Google Pay en France : pas de banques, pas de chocolats

Google Pay en France : pas de banques, pas de chocolats Un an après son lancement dans l'Hexagone, le géant américain peine à convaincre les banques et marchands français de le rejoindre. Comme Apple Pay, il ne donne aucun chiffre d'utilisation.

Apple Pay aura mis plus de trois ans à signer avec toutes les banques françaises. Google Pay mettra-t-il autant de temps ? Difficile à dire. En tout cas, ses débuts ne sont pas sensationnels. Un an après son lancement en France, le wallet du géant américain n'a toujours pas réussi à convaincre les grandes banques. "On espère avoir des nouvelles positives d'ici quelques mois", relativise Lucyna Janas, head of EMEA Google Pay Partnerships. Seuls de plus petits acteurs comme Orange Bank, Fortuneo, la néobanque néerlandaise Bunq ou encore Lunchr ont rejoint l'aventure Google Pay en 2019. Au total, 13 établissements bancaires et fintech sont compatibles avec le concurrent d'Apple Pay, contre 6 il y a un an.  

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Pour ces 13 partenaires, intégrer le wallet de Google est un vrai plus. "C'était une demande de nos clients. Et pour nous, c'est important de répondre aux besoins des utilisateurs d'Apple et Android", assure Grégory Guermonprez, directeur général de Fortuneo. D'après le dirigeant, 5% des transactions de ses clients sont réalisées via les deux wallets confondus et ce chiffre est "en progression". Chez N26, pas de chiffres à communiquer mais une tendance. "Alors que le nombre de clients de N26 en France a été multiplié par deux en un an, celui des utilisateurs de Google Pay chez N26 a été multiplié par quatre", observe Jérémie Rosselli, patron de la néobanque allemande en France.

Comme son cousin Apple Pay, Google Pay ne communique pas sur le nombre de transactions qui passent par son wallet donc impossible de se faire une idée du niveau d'adoption. Les prestataires de paiement peuvent remonter les transactions online effectuées avec Google Pay à leurs clients marchands mais pas les transactions offline. Il n'est pas possible de différencier un paiement par carte sans contact d'un paiement sans contact par mobile par exemple. "Nous avons été agréablement surpris par le nombre d'utilisateurs et le nombre de transactions en magasin et ce malgré le manque des gros players (comprendre les banques, ndlr)", rapporte-t-on chez Google.

L'absence des grandes banques françaises, qui concentrent la majorité de la population, signifie tout de même qu'il n'y a pas d'utilisation massive. "Quand on discute avec les réseaux de paiement, on remarque que l'usage des wallets est limité en France. Cela représente entre 2 et 3% des transactions par carte bancaire. Ce n'est pas étonnant car les Français sont très satisfaits par la carte et le sans contact est très déployé", explique Lionel Grosclaude, président de Fime, un laboratoire de tests spécialisé dans le paiement.

Même si l'usage du paiement n'est pas répandu, les banques françaises ont quand même plié face à Apple Pay. Alors, pourquoi  ne le feraient-elles pas pour Google ? Une des raisons s'explique en un mot : Paylib, la solution de paiement en ligne créée par les six banques françaises. "Nous avons un partenariat avec Paylib sur la partie Android. Dans le cadre de ce consortium, nous ne pouvons pas ouvrir notre plateforme à des solutions tierces", explique au JDN Ronan Le Moal, directeur général du groupe Arkéa, qui a cependant permis à ses filiales Fortuneo et Max de s'associer à Google Pay, car pas engagées à Paylib.

Côté marchands, la sauce n'a pas vraiment pris non plus. Neuf e-commerçants étaient partenaires au lancement du portefeuille électronique. Fin 2019, ils sont seulement 19.

Liste des marchands partenaires de Google Pay en France
Sites et applications Prochainement
Asos, Bird, Deliveroo, Drivy, Etam, Flixbus, Foodchéri, Ryanair, Showroomprivé, Treatwell, Virtuo, Vueling Cheerz, Lacoste, LeCiseau

"Il y a un intérêt de la part des marchands mais c'est un non sujet aujourd'hui", lâche Jean-Michel Chanavas, délégué général de Mercatel, think tank pour le commerce et la distribution. "Ils ont plutôt en tête la DSP2", ajoute-t-il. La directive européenne sur les services de paiement vise notamment à renforcer la sécurité des paiements en ligne via un système de double authentification. Un énorme chantier à la fois pour les marchands, les prestataires de paiement et les banques, qui devront être prêts le 31 décembre 2020. Pourtant, le wallet de Google Pay est compatible avec cette fameuse DSP2 car il a recours à une authentification biométrique et une authentification sur le device utilisé. "Pour les commerçants, la SCA (strong customer authentification, ndlr) est la meilleure raison d'intégrer des méthodes biométriques modernes telles que Google Pay, qui minimisent les frictions et augmentent la sécurité", concède Guillaume Princen, directeur général Europe continentale de Stripe. Surtout, ces wallets permettent d'avoir un taux de conversion meilleur qu'avec la carte bancaire.

Des PSP outillés mais des marchands réticents

Mercatel assure avoir eu très peu de contacts avec Google Pay cette année. "La Fevad (la fédération des e-commerçants, ndlr) et Mercatel ne sont pas beaucoup sollicités par Google Pay. Nous avons fait un événement avec eux en début d'année puis plus rien", raconte Jean-Michel Chanavas. Rien d'étonnant car Google Pay a privilégié les partenariats avec les prestataires de paiement qui proposent ensuite à leurs clients marchands d'activer ou non le wallet. Les nouveaux entrants Adyen, Stripe & co sont partenaires de Google mais aussi quelques Français comme Lyra ou encore Payline (liste complète ici). "Nous avons pu engager des conversations approfondies à la fois avec les gros prestataires de paiement européens mais aussi les plus petits. Nous avons désormais une bonne couverture. Il nous manque encore quelques acteurs locaux", observe Lucyna Janas. Même si la liste s'agrandit, faut-il encore que les marchands activent l'option Google Pay. "Nous ne l'avons pas mis en place chez beaucoup de clients", assure Anton Bielakoff, CEO de Lyra. "Certains marchands préfèrent attendre et l'implémenter avec le nouveau 3D Secure (le protocole de sécurité qui va avec la DSP2, ndlr)", complète-t-il.  

Les marchands français ont en revanche été plus enthousiastes sur la partie fidélité de Google Pay. Les commerçants peuvent ajouter leurs cartes de fidélité dans le portefeuille électronique américain, comme on le ferait dans un portefeuille physique. La start-up Captain Wallet, spécialiste de la dématérialisation de cartes de fidélité et partenaire de Google Pay de la première heure, en a fait un argument de vente. "On en signe jamais un client sans Google Pay", témoigne Axel Detours, cofondateur de la jeune pousse qui a le même système sur Google Pay. "Désormais nous touchons tous les mobiles en France. C'est donc plus intéressant pour les commerçants de signer avec nous", se réjouit le dirigeant. En un an, la start-up est passé de 25 clients (20 en production) à une centaine (80 en production), dont des poids lourds comme Etam, Europcar ou encore Yves Rocher. Environ 30% des cartes de fidélité dématérialisées par Captain Wallet (qui se comptent en plusieurs millions d'unités) sont sur Google Pay. Reste à convaincre les marchands de basculer vers la partie paiement. Ou alors de construire une super app à l'image des chinoises Alipay et WeChatPay.