Consommer et payer dans le monde d'après

Plafond du sans contact à 50 euros, diminution des espèces, multiplication du drive et du click and collect... Les habitudes de paiement et de consommation sont en train de changer de façon nette.

Ce début de déconfinement est l'occasion de faire une première analyse de l’impact qu’a eu, et qu’aura durablement, la crise du Covid-19 sur nos comportements de consommation et de paiement. 

En deux mois, beaucoup de choses ont changé dans notre manière de consommer. Tout d’abord, nous avons massivement digitalisé nos actes de consommation courante. Cherchant à minimiser les contacts physiques, les Français ont maximisé leur consommation à distance : 2,5 millions de nouveaux clients ont effectué des achats en ligne depuis le début du confinement. La désormais fameuse "distanciation sociale" a ainsi accéléré trois tendances de fond : l’achat alimentaire en ligne, le retrait rapide en magasin ("drive", ou "click and collect") et la livraison à domicile.

Depuis mi-mars, l’expérience en magasin a été bouleversée. Petites et grandes enseignes ont dû s’adapter dans l’urgence à cette crise sanitaire mettant en jeu la sécurité de leurs salariés, de leurs prestataires et de leurs clients. Elles ont dû repenser la gestion des flux humains afin de limiter au maximum les "nœuds" pouvant intervenir à l’entrée, à la sortie ou lors du passage en caisse. Afin de limiter le temps passé sur leurs sites physiques, les enseignes ont déporté la majorité de leurs actes relationnels (fidélisation, aide à la vente, offres commerciales…) sur des canaux distanciels : téléphone, chatbot, espaces clients, applications mobiles. 

En quelques semaines, le "consommer local" et la vente directe sont revenus en force, boostés par le digital. Dès début avril, on a ainsi vu fleurir les initiatives et outils de mise en relation à l’échelle d’un quartier, d’un arrondissement ou d’une ville. Les sites web et applications mobiles visant à rapprocher consommateurs et producteurs (Direct potager, Kelbongoo…) ou à connecter les particuliers entre eux (plateforme idee.paris.fr…) se sont multipliés. Les particuliers, poussés par la praticité et sensibles à la détresse économique des producteurs ne pouvant plus écouler leurs stocks, ont adhéré à ce double mécanisme de relocalisation et de désintermédiation de leurs actes d’achats. Cette éclosion a été rendue possible par l’utilisation opportune d’outils numériques de paiement et d’encaissement simples et flexibles. A Angers, 200 commerçants ont par exemple créé leur propre marketplace : Angersshopping.com. 

Les deux mois de confinement strict qui viennent de s’écouler, et la perspective d’un déconfinement très progressif, ont marqué et marqueront le monde de la grande consommation, sans retour en arrière à l’identique possible. 

Petites et grandes enseignes ne pourront survivre sans se digitaliser massivement. Vendre en ligne ses biens et services n’est plus un avantage concurrentiel, c’est un prérequis, un must have. Désormais, le challenge se situe également dans la digitalisation de la relation client. Les canaux digitaux doivent être utilisés pour acquérir de nouveaux clients, fidéliser les consommateurs, proposer des parcours d’achat multi-canaux, assurer le service avant, pendant et après-vente. Un enjeu de survie pour les PME françaises, qui, en 2018, étaient encore près de 25% à ne pas avoir de site web ! Dans certains pays asiatiques, dont les modes de consommation et les usages digitaux ont évolué plus vite qu’en Europe, on observe nettement ce basculement. La grande majorité du parcours d’achat se passe désormais en ligne et l’on constate une polarisation du rôle du magasin physique : soit il propose une véritable expérience sensorielle à valeur ajoutée qui justifie la visite, soit il devient un simple lieu de stockage. 

Les habitudes de paiement sont également en train de changer de façon nette. Depuis l’arrivée du Covid-19, les espèces, accusées de favoriser la propagation du virus, ont été boudées massivement. Les distributeurs automatiques de billets parisiens ont vu leur volume de retraits diminuer de 76% en quelques semaines. Les boulangeries Paul ont même interdit les règlements en cash. En parallèle, le volume mondiale des transactions en carte bancaire sans contact a cru de 40% d’après Mastercard et Visa. La hausse du plafond de paiement à 50 euros devrait encore accentuer le phénomène. Il en va de même pour le paiement sans contact via téléphone mobile. En droite ligne, la Chine réfléchit actuellement à une disparition pure et simple des billets de banque et à la mise en place d’une monnaie numérique. La dématérialisation du paiement impacte aussi les supports périphériques : tickets de caisse, cartes de fidélités et titres restaurants peuvent rapidement devenir "zéro papier" grâce au déploiement d’outils de type wallets (portefeuille dématérialisés) ou de super applications mobiles intégrant fonctionnalités de paiement et d’encaissement, programmes de fidélité et services à forte valeur ajoutée comme par exemple le scan&go. 

Dans le monde d’après, consommer et payer devra donc rimer, pour le commerçant comme pour le consommateur, avec sécurité des personnes et des transactions, digitalisation des modes de paiement et de la relation client, adaptabilité des outils et des services et fluidité de l’expérience utilisateur.