

Dans la grande famille des fintech, Renaud Laplanche bénéficie d'une belle côte de popularité. "Il a une expérience inégalée dans l'industrie. Avec Lending Club, il a appris beaucoup de choses : ce qu'il fallait faire et ne pas faire", estime Olivier Goy. Le lancement d'Upgrade ne fait que renforcer leur sentiment à l'égard de ce diplômé d'HEC. "C'est un retour en force. Les chiffres sont impressionnants. C'est le plus gros tour de table pour une plateforme de prêts américaine", poursuit Olivier Goy, admiratif.

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