Eric Petitfils (Klarna) "Klarna a vocation à être un acteur leader en France"

La fintech suédoise Klarna, spécialisée dans le paiement fractionné et différé, se lance en France. L'entreprise est valorisée 31 milliards de dollars.

Eric Petitfils, directeur commercial France de Klarna. © Klarna

JDN. Cela fait plusieurs années que la solution de paiement fractionné Klarna existe en Europe, comment se fait-il que vous n'arriviez qu'aujourd'hui en France ?

Eric Petitfils. Klarna s'est d'abord développé sur les marchés nordiques et allemand où l'idée de paiement différé avait un vrai sens, puis les marchés où il y a une forte utilisation du crédi,t comme le Royaume Uni ou les Etats-Unis. Maintenant qu'on a une solution à la fois solide et robuste, on pense qu'on a un concept qui peut apporter beaucoup de valeur sur le marché français. C'est bientôt le deuxième marché européen pour l'e-commerce. Ce qu'on voit aussi, c'est le changement du consommateur en France qui tend à aller vers des solutions de facilité de paiement avec le boom du paiement fractionné, un marché estimé en 2020 à 6 milliards d'euros et que la Fevad estime entre 10 et 15 milliards d'euros cette année. Les problématiques du consommateur français ne sont pas si différentes de celles des autres marchés : la gestion des retours, comment je peux avoir mon argent quand j'ai retourné quelque chose que j'ai acheté, la traçabilité, les livraisons... Maintenant on a une solution complète, qui a du succès, et le marché est mûr.

N'avez-vous pas l'impression d'arriver sur un marché déjà encombré avec Oney, Floa ou Alma ?

Ce sont des solutions qui existent effectivement, qui sont très focalisées sur la fonctionnalité de paiement, donc en check-out, en fin de parcours. La vision de Klarna est fondamentalement différente dans le sens où on veut créer un écosystème de shopping qui veut proposer les meilleures solutions au consommateur avant l'achat, pendant l'achat et après l'achat.

On voit que les marchands cherchent à acquérir de nouveaux clients, du trafic et de la fidélité. On met nos canaux de communication vers notre network à la disposition des marchands, de manière à ce que de nouvelles offres, de nouveaux produits puissent être poussés vers nos consommateurs.

"Le marché français a ses spécificités, mais nous avons l'ambition de répliquer au mieux notre succès"

Selon une source du JDN, Klarna aurait signé un accord avec le groupe Sephora en France, confirmez-vous cette information ?

On travaille avec Sephora au niveau international, aux Etats Unis, en Italie, en Allemagne au Danemark et en Suède, mais je ne confirme pas cette rumeur.

Lors de votre lancement le 8 juin, vous avez expliqué ne pas avoir d'objectifs en termes de téléchargements de votre application. Vous craignez une frilosité du marché français ?

On a évidemment une ambition importante sur le marché français. Quand on regarde le succès qu'on a rencontré sur les autres marchés sur lesquels on s'est lancé, on a une croissance assez rapide. Aux Etats-Unis, nous avons plus de 17 millions de clients. Au Royaume-Uni, avant même de lancer la shopping-app, on gagnait 700 000 clients par mois. Evidemment, le marché français a ses spécificités, mais nous avons l'ambition de répliquer au mieux cet engouement. On a vocation à être un acteur leader sur le marché français comme on l'est d'ores et déjà sur les marchés allemand, anglais, américain et nordiques.

Comment allez-vous construire votre scoring en sachant qu'il n'existe pas de fichier positif (registre des crédits) en France ?

On a différentes techniques de scoring chez Klarna, dont un certain nombre d'algorithmes qui utilisent l'étude du comportement du consommateur pour comprendre la solvabilité des clients à chaque transaction. On va utiliser des informations d'actes d'achat déjà passés, si c'est un client existant, ou de ressemblance de profil sur des clients nouveaux afin de pouvoir se faire une idée de leur solvabilité. Il y a certains cas où on va décliner des transactions si on estime qu'elles dépassent le niveau de solvabilité du client. Mais le lendemain sur un achat moins cher, on pourra effectivement estimer que c'est raisonnable et prêter. On ne s'empêche pas d'enrichir notre algorithme sur le marché français en regardant des informations qui viendraient de l'open-banking, par exemple, ou des partenariats avec d'autres acteurs.

Votre concurrente Alma s'est récemment associée à La Banque Postale. Avez-vous prévu de nouer des partenariats avec des banques françaises ?

On ne se ferme pas les portes pour étudier des partenariats. On n'a pas engagé de conversations officielles, mais on reste à l'écoute du marché et on établit des relations entre acteurs du même écosystème pour apprendre à se connaître.

"On est déjà une banque, puisque l'on a une licence bancaire"

Le crédit à la consommation attire le regard des régulateurs pour éviter le surendettement, en particulier chez les ménages les plus modestes. Une révision de la directive européenne se prépare et la mission Chassaing vient d'être lancée en France : ne trouvez-vous pas ça inquiétant pour votre activité ?

Non on ne trouve pas ça inquiétant. On est un acteur du paiement qui souhaite s'inscrire sur du long terme. On pense, en tant qu'entreprise leader, avoir une responsabilité pour aider les régulateurs à trouver les bonnes mesures pour à la fois protéger les consommateurs et en même temps permettre le bon fonctionnement de l'écosystème de la consommation. Au Royaume-Uni, qui est maintenant sorti de l'Union européenne, il y a ce type de discussion et Klarna est un des leaders dans les conversations avec le régulateur pour influer et proposer des réglementations. Nous n'avons pas intérêt à pousser les consommateurs à s'endetter pour générer des revenus.

En Allemagne, vous avez diversifié votre activité avec des services bancaires (ouverture de compte, carte de crédit). Comptez vous le faire en France ?

Ce n'est pas la stratégie du lancement, mais on ne s'empêche rien à l'avenir. Est-ce que demain on verra une opportunité, une demande du consommateur pour aller sur d'autres services ? C'est des choses qu'on pourrait étudier, mais ce n'est pas à l'ordre du jour. Ceci dit, on est déjà une banque, puisque l'on a une licence bancaire.

Eric Petitfils est directeur commercial France de la fintech Klarna depuis juillet 2020. Il dirige également le développement commercial d'American Express en Europe du sud depuis 2017 après son entrée dans l'entreprise en 2004 en tant que gestionnaire de la relation client.