Implémenter la blockchain en entreprise : ils l'ont fait

Implémenter la blockchain en entreprise : ils l'ont fait Sûre et transparente, la chaîne de blocs a de quoi séduire tous ceux qui souhaitent stocker et transmettre des données. Axa, la Banque de France et Aéroports de Paris se sont lancés.

Axa l'utilise pour indemniser les retards d'avion, la Banque de France pour gérer son registre d'identifiants créanciers SEPA, Aéroports de Paris (ADP) pour archiver des documents. La blockchain, technologie qui permet de stocker et transmettre des informations en toute transparence et sécurité, sans organe central de contrôle, s'immisce dans tous les secteurs de l'économie.

Mais mettre en place un projet blockchain requiert des prérequis et une certaine rigueur. Cette technologie née en 2008 n'est ni mature ni connue du grand public. Les entreprises doivent donc en premier lieu éduquer leurs collaborateurs sur le sujet. ADP a par exemple organisé des conférences pour les directions métiers du groupe, animées par deux start-up de la blockchain. "Cet exercice d'ouverture et de vulgarisation marche bien. Cela nous a permis d'embarquer tous les collaborateurs et d'identifier les personnes qui ont une appétence pour cette technologie", explique Sébastien Couturier, responsable du pôle innovation du groupe.

ADP a organisé des conférences sur la blockchain pour les directions métiers du groupe

Une fois passée cette première étape, place à la définition du cas d'usage. L'application doit être utile mais pas trop ambitieuse. "Nous avons écarté les domaines peu explorés, ceux pour lesquels le mode distribué avait peu de sens, et nous nous sommes concentrés sur une application illustrant les principaux aspects techniques et présentant un bon niveau de chance de réalisation", détaille Thierry Bedoin, chief digital officer (CDO) de la Banque de France. Il est aussi possible d'effectuer la démarche contraire : "Nous avons d'abord mené une étude stratégique de détermination de produit et après nous nous sommes demandés si la blockchain était utile ou pas", explique Laurent Benichou, directeur R&D d'Axa Next, une entité innovation du groupe.

Ne pas négliger l'étape d'expérimentation

Ensuite, il est temps de passer à la phase d'expérimentation, qui nécessite de choisir le type de blockchain le plus adapté : publique (Bitcoin, Ethereum…) et donc consultable par tous, ou privée, c'est-à-dire contrôlée par les porteurs du projet. Pour cette étape, les organisations doivent faire appel à des prestataires techniques, en général des start-up. "Nous avons réalisé avec Blockchain Partner un proof of concept (POC, preuve de concept). Cette phase est très importante car elle a l'avantage de concrétiser ce qu'est la blockchain et elle implique les directions métiers", souligne Thierry Bedoin.

La période d'expérimentation dure quelques semaines et permet de tester le produit, bien qu'il ne soit pas définitif. "Nous avons ancré des documents dans la blockchain en configuration réelle et avons étudié les performances de la technologie afin d'établir un reporting précis et un retour aux directions métiers concernées", raconte Sébastien Couturier. Si la blockchain doit être utilisée entre plusieurs acteurs (clients, fournisseurs, partenaires…), il faut les mettre dans la boucle du POC.

"L'audit de sécurité, effectué par trois entreprises, a duré plus longtemps que la création du smart contract"

"Une fois que le prototype a été validé, nous avons communiqué auprès de la Fédération bancaire française et contacté les banques pour leur demander si elles souhaitaient nous suivre dans notre démarche. Nous avons eu l'accord de sept établissements financiers", dévoile Thierry Bedoin, sans donner leur nom. Pour faciliter cette collaboration, la Banque de France a instauré différents groupes de travail pendant quelques mois et a en parallèle développé l'application et l'infrastructure blockchain. S'ensuivent des tests de sécurité et de robustesse de l'architecture. "L'audit de sécurité, effectué par trois entreprises, a duré plus longtemps que la création du smart contract (contrat qui s'exécute automatiquement, NDLR) en lui-même", souligne Laurent Benichou d'Axa Next.

Après avoir détecté les potentielles vulnérabilités, l'heure est au mode pilote, dernière étape avant la mise en production. A noter que le pilote comme le lancement opérationnel se font le plus souvent avec le prestataire technique choisi lors de la phase d'expérimentation. Dans le cas d'une application blockchain partagée entre différentes entités, il est recommandé d'intégrer les acteurs petits à petits et non simultanément, comme l'a fait la Banque de France : un établissement bancaire est aujourd'hui connecté, trois le seront d'ici l'été et trois supplémentaires avant la fin de l'année. Le début d'une longue liste ?

Un article paru dans le Figaro Tech

Cet article est originellement paru le 18 juin dans le Figaro Tech, supplément trimestriel du quotidien Figaro, fruit de la collaboration entre les équipes du Figaro Economie et du JDN. Objectif de ce cahier : créer un point de repère dans l'innovation technologique, pour distinguer les modes des phénomènes de fond.