Setl, la start-up qui veut ubériser les marchés financiers

Setl, la start-up qui veut ubériser les marchés financiers Il y a un an, la jeune pousse britannique lançait sa plateforme d'échanges financiers basée sur la blockchain. Désormais, elle cherche à mettre fin à l'oligopole des bourses.

Source d'économies, de rapidité des échanges et de sécurité des transactions, la blockchain a de quoi séduire le secteur financier. Et la start-up britannique Setl l'a bien compris. Fondée en 2015 par le Français François Barthélémy et deux Britanniques, Anthony Culligan et Nicolas Pennington, cette jeune société a développé sa propre blockchain privée pour permettre aux acteurs financiers d'échanger des actifs en temps réel et d'économiser des millions. Comment ? Elle réduit les intermédiaires qui interviennent dans le processus de règlement-livraison des titres. Elle a notamment construit un système qui permet de traiter 10 000 à 15 000 transactions par seconde. Un exploit comparé à une autre blockchain célèbre, le bitcoin, qui supporte seulement sept transactions par seconde.

Depuis le lancement de sa plateforme en juin 2016, la jeune pousse de 30 salariés a fait du chemin. Elle a annoncé une levée de fonds, dont le montant n'a pas été communiqué mais qui serait supérieur à 10 millions d'euros. Début 2017, elle a ouvert un bureau à Paris. Pour diriger l'entité, les trois fondateurs ont recruté Pierre Davoust, ancien adjoint au chef du bureau "épargne et marchés financiers" de la direction générale du Trésor. "Au lieu de recruter un geek, les fondateurs ont préféré une personne qui connaisse bien l'environnement concurrentiel et la réglementation", explique le nouveau dirigeant.

"Nous voulons que Paris devienne la place financière leader en matière d'infrastructure de marché blockchain"

La capitale française a été préférée à Francfort et Berlin pour plusieurs raisons. "Il y a un bassin de développeurs et de cryptologues très riche à Paris. Par ailleurs, le gouvernement français a une attitude assez ouverte et volontariste vis-à-vis de la blockchain depuis plus d'un an. Sans compter qu'Emmanuel Macron a été le premier politique français à promouvoir une loi sur les mini-bons", rappelle Pierre Davoust. La start-up assure mener des projets en France, sans en préciser leur nature. "Mon objectif est que ces projets donnent lieu à des lancements commerciaux dans les 12 mois qui viennent. Chez Setl, nous tenons à ce que Paris devienne la place financière leader en matière d'infrastructure de marché blockchain dans cinq ou dix ans", affirme-t-il.

Traiter 100 000 transactions par seconde

La start-up multiplie aussi les projets outre-Manche. Elle construit notamment une plateforme sur le marché des changes, le plus gros marché financier. Alors que la bourse du New York Stock Exchange (NYSE) représente environ 75 milliards de dollars de transactions par jour, le Forex représente quant à lui plus 4 000 milliards de dollars au quotidien. Au Royaume-Uni, Setl fait surtout de la "compression", c'est-à-dire qu'elle réduit le risque des échanges et baisse le nombre de transactions. Une vingtaine d'acteurs du marché ont souscrit à sa plateforme, en partenariat avec la start-up Cobalt, un réseau peer-to-peer privé destiné à réduire les coûts et les risques associés à l'échange de devise. Le projet entrera en production cet été. "Les volumes de transactions seront gigantesques. Nous traitons de milliers de transactions par seconde, donc des milliards par jour. Nous sommes les seuls au monde à atteindre ces volumes. En environnement de test, nous sommes même montés à 100 000 transactions par seconde", précise Pierre Davoust. Le réseau le plus puissant du monde, Visa, peut supporter 56 000 transactions par seconde selon les tests d'IBM.

Le métier de la bourse intéresse beaucoup Setl parce que c'est un marché immense (les plus grandes bourses du monde affichent une capitalisation de plusieurs milliards de dollars) et surtout en situation de monopole ou d'oligopole. "Les infrastructures de marché ont laissé leurs coûts dériver et ont augmenté progressivement leur prix. Leurs marges sont extrêmement élevées", soutient Pierre Davoust. Avec sa petite taille, Setl a quant à elle une base de coût faible et applique des niveaux de marge concurrentiels.

La start-up permet aussi aux acteurs financiers de se passer d'assurance lors de leurs transactions

La start-up permet aussi aux acteurs financiers de se passer d'assurance lors de leurs transactions. "Quand vous achetez une action sur Euronext, avant qu'elle n'arrive sur votre compte, il s'écoule deux ou trois jours. Quand vous êtes une banque ou un fonds qui traitent de gros volumes de transactions vous êtes obligés de vous assurer pendant cette période, au cas où votre contrepartie ne vous livre pas les titres. Avec notre technologie, nous faisons du dénouement instantané donc vous n'avez plus besoin de vous assurer contre ce risque", explique Pierre Davoust.

Pour se rémunérer, la start-up vend une licence mais pas seulement. "Nous fournissons la technologie comme n'importe quel prestataire IT classique mais nous devenons actionnaire de la plateforme par la même occasion", souligne le dirigeant français. Setl n'est pas opérateur d'infrastructure à 100% mais elle prend une part minoritaire, entre 20 et 40%. Si l'infrastructure marche bien, elle est rémunérée, sinon elle ne l'est pas du tout. "On prend un risque mais comme on connait très bien le business, on est plutôt à l'aise", glisse-t-il en souriant. L'expertise de Setl ne se limite pas à l'IT. Depuis début 2016, Peter Randall a pris la direction générale de la start-up. Cette figure du secteur financier a construit dans les années 2000 Chi-X, une des plus grandes bourses européennes (elle est passée devant Euronext en 2011). Son conseil d'administration est présidé par Sir David Walker, ex-président de Barclays et de Morgan Stanley.

Setl a pour ambition d'être fournisseur et opérateur d'une dizaine d'infrastructures de marché dans le monde d'ici deux ou trois ans. Pour accélérer, la jeune pousse prévoit de recruter une centaine de personnes d'ici deux ans, dont une dizaine en France. "Nous souhaitons recruter à Paris un expert en expérience utilisateur, trois développeurs front end et un lead developer." Londres n'a qu'à bien se tenir.